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Installation

Un jeune aviculteur bien entouré et déterminé

À Charmes-sur-l'Herbasse, Medhy Champion s'est installé en construisant un troisième bâtiment avicole sur l'exploitation familiale. Une installation qui a nécessité du temps et du courage.

Un jeune aviculteur bien entouré et déterminé
« Mon parcours d'installation a été assez long mais j'ai été bien soutenu par mes parents », confie Medhy Champion, agriculteur depuis mars 2023. ©CL-AD26

Six années d'études suivies de quatre années comme salarié de l'exploitation familiale avant de s'installer et pas mal de soucis avec des détracteurs... C'est, en résumé, le parcours de Medhy Champion depuis 2012. Après l'obtention d'un bac STAV en 2015 au lycée Le Valentin puis d'un BTS Acse en 2017 à Vivarais Formation, il poursuit avec un CAP de conducteur routier en 2018 au lycée des Catalins à Montélimar. Entre 2019 et 2020, il partage deux emplois salariés : l'un chez le transporteur Trans Natural, l'autre sur l’exploitation familiale de ses parents, Catherine et Pascal, qu'il rejoint à temps plein de 2020 à 2023. Ces trois années de salariat seront mises à profit pour élaborer son projet d'installation, lequel aboutira en mars 2023 avec la création, à Charmes-sur-l'Herbasse, d'un Gaec familial dans lequel Medhy possède 30 % des parts, son père 60 % et sa mère 10 %.

Un investissement de 700 000 €

« Mon parcours d'installation a été assez long mais j'ai été bien soutenu par mes parents », confie Medhy Champion. Ces trois années de démarches ont aussi été accompagnées par la chambre d'agriculture et la Banque populaire, entre autres. Son projet : la construction d'un bâtiment de volailles de chair en élevage standard venant s'ajouter aux deux autres déjà en place. Pour financer son investissement de 700 000 euros, le jeune agriculteur a pu compter sur la DJA(1) (36 000 €), le PCAE(2) (environ 230 000 €) et l'emprunt (470 000 € sur quinze ans). De plus, un projet d'installation photovoltaïque sur la toiture du nouveau bâtiment, prévu en mars 2025, devrait rapporter quelque 11 000 € de revenu annuel. À noter, Medhy Champion a bénéficié d'une subvention « installation » de 2 000 € d'Arche Agglo et d'une prime par lot de son intégrateur, Duc.

Le 26 novembre, pour l'inauguration de son installation, Medhy Champion et ses parents entourés de proches, d'élus locaux, de responsables JA, de représentants de Duc ainsi que d'élèves de la MFR de Divajeu. ©CL-AD26

Huit bandes par an et par bâtiment

Aujourd’hui, le Gaec compte trois bâtiments avicoles : deux de 1 200 m² (2 x 25 000 poulets) datant des années 1990, et le nouveau de 1 500 m² (30 000 poulets). L'objectif de production est de huit bandes par an et par bâtiment, sachant que la durée d'élevage des poulets est de 37 à 40 jours. « Nous optimisons au maximum la croissance des poulets, souligne Medhy Champion. Pour atteindre nos objectifs, nous devons être très minutieux et rigoureux, avec une surveillance continue. » Le choix a été fait de bétonner les trois bâtiments. « Avec des dalles accueillant des aires paillées, il nous faut quatre heures pour sortir le fumier, six heures pour le lavage et la désinfection du bâtiment réalisés par un prestataire, explique-t-il. Trois à quatre jours après, nous pouvons accueillir les nouveaux poussins. Le vide sanitaire est ainsi raccourci. Pour rien au monde, on ne reviendrait à des sols en terre battue. » Le nouveau bâtiment est équipé d'ouvertures (vitres) pour assurer 3 % de luminosité naturelle, ainsi que d'un système de brumisation et de ventilation pour le bien-être des animaux.

Le Gaec dispose aussi de 60 hectares de prairies permanentes et temporaires pour la vente de foin à des centres équestres principalement, ainsi qu'à des parcs animaliers et des particuliers. S'ajoutent 40 ha de productions céréalières (dont seulement 15 sont irrigables) vendues à la coopérative Drômoise de céréales.

« Les recours impactent durement les porteurs de projet »

Le 26 novembre, lors de « l'inauguration » de son exploitation organisée par le syndicat Jeunes agriculteurs, Medhy Champion a mis en avant son intérêt pour l'aviculture : « C'est une filière avec des outils locaux efficaces (couvoirs, abattoirs). L'intégration avec Duc apporte régularité et visibilité sur les revenus. Et c'est un atelier hors-sol, donc non soumis aux aléas climatiques ». Toutefois, il prévient sur la nécessité de bien appréhender les coûts initiaux et les frais intermédiaires : « Heureusement que j'ai pu bénéficier du soutien de mes parents au démarrage pour surmonter le coût des études en attendant l'arrivée des aides ». Un soutien bienvenu d'autant que les relations de voisinage ne facilitent pas ce type de projet. « C'est ok maintenant, confie-t-il sobrement. Pour mon père, lorsqu'il a dû reconstruire un bâtiment après un incendie, entre 1996 et 1998, c'était très tendu, les gendarmes venaient à chaque attrapage. Mais nous devons rester prudents. » Ce que confirme Frédéric Moze, responsable de la filière Duc Sud : « Le sociétal met des bâtons dans les roues par méconnaissance. Et les recours sur les projets de construction de bâtiments impactent durement les porteurs de projet ». Une situation que le cousin de Medhy, Gilles Champion, subit de plein fouet avec des opposants farouches, incluant le maire de sa commune, Peyrins. Alors que le préfet de la Drôme a signé le 6 août dernier l’arrêté autorisant l’agrandissement de l'élevage de volailles au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), le maire n'a toujours pas délivré le permis de construire !

Lors de cette inauguration, plusieurs élus ont apporté soutiens et encouragements. « Faire bien et laissez dire », a préconisé Pascal Balay, agriculteur et représentant d'Arche Agglo. Un propos repris par David Bouvier, agriculteur et conseiller départemental, qui s'inquiète cependant de la montée des oppositions aux projets de bâtiments d'élevage. « L’acceptabilité par la société est fondamentale, a dit Emmanuelle Anthoine, conseillère départementale, pointant les risques du Mercosur sur la pérennité de la filière des volailles françaises. Quant à Thierry Mommée, aviculteur et élu de la chambre d'agriculture de la Drôme, il a mis en avant la création mais aussi l'intérêt des « reprises d'exploitations, compte tenu du fort renouvellement des générations dans les dix ans à venir ».

Christophe Ledoux

(1) DJA : dotation jeune agriculteur.

(2) PCAE : plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles.

Volailles de chair : la hausse de consommation s’accélère

Sur les neuf premiers mois de 2024, la consommation de viande de volaille des Français a progressé de 10,2 % en un an, augmentant plus vite qu’avant la période Covid, a indiqué l’interprofession Anvol le 26 novembre. En 2023, les ventes avaient augmenté de 3,6 % sur l’ensemble de l’année (en magasins et restauration hors domicile). Cette demande croissante est toujours alimentée notamment par l’import, qui gagne 3,8 % en volume début 2024, pour le poulet (+3,4 % en 2023). À noter, la forte hausse (+15,3 %) des produits élaborés, troisième catégorie de produits importée derrière les filets et les cuisses.

« Reconquérir le marché intérieur et installer des jeunes »

« Reconquérir le marché intérieur et installer des jeunes »
En standard, « nous importons encore un poulet sur deux », rappelle Jean-Michel Schaeffer, président d'Anvol. ©Actuagri

Entretien avec Jean-Michel Schaeffer, président d'Anvol, l'interprofession de la volaille de chair.

La consommation de poulet a augmenté de 25 % en cinq ans et la croissance est régulière. Cela signifie-t-il que les signaux sont au vert pour la filière ? « On pourrait le penser mais les apparences sont trompeuses, répond Jean-Michel Schaeffer, président d'Anvol, l'interprofession de la volaille de chair. La consommation est tirée par le poulet standard, le “poulet du quotidien”. Mais la consommation de poulets sous signes de qualité, label rouge ou bio, est en baisse. Ce qui tire la consommation c'est la restauration hors foyer et les produits transformés. Un phénomène qui s’est aggravé avec l’inflation de 2022. Or, pour ce type de produits, nous importons encore un poulet sur deux. Il est donc urgent d’augmenter l’offre en poulet standard. C’est un défi car les politiques publiques ont été construites selon les attentes sociétales et non selon les réalités du marché. Nos objectifs pour la filière avicole sont de reconquérir le marché intérieur, installer des jeunes pour répondre à la croissance de la consommation. Nous avons pour objectif de construire 400 nouveaux poulaillers d’ici cinq ans. »

Afin de faciliter la construction de ces poulaillers, « nous demandons surtout une égalité de traitement en ce qui concerne la réglementation sur les installations classées, indique Jean-Michel Schaeffer. Il faut aligner cette réglementation française sur les normes européennes, arrêter la sur-transposition. Le seuil de déclenchement des enquêtes publiques en France, face à un projet de construction, est de 40 000 volailles alors que l’Union européenne le demande à partir de 85 000 volailles. Nous sommes plus restrictifs que dans le reste de l’Union ! »