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Elections européennes

Un débat agricole avec le ministre et Jérémy Decerle

La République en marche Drôme a organisé un échange sur l'agriculture, à Bourg-de-Péage, avec entre autres le ministre Didier Guillaume et Jérémy Decerle, ancien président national des Jeunes Agriculteurs.
Un débat agricole avec le ministre et Jérémy Decerle

« De l'agriculture à l'alimentation - L'Europe, un enjeu pour demain », tel était le thème de la rencontre organisée par La République en marche (LaREM) Drôme le 26 avril à Bourg-de-Péage. Ce soir-là, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, ainsi que Jérémy Decerle*, ancien président national des Jeunes Agriculteurs et candidat aux élections européennes sur la liste LaREM, ont répondu aux questions du public. A leur côté, la députée Célia de Lavergne, le sénateur Bernard Buis et un autre candidat de cette liste, Philippe Gudin (Châtillon-en-Diois), présenté comme « un spécialiste de l'Europe ».

Evolution de la Pac

Eleveur de vaches charolaises en Saône-et-Loire, Jérémy Decerle a été président national des Jeunes Agriculteurs pendant un peu moins de trois ans.

« L'agriculture et l'alimentation sont un enjeu essentiel pour l'Europe », a souligné le ministre. Pour Jérémy Decerle, il ne faut pas que les fonds européens dédiés à l'agriculture baissent. Il défend « une Pac avec des aides dirigées vers les actifs agricoles. Aujourd'hui, n'importe qui peut devenir agriculteur et demander ces aides. Cela va être dur mais il faut changer, mettre des critères de formation, capacité professionnelle, revenu principal tiré de l'agriculture. Et faire évoluer le système progressivement car des exploitations se sont basées sur les aides à l'hectare ». Le président de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, a mis en garde : « Dans les pays de l'Est, les actifs agricoles sont nombreux. Donc, au niveau de l'enveloppe des aides, la France risque de beaucoup perdre ». Le ministre, lui, a indiqué à propos de la Pologne : « Favoriser l'installation n'est pas son problème, elle veut des aides à l'hectare. »
Au sujet de la Pac encore, Jérémy Decerle a ajouté : « Nous souhaitons une politique rémunérant mieux les agriculteurs, en cohérence avec les Etats généraux de l'alimentation. Mais aussi une Pac qui les protège mieux à la fois des produits venant de pays n'ayant pas les mêmes réglementations et face aux aléas climatiques, économiques, sanitaires. L'Europe doit également se préoccuper de la structuration et du développement des filières, aider les agriculteurs à réussir la transition écologique qui est souhaitée. Elle doit faire le choix d'une politique environnementale et écologique basée sur des objectifs de résultats plutôt que de moyens. » En ce domaine, « elle doit encourager les agriculteurs en les accompagnant financièrement et leur faire davantage confiance. Enfin, dans les échanges commerciaux, « il faudra traiter différemment l'alimentation : on ne peut plus continuer à échanger des avions contre des kilos de viande. »
Quels leviers contre les produits présents sur notre marché provenant de pays n'ayant pas les mêmes exigences réglementaires ? Une question posée par Philippe Patouillard, agriculteur à Châteauneuf-sur-Isère. A ce sujet, Philippe Gudin a signalé que « des standards environnementaux, sanitaires peuvent être exigés dans les accords de libre échange. C'est au niveau de l'Europe que cela se décide ».

Foncier, installation

Dans notre pays, une loi foncière est en projet. « Les porteurs de parole français en ont-ils un au niveau européen ? », a interrogé Robert Delage, ancien agriculteur à Saint-Dizier-en-Diois. « Le foncier n'est pas une compétence de l'Europe, a répondu le ministre, avant de décliner trois grandes orientations pour le projet français. La préservation du foncier : « J'aimerais que soit inscrit dans la loi "zéro artificialisation des terres agricoles" ». Renouvellement des générations : « Il faut installer des jeunes car, dans les dix ans, 150 000 agriculteurs français prendront la retraite ». La troisième orientation serait de réserver aux agriculteurs l'acquisition de foncier agricole. « Une loi foncière me convient, a assuré Jean-Pierre Royannez. Mais aucune artificialisation de terrains agricoles, c'est impossible. » Entre 2000 et 2010, la France a perdu 3 % de sa surface agricole, Rhône-Alpes 6 %, la Drôme 12 % « et c'est reparti à la hausse », a-t-il repris.
A une autre question de Philippe Patouillard sur les exploitations de type industriel, Jérémy Decerle a répondu ne pas être favorable au développement du modèle économique de la ferme des 1 000 vaches « car cela nuirait au renouvellement des générations ». Par contre, il estime que les éleveurs ayant créé la ferme des 1 000 veaux (afin d'éviter d'envoyer ces animaux à l'engraissement en Italie) en tirent une plus-value, fournissent de l'emploi et aide une dynamique rurale. « Donc, faisons attention à ne pas opposer les systèmes d'exploitation entre eux. »

Une partie de l'assistance à cette rencontre.

Agroécologique, bio, alimentation

Côté transition agroécologique, « la volonté est de faire muter l'agriculture en l'accompagnant », a précisé le ministre. Mais « cela ne peut se faire du jour au lendemain » ; des alternatives sont encore à trouver et « il faut penser à l'autosuffisance alimentaire ». Et de poursuivre : « Je dis oui à la transition agroécologique mais je n'oppose pas les agricultures ». Célia de Lavergne, elle, a constaté que la majorité des agriculteurs sont en train de faire cette transition.
Si la part de l'agriculture biologique n'est pas de 50 % aujourd'hui, « c'est parce que ce n'est pas possible, a considéré Jean-Pierre Royannez. Elle a ses particularités. Et c'est un marché qu'il ne faut pas saturer. Le bio, la vente directe sont des niches : il ne faut pas trop de chiens dedans, sinon il n'y a plus de place et c'est la bagarre ». Il a aussi signalé que le bio est traité avec des produits naturels pouvant être dangereux s'ils sont mal utilisés. Un agriculteur bio de Châteauneuf-sur-Isère, Gérard Roch, a fait part de son expérience : « Des problèmes techniques se posent pour passer en bio sur certaines productions ; il faudra encore quelques années ».
Dans l'assistance, un « citoyen consommateur » s'est dit prêt à participer financièrement à cette transition. A propos du « consom'acteur », Jérémy Decerle a noté : « Il faut redonner du sens à l'alimentation ». Pour Philippe Gudin, « c'est aussi au citoyen de faire attention à ce qu'il mange. Cela passe par l'éducation au plus jeune âge. » Célia de Lavergne a abondé en ce sens, estimant essentielle la manière dont on éduquera les enfants.

 

* Agriculteur en Saône-et-Loire sur une exploitation d'une centaine d'hectares, Jérémy Decerle élève une cinquantaine de charolaises et emploie un salarié.