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DIVERSIFICATION

Transformation et vente directe : tenir à tout prix dans les Baronnies

Faire vivre une exploitation familiale dans les Baronnies est un combat de chaque instant auquel s’emploient Marion Ficatier et Florian Charasse. Rencontre à la ferme de l’Ayguemarse.

Transformation et vente directe : tenir à tout prix dans les Baronnies
Marion Ficatier assure une vingtaine de marchés par an à Paris avec le réseau Bienvenue à la Ferme et l’association nationale Civam fermier (Pari Fermier). Elle y fait découvrir les olives de Nyons et les confitures, nectars et jus de fruits des Baronnies. ©AD26-S.S.

Bénivay-Ollon, une commune au charme certain, véritable carte postale des Baronnies provençales. Mais pour qui veut y vivre de l’agriculture, mieux vaut s’armer de courage. Manque d’eau pour l’irrigation, gels printaniers de plus en plus dévastateurs ou encore concurrence sur les marchés locaux pour les produits du terroir, ces réalités sont le quotidien de Marion Ficatier et Florian Charasse. Ce couple de trentenaires est à la tête de la ferme de l’Ayguemarse, créée par le grand-père de Florian dans les années 1950.

Lorsqu’il s’y installe en 2009 à la suite de ses parents, Florian récupère une exploitation qui a souffert des crises, celle de l’abricot au début des années 1990 puis celle du vin dans les années 2000. Seule l’olive, grâce à l’appellation d’origine “Nyons“ s’en sort plutôt bien. Pour dégager un revenu, le jeune agriculteur développe la transformation qu’il confie à un prestataire. Olives noires, huile d’olive, jus, confitures d’abricot et nectars de cerises, autant de produits qu’il souhaite valoriser sur les marchés touristiques de la région. Mais les places sont chères, avec des listes d’attente qui frôlent parfois cinq ans. Via le réseau Bienvenue à la ferme, il s’inscrit pour un marché de producteurs à Lyon. Là-bas, d’autres agriculteurs l’incitent à tester les marchés parisiens où ses produits aux saveurs provençales pourraient rencontrer du succès. Toujours avec Bienvenue à la ferme mais aussi Pari Fermier, il assure jusqu’à une douzaine de marchés par an dans la capitale. C’est là qu’il rencontre sa future compagne et associée. Marion est ingénieure du son et sonorise le concert d’un marché festif auquel participe Florian.

Une vingtaine de marchés sur Paris

En 2016, elle rejoint les Baronnies et obtient un BPREA à distance auprès du CFPPA du Pradel (07). Un joli retour à ses premières ambitions car la jeune femme avoue : « Au collège, je voulais faire le lycée agricole. Sous prétexte de mes bons résultats en classe, on ne m’en a pas laissé la possibilité. » En 2018, elle entre dans l’EARL de l’Ayguemarse. Son installation est l’occasion d’investir dans un atelier de transformation*. Elle prend en main cette partie de l’activité ainsi que la commercialisation. « Je fais une vingtaine de marchés par an sur Paris qui se concentrent sur l’automne et le printemps afin d’être ici pour la récolte des abricots et des olives. Comme j’ai de la famille en Bretagne, je livre aussi cinq magasins de producteurs là-bas au sein desquels la ferme est apporteur non associé, décrit Marion. En général, je rentre avec du sel de Guérande pour la saumure des olives et des graines d’engrais verts pour nos vergers. » Une organisation qui n’est pas de tout repos reconnaît l’agricultrice et difficilement compatible avec une vie de famille. « Sans oublier qu’avec l’augmentation du prix des carburants, nous sommes vraiment pénalisés par le fait de ne pas commercialiser en local », insiste-t-elle.

En parallèle, la ferme de l’Ayguemarse est présente depuis trois ans sur le site de vente en ligne « Pour de bon ». « Nous expédions nos produits aux quatre coins de la France, y compris des fruits frais. Cela représente presque 10 % de notre chiffre d’affaires », précise Marion. Là aussi, elle craint que les tarifs liés à l’expédition ne s’envolent sur la prochaine campagne.

Diversifier au maximum

L’objectif des associés à présent est de diversifier au maximum les productions, à la fois par sécurité en cas d’accident climatique mais aussi pour étoffer la gamme en réponse aux attentes des clients. Ainsi, l’exploitation compte désormais 7 ha d’abricotiers (75 % de la production transformée), 7 d’oliviers, 2,5 de cerisiers (80 % de la production vendue en frais, le reste transformé) et 5 de raisins de table (essentiellement pour la vente en frais et une petite partie transformée en jus). Raisins de table et olives sont en bio. « Nous diversifions également avec une petite surface en pruniers et cognassiers et peut-être, plus tard, des figuiers, grenadiers...», poursuit l’agricultrice. Beaucoup d’efforts dont elle espère qu’ils ne seront pas anéantis par l’inflation actuelle. « Le prix des bouteilles, des bocaux, des capsules, des emballages cartons, des étiquettes... tout explose en ce moment et ceci, quand il n’y a pas tout simplement de rupture d’approvisionnement. Ce qui m’inquiète aussi, c’est que nous ne sommes pas sur des produits essentiels. Si les prix de l’alimentation augmentent, ce n’est pas sur l’huile d’olive de Nyons que vont se ruer les gens. Nous sommes dans une crise profonde et injuste car ce n’est pas une crise agricole mais une crise de marchés financiers », regrette la jeune femme. Seul réconfort dans cette période : les retours positifs des clients. Des messages qui disent tout le plaisir éprouvé à déguster des olives, une affinade ou de la confiture d’abricots des Baronnies et qui redonnent un peu de sens à ce difficile métier.

Sophie Sabot

* Les jus et l’huile d’olive sont toujours fabriqués en prestation.
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Retenues collinaires individuelles : une alternative crédible pour le territoire

Retenues collinaires individuelles : une alternative crédible pour le territoire
Florian Charasse et Marion Ficatier exploitent près de 25 ha, en abricotiers, cerisiers, oliviers, raisins de table… sans oublier un hectare de vigne pour la cave coopérative de Puyméras. Seulement un tiers des surfaces est irrigué. ©AD26-S.S.

« Un tiers de nos surfaces est irrigué par goutte à goutte. Nous disposons d’une retenue collinaire d’environ 6 000 m³ construite dans les années 1980, d’un forage et d’un petit pompage en rivière. Aujourd’hui nous aurions besoin de deux retenues collinaires supplémentaires, décrit Florian Charasse. Nous avons déposé des dossiers mais le volume pour lequel nous pourrions obtenir une autorisation est trop faible par rapport à l’investissement qu’il générerait. » Entre le coût des études préalables et les subventions qu’il lui serait possible d’obtenir, l’agriculteur de Bénivay-Ollon n’est pas prêt à prendre le risque. « On nous annonce jusqu’à 80 % de subvention mais pour cela il faut cocher toutes les cases : être JA, en zone de montagne, en bio et créer un lac collinaire dans l’objectif de substituer d’autres prélèvements. Or dans mon cas, ce n’est pas de substituer dont j’ai besoin mais de davantage d’eau », poursuit-il. Pour arroser sept hectares supplémentaires, il estime qu’il lui faudrait disposer d’une nouvelle ressource de 7 à 8 000 m³. « Tout mis bout à bout, c’est un projet à 150 000 euros. Au mieux, je peux espérer 40 % de taux de subvention jusqu’au plafond de 40 000 euros. Au-delà, ce sera décroissant », estime Florian Charasse. Il est persuadé que des ouvrages individuels, dimensionnés aux besoins des petites exploitations du territoire, sont pourtant une alternative crédible qui coûterait bien moins cher que des ouvrages collectifs. 

S.S.