Un marché extrêmement dynamique
Si la filière volailles de chair est directement impactée par le contexte géopolitique, elle arrive malgré tout à se démarquer d’un point de vue consommation au détriment des autres filières viande. Un point encourageant pour l’avenir.

L’année 2024 est forcément marquée par les contextes géopolitiques (conflit russo- ukrainien, élections américaines, etc.) venant bouleverser les marchés internationaux. « Globalement, le cours des matières premières a traversé deux périodes. Nous avons connu une hausse de janvier à juin. Les différents conflits dans le monde (Est de l’Europe, Moyen-Orient) ont conduit les pays à se sécuriser, notamment sur le prix des matières premières. Aujourd’hui, la situation géopolitique n’inquiète plus vraiment les marchés et apporte une tendance baissière sur une partie des matières premières, en particulier le maïs. Il semblerait que cette tendance se confirme jusqu’à la fin de l’année », présente Vincent Pedro, chargé des études économiques à à l’Itavi1.
Par ailleurs, l’Itavi a relevé une amélioration du solde commercial des exports français en forte hausse (+ 15,3 %) et des imports de viande étrangère (+ 2, 6 %) sur les neuf premiers mois de l’année 2024 par rapport à la même période 2023.
Au niveau européen, les importations connaissent un record depuis les pays tiers, porté principalement par le Brésil, suivi de l’Ukraine et du Royaume-Uni. En France, le principal importateur de volailles sur le territoire est la Pologne avec une progression de 13 %, suivie de la Belgique et des Pays-Bas.
« En 2000, 75 % des volailles étaient origine France. Aujourd’hui, nous en sommes à 50 %, ce qui veut dire qu’une volaille sur deux consommée par les Français est d’origine étrangère. L’autosuffisance en poulet - avec le parc bâtiment en décroissance - n’est aujourd’hui pas réalisable par rapport à la consommation des ménages », stipule-t-il.
Une viande qui séduit
Malgré tout, le marché de la volaille française est extrêmement dynamique, avec une production en hausse de 9,5 % (toutes volailles confondues) sur les neuf premiers mois de 2024. En Auvergne-Rhône-Alpes, les abattages de poulets et de coquelets augmentent de 12 % sur les neuf premiers mois de l’année.
Globalement, l’intérêt des consommateurs français pour la volaille ne cesse de progresser. Pour Vincent Pedro : « La consommation de viande ne baisse plus (sur dix ans) après une baisse dans la décennie précédente, avec
3,1 kg / an / habitant en 2023 contre
82,6 kg / an / habitant en 2013. Toutefois, la consommation de volailles connait une croissance dynamique et ininterrompue sur vingt ans (+ 32 %) au détriment des autres viandes de boucherie. Plusieurs éléments peuvent expliquer cela : l’aspect prix abordable, la santé, la praticité, la forte présence en RHD2, le bilan carbone moins élevé que d’autres productions, etc. ». La viande de volailles est d’ailleurs la première viande consommée dans le monde depuis 2016. En France, un habitant mange en moyenne 23,6 kg de poulet (chiffres 2023), soit 80 % de l’ensemble des viandes de volailles. « Nous appelons cette tendance la ”pouletisation de la consommation”. Le poulet est le mastodonte des consommations en viande de volailles. Les autres espèces – en réduction de volumes – sont en baisse (dinde 13 %, canard 6 %, pintade 1 %) », souligne-t-il.
Parmi les arguments qui expliquent la montée en puissance de la viande de volaille dans les assiettes des Français, sa présence en RHD. « En 2023, la consommation à domicile était de 65 % contre 35 % en hors domicile. Cependant, il faut relever que la tendance est nettement marquée par une baisse de la consommation à domicile avec une nette progression en RHD. Ce segment est par ailleurs le plus propice à l’entrée de volailles étrangères. Aussi, à l’heure actuelle, rien ne peut faire envisager que la tendance ralentisse dans les années à venir », poursuit Vincent Pedro. Dans les années 2000, le poulet entier représentait plus de la moitié des achats. Aujourd’hui, il ne fait partie plus que de 16 % des ventes, au profit des produits de découpe et élaborés. En revanche, les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) connaissent une baisse des achats des ménages, que ce soit en label rouge (-1,5 % en poulets entiers, - 5,9 % en découpes) ou en bio (- 14,4 % en entier, - 12,3 % en découpe) selon les achats 2022-2023. L’inflation sévère de 2023 a largement impacté ce segment, avec des prix de vente historiquement hauts.
Amandine Priolet
1. Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole.
2. Restauration hors domicile.
Vers des références technico-économiques objectives
Lors de son allocution, Vincent Pedro, chargé de mission économie à l’Itavi, a présenté quelques références technico-économiques en poulet de chair recueillies au sein de quatre départements (l’Ain, l’Allier, le Puy-de-Dôme et la Drôme) dans le cadre du plan de filière avicole de la Région Auvergne-Rhône-Alpes en lien avec l’Afivol (étude à retrouver sur le site Internet www.itavi.asso.fr).
Des chiffres toutefois à prendre avec des pincettes, puisque comme l’a expliqué le chargé de mission, certaines charges variables observent de fortes fluctuations, expliquées principalement par l’échantillon Label plus conséquent, avec des pratiques variées : enlèvement avec entraide ou prestation, nettoyage avec ou sans prestation, politique de cotisations groupement différentes, anticoccidiens inclus ou non dans l’aliment, litière à quantité et matériels variables, etc. Cette variabilité de certaines charges fera l’objet d’un travail approfondi dès 2025, avec des études de cas-types et de bâtiment. Objectifs : mieux connaître l’état du parc bâtiment (surface, âge) et inclure les taux et les montants de rénovation.
Face à ces variabilités, plusieurs acteurs des filières avicoles ont exprimé leur besoin d’accéder à des références technico-économiques objectives et publiques. De ce fait, l’Itavi et le réseau des chambres d’agriculture ont lancé le dispositif unique d’acquisition de références Inosys Réseaux avicole et cunicole (Irac) au printemps 2024. La région sud-est intégrera ce dispositif dès 2025. « L’idée est d’avoir à terme un réseau de 755 suivis annuels de fermes réparties parmi différentes filières (435 en volailles de chair, 90 en volailles de ponte, 35 en volailles reproductrices, 115 en palmipèdes à foie gras et 80 en lapins, NDLR). Les chambres d’agriculture de la Drôme, du Puy-de-Dôme, de l’Ain, de l’Allier, de l’Ardèche et de l’Isère participeront à la collecte de données de références technico-économiques en exploitations », explique François Gaudin, directeur d’Afivol Auvergne-Rhône-Alpes et chargé de mission à l’Itavi. Ce dispositif Inosys présente plusieurs avantages, dont la méthode unique au niveau national. « Chaque région avait plus ou moins son propre observatoire. Désormais, nous aurons à disposition un outil plus complet pour pouvoir réaliser des simulations et des échantillons plus conséquents. Aussi, nous pourrons réaliser des extractions régionales et faire des comparaisons avec d’autres régions. Cela permettra aussi de mettre à jour nos données et d’y avoir accès plus rapidement, notamment pour les barèmes d’indemnisation en cas d’épizootie », conclut François Gaudin. Cet outil est principalement financé par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, via le fonds Casdar.
A.P.
La volaille française repart à l’offensive
Les Français apprécient la volaille et de préférence française. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par le CSA pour l’Anvol, l’interprofession des volailles de chair françaises. 96 % des Français en consomment au moins une fois par semaine. Le poulet arrive en tête, devant la dinde et le canard. C’est la deuxième viande consommée juste après le porc. La consommation est toujours dynamique, la demande ayant augmenté de 10 % sur les neuf premiers mois de 2024 par rapport à la même période 2023. Le canard, qui se faisait rare par suite des épisodes de grippe aviaire, revient sur les étals, en progression de 9 % sur une année. Autre élément encourageant d’après ce sondage, les consommateurs choisissent la volaille française en toute connaissance de cause.
Un logo identifiable
Le logo « Volaille française » est bien identifié et incitatif pour quatre consommateurs sur cinq. Un logo qui, pour l’acheteur, signifie qualité gustative et sanitaire, mais aussi traçabilité et bonnes pratiques d’élevage. Si la grande distribution joue le jeu et propose de la volaille française et affiche l’origine, 15 % seulement des restaurants respectent cependant cette dernière obligation. Or, c’est surtout dans ces établissements, cantines ou restaurants, qui représentent maintenant 35 % de la consommation, que s’écoulent les découpes et produits élaborés issus de l’importation. Si la demande est en hausse les importations progressent toujours : + 4 % sur les neuf premiers mois de 2024 pour atteindre 47,8 % de la consommation. En léger recul certes grâce à la reprise de la production française. Mais en 2000 les importations ne représentaient que le quart de la consommation !
Un million de tonnes de pièces de volailles
L’Union européenne importe aujourd’hui un million de tonnes de pièces de volailles, du Brésil, Thaïlande et Ukraine. L’accord du Mercosur propose de faire entrer 180 000 tonnes supplémentaires de poulets produits avec des antibiotiques. « Inacceptable » juge Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol. « Appliquons des clauses miroirs et de vrais contrôles, ne nous contentons pas de déclarations sur l’honneur des vétérinaires brésiliens ! ».Un filet de poulet sur quatre est importé. Quant aux Pays-Bas, ils exportent deux fois plus de poulet qu’ils n’en produisent. Le président de l’Anvol est aussi revenu sur la nécessité de construire 400 poulaillers pour reconquérir 20 % de parts de souveraineté alimentaire. Un poulailler par an et par département pendant cinq ans. Pour cela, « il faut faciliter ces installations, éviter le harcèlement des ONG environnementales et que les régions soutiennent la construction de tous les poulaillers, poulets de tous les jours compris », a-t-il conclu.
Actuagri