Accès au contenu
Maraîchage

Tomate d’industrie : consolider puis dépasser les 200 000 tonnes

Il y a 30 ans, la France produisait deux fois plus de tomates fraîches destinées à l’industrie dans un marché plus étroit que celui d’aujourd’hui. Après une période de crise qui a failli la voir disparaître, elle retrouve aujourd’hui des couleurs, s’est dotée d’outils industriels de pointe alors que le marché national progressait de 50 %. Reste à trouver les producteurs.
Tomate d’industrie : consolider  puis dépasser les 200 000 tonnes

Robert Giovinazzo (responsable technique de la Sonito), Pascal Lenne (directeur), David Page (Inra SQPOV d’Avignon) et André Bernard (président de la Sonito).

En 1985, la France produisait 392 000 tonnes (t) de tomates destinées à l'industrie dans un marché national de 800 000 t. Aujourd'hui, la filière reprend du poil de la bête après des années de pénurie et retrouve des niveaux de production plus acceptables, aux alentours des 180 000 t dans un marché désormais mondialisé. En 2015, avec 2 618 hectares emblavés, soit 600 de plus qu'il y a deux ans, on s'attendait à une production record, autour de 195 000 t. Mais le climat en a décidé autrement et les volumes rentrés, bien que hautement qualitatifs, sont restés en deçà des espérances, à 165 000 t. « Nous sommes en capacité de retrouver les 200 000 tonnes », a lancé le président de la Sonito, André Bernard, fin décembre, dans les locaux de la chambre d'agriculture d'Avignon. L'interprofession a décidé d'organiser cet automne deux réunions - l'une dans le Sud-Est, l'autre dans le Sud-Ouest - pour réaffirmer que la filière avait de belles années devant elle, avec un marché en croissance et une origine France à faire valoir comme atout.

Reconquérir des parts de marché

« Nous devons nous projeter dans les dix ans à venir, avec deux étapes importantes, à savoir 2017 et un premier bilan de cette Pac, et 2020, année de sa révision », a indiqué André Bernard, président de la Sonito. « On perd tous les combats que l'on n'engage pas, a-t-il ajouté. Les nouvelles techniques vont nous permettre d'approcher les objectifs du plan Ecophyto. On doit travailler à identifier des solutions moins impactantes au niveau environnemental, mais l'on doit aussi reconquérir des volumes et de nouveaux producteurs. Après une grave crise, nous avons retrouvé un palier, conforté par la sortie de terre de l'usine Provence Tomate. Les 200 000 tonnes ne sont pas loin et le marché national est passé de 800 000 t, en 1985, à 1,2 million aujourd'hui. En clair, en France, nous produisons deux fois moins qu'hier alors que le marché a grimpé de 50 %. Nous avons des parts de marché à reconquérir, sachant que l'origine France est recherchée. »
Le président de la Sonito a rappelé la conservation de 3 millions d'aides couplées dans le cadre de la Pac. « Nous travaillons déjà, dans l'optique de 2017 et 2020, non seulement à conserver cette enveloppe, mais aussi à réfléchir à de nouveaux outils, type FMSE (fonds de mutualisation sanitaire et environnemental - voir encadré ci-dessous). »
7 % des volumes mondiaux importés
Deux combats pas forcément simples à mener tant la « petitesse » de la filière peut parfois la desservir, comme l'a rappelé Pascal Lenne, directeur de la Sonito. « 200 000 tonnes dans un marché mondial de 38 à 40 millions de tonnes... nous ne pesons rien et notre filière est parfois difficile à défendre au niveau national, européen et mondial. Notre taille pourrait pour certains justifier un arrêt des politiques publiques de soutien. Jusqu'à présent, nous avons su nous rendre audibles, en étant organisés mais également concentrés sur un nombre réduit de départements. Cela nous a permis de faire inscrire ces 3 millions d'aides couplées dès 2008 du fait de l'importance de la production au niveau régional. »
Autre argument mis en avant par la filière : ses équipements de transformation. Car si elle ne produit que 0,43 % de la production mondiale, la France représente néanmoins 7 % des volumes mondiaux importés. « C'est colossal ! En investissant dans nos outils de transformation, nous contribuons à réduire le déficit de la balance commerciale agroalimentaire française, et croyez-le, cet argument pèse dans les discussions avec les pouvoirs publics », a fait remarquer Pascal Lenne. En effet, l'Union européenne importe 9,2 millions de tonnes de tomates fraîches, 1 milliard de tonnes de concentré, 801 000 t de conserves et 1,2 milliard de tonnes de sauce. Et la France ne représente pas moins de 13 % de ces volumes.

Poursuivre les efforts

Pour demain, l'objectif de la Sonito est donc de consolider ses volumes, d'atteindre puis de dépasser les 200 000 t produites en France. Des efforts techniques ont été faits et continuent, à l'image des travaux présentés par David Page, de l'Inra d'Avignon. Avec ses collègues chercheurs, il travaille pour développer de nouveaux outils de diagnostic rapide, notamment avec l'infra-rouge, permettant d'évaluer le potentiel réactionnel (viscosité) de variétés en cours d'évaluation ; mais aussi pour calibrer des outils de transformation en laboratoire équivalents aux outils existants dans les usines.
« Au champ, il s'agit de poursuivre les efforts agronomiques (mécanisation, irrigation, fertilisation...) ainsi que de proposer aux producteurs des variétés toujours plus adaptées aux attentes des industriels, mais répondant également à leurs impératifs agronomiques, tels que productivité et tolérance et (ou) résistance à certaines viroses ou maladies majeures », explique Robert Giovinazzo, responsable technique de la Sonito. Ces variétés prennent chaque année de l'ampleur dans les emblavements et sont sans doute à l'origine de la bonne qualité entrée cette année dans les usines, malgré les difficultés climatiques.
Enfin, au niveau interprofessionnel, de nouveaux chantiers doivent être lancés : la communication d'abord. Peut-être faudra-t-il réellement se pencher sur la question d'une IGP pour bénéficier de fonds européens alloués à la communication... Sans parler de la place de l'interprofession dans les nouveaux schémas en devenir comme le contrat-socle ou le FMSE (lire encadré). 

Céline Zambujo

En savoir plus

Vous trouverez sur le site de la Sonito (www.sonito.eu), les travaux de l’interprofession ainsi que toutes les coordonnées des organisations de producteurs (APAAF, APTO2 et Valsoleil) et des divers industriels du secteur.
Contact : Sonito, Maison de l'agriculture, TSA 48 449 - Bât. A., bureau n° 223 - 84912 Avignon cedex 9 - Tél. : 04 90 86 64 39.

 

L’avis d'André Bernard, président de la Sonito 
Réfléchir sans tabou sur le contrat-socle et le FMSE

« À l’avenir, peut-être faudra-t-il se poser la question d’une augmentation de cotisation qui permettrait d’avancer plus vite sur de nouveaux dossiers comme la communication ou la recherche. En tout cas, il ne faut pas s’interdire de se la poser. Comme il ne faut pas s’interdire de se poser celle sur l’assurance et le nouveau contrat-socle, en vigueur depuis le 1er janvier. Dans les prochaines années, il y a fort à parier que le système assurantiel va prendre de plus en plus de poids dans les mécanismes d’intervention de la Pac, via des fonds de garantie, voire d’assurance revenu, au détriment des aides à l’hectare. Jusqu’en 2020, nous avons réussi à maintenir les aides couplées, mais après ? Sachant que ces aides à l’hectare se réduisent et que certains sont déjà à dire que les aides au verdissement devraient disparaître. Elles représentent aujourd’hui 30 %. Ce n’est pas rien. Et il ne faudrait pas les perdre après 2020 si on n’est pas inscrit dans un système assurantiel. Ce sera la même chose pour la réflexion sur le FMSE. Nous devons l’intégrer car l’assurance revenu chiffre d’affaires fait partie des hypothèses et des réflexions posées pour la prochaine Pac. »