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Transport fluvial

­Un mode de transport durable peu valorisé

Le transport fluvial n’a pas supplanté le transport routier. Le réflexe multimodal peine à s’imposer auprès des entreprises. Après une hausse de plus de 40 % entre 1995 et 2010, le transport fluvial de céréales, granulats, du secteur de l’énergie et plus récemment de conteneurs, nécessite encore des investissements pour améliorer ses performances.
­Un mode de transport durable peu valorisé

Sur les voies fluviales de l'Hexagone, 1 400 bateaux français demeurent en activité, dont 900 péniches de 250 à 350 tonnes - équivalentes par leur chargement à 10 à 14 camions - qui peuvent circuler sur les canaux Freycinet et toutes les voies navigables d'un gabarit supérieur. Le lien entre les bateliers indépendants et l'agriculture est fort, puisque 60 % de ce trafic porte sur les céréales. « Dès que l'agriculture est impactée, nous le sommes aussi », affirme la Chambre nationale de la batellerie artisanale. Les céréaliers sont aujourd'hui le premier client de la voie d'eau en France (31 % des tonnes-km en 2014). La gestion des canaux et des cours d'eau a été confiée à Voies navigables de France (VNF) qui doit assurer la modernisation du réseau permettant la progression de 40 % du transport fluvial entre 1995 et 2010. Celle-ci passe notamment par les questions du gabarit des canaux et l'amélioration nécessaire de la navigabilité des fleuves. Dans cet objectif, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), créée en 1933, avait construit 18 barrages sur le Rhône entre 1945 et 1988. Tout aussi importante est l'interconnexion entre les voies navigables des différents bassins. Les aménageurs ont, depuis le XVIIIe siècle, rêvé à connecter les ports maritimes du Nord de l'Europe avec ceux de la Méditerranée. Une connexion passant par le fameux canal du Rhône au Rhin. Le projet du canal à grand gabarit Rhin-Rhône fut décidé en 1976 pour ouvrir la voie à des convois poussés de 4 500 tonnes. Toutefois, cet aménagement jugé pharaonique et peu opportun par les écologistes a été repoussé par plusieurs vagues de contestation entre 1992 et 1999. Un autre grand projet concentre actuellement l'attention de VNF : l'ouverture du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe qui permettra enfin de connecter l'Ile-de-France à grand gabarit à l'Europe fluviale. Tandis que dans le Sud, c'est la modernisation du canal du Rhône à Sète qui a concentré les efforts ces dernières années. Les capacités de transport de ce bief de 63 km ont été augmentées afin de garantir le passage des bateaux de marchandises et le transport de conteneurs de type High Cube entre la Méditerranée et le bassin Saône-Rhône.

L'agriculture sur les flots

Les voies navigables ont leurs clients fidèles au rang desquels l'agroalimentaire avec les céréales, mais aussi les granulats et les secteurs de l'énergie. Cependant, une forte croissance a été observée entre 1995 et 2010 par le transport de conteneurs, passé de 0 à près de 500 000. Sur le bassin Saône-Rhône, deux catégories de bateaux circulent : les unités fluvio-maritimes qui rejoignent la Méditerranée pour continuer leur voyage en mer et les bateaux fluviaux (une quarantaine de bateliers sur le bassin) qui circulent vers d'autres bassins en France ou dans les pays voisins. Cette flotte d'armateurs fluviaux et d'artisans représente le mode de transport le plus silencieux et l'un des moins polluants ; il est donc parfaitement adapté aux zones urbaines peuplées. Il permet de réduire l'empreinte des transports sur l'environnement. Les émissions de CO2 sont deux à quatre fois moins importantes et la consommation d'énergie trois fois moindre par tonne-km transportée sur le fleuve par rapport au transport par poids lourds (source CNR). Selon VNF, « la voie d'eau est le maillon indispensable des chaînes logistiques de demain ».
Le transport fluvial peut s'avérer également économique lorsque la massification permet de transporter et stocker en même temps les marchandises. Autres avantages mis en avant par les bateliers : sa souplesse et sa sûreté, les vols et la dégradation des marchandises sont réduites au minimum, et les accidents sont rares. De nouveaux modes de gestion et d'équipements de manutention comme les rampes roll on-roll off, dont sont équipés certains quais afin de réaliser un transfert direct route-eau dans les deux sens, en améliorent l'efficacité.
Toutefois, le report de la route vers la voie d'eau, malgré un environnement propice - lois Grenelle, engagements lors de la COP21 – se fait attendre. La part du transport fluvial de fret reste portion congrue, notamment en Rhône-Alpes, où 89 % des tonnes-km s'effectuent par la route et 1 % par les voies navigables. Dans ce bassin, le mode fluvial permet d'acheminer plus de 4 millions de tonnes de marchandises, et ses réserves de capacité sont importantes puisque les trafics peuvent tripler.

Aménagements en cours

Pour expliquer cette stagnation, la Chambre nationale de la batellerie artisanale met en avant un manque chronique d'investissements dans les voies navigables françaises. Elle critique également « une législation coercitive », en citant la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 qui rend difficile la réalisation de nouveaux projets de bassins de retenue et barrages, limite la modernisation des infrastructures fluviales et entrave les travaux d'entretien du réseau.
Toutefois, le bassin Saône-Rhône bénéficie depuis 2004 d'une stratégie de développement ambitieuse. Le dernier plan Rhône 2007-2013 a permis de financer 197 opérations pour un coût total de 198 M€ en faveur du transport fluvial. La nouvelle programmation (2015-2020) prévoit un montant d'investissements de 182,29 M€. 
Louisette Gouverne

 

Export de céréales: le transport fluvial ne manque pas d'intérêts

Le transport par voie d'eau est économique, écologique et plus souple que le train… La Coopérative drômoise de céréales et Cérévia (union de coopératives) y ont recours et apprécient.
La Coopérative drômoise de céréales (CDC) dispose de silos portuaires. En fluvial, elle a une capacité 60 000 tonnes en propriété au Pouzin (récente extension de stockage et nouveaux investissements à venir). S'ajoutent des silos en prestation (CCI Nord-Isère et Drôme) dans les ports de Vienne Sud Salaise et Portes-lès-Valence. En maritime, la CDC est co-propriétaire du silo des Tellines à Port-Saint-Louis.
« Compte tenu de la perte de transformateurs locaux (alimentation animale, meunerie), l’export est un débouché impératif pour écouler la collecte de la CDC, constate Alain Daussan, son négociateur commercial. C'est près de 50 % selon les années. » Outre l’export via la route (Italie, Espagne, Nord de l'Europe), une part non négligeable prend la direction de la Méditerranée par voie fluviale, essentiellement pour les céréales (maïs, blé meunier, orge). Les ports de Sardaigne, Sicile, Baléares restent les destinations favorites de la CDC. Mais, via les négociants internationaux, elle peut aussi accéder à d'autres comme le Liban, Israël, Algérie…

Compétitif
« La voie d’eau peut représenter un tiers de nos exportations mais dépend de l’ouverture des marchés sur la Méditerranée, indique Alain Daussan. Actuellement, le coût du fret maritime étant très bas, les origines lointaines sont facilement accessibles (exemple récent : l’Algérie qui achète du blé argentin). De plus, nous subissons à nouveau une forte concurrence des céréales de la Mer Noire (Ukraine, Russie, Roumanie…). La part d'export par voie d’eau sera très limitée. »
Il considère ce mode de transport très intéressant. Le cargo liner (petit bateau de mer), qui remonte le Rhône jusqu’à Lyon, peut embarquer 1 500 tonnes et aller directement à destination. La barge, automoteur (jusqu’à 2 700 tonnes) ou poussée en convoi (jusqu’à 4 000 tonnes), descend jusqu’à Port-Saint-Louis pour ensiler au silo ou charger directement sur des bateaux de mer plus importants (de 3 000 à 25 000 tonnes). Outre l’accès au marché, le transport fluvial a un intérêt en termes d'impact carbone : un convoi de barge, ce peut être jusqu’à 130 camions de moins sur la route. Et la consommation énergétique est bien moindre. « La voie d’eau reste un mode de transport des plus compétitifs. »
Plutôt souple
Cérévia est l'union de sept coopératives céréalières de Bourgogne et Rhône-Alpes créée en 2008 pour commercialiser leurs céréales. « Environ 55 % de nos débouchés sont à l’export, soit intracommunautaire vers l’Italie, le Bénélux, la Suisse par exemple ou extracommunautaire vers le bassin méditerranéen ou l’Asie », explique Laurent Vittoz, directeur général de Cérévia. Cette union vient d'investir 10 millions d’euros sur le silo de Fos-sur-Mer pour doubler sa capacité de stockage
(60 000 t de céréale à présent). Elle exporte entre 800 000 à 900 000 tonnes de céréales chaque année par la mer. Plus de 60 % sont acheminés par péniche sur l’axe Saône-Rhône, le reste par le rail.
Ces deux modes de transport ont leurs forces et leurs faiblesses. Le train propose un transport plutôt fiable et rapide, selon Laurent Vittoz. Mais il demande une planification importante puisqu’il faut que le transporteur réserve ses silos jusqu’à trois ans à l’avance et Cérévia doit anticiper ses acheminements un mois avant. Le transport fluvial est plus souple que le train et son coût plus faible.
Économique et écologique
Selon la Chambre nationale de la batellerie artisanale, le coût du transport fluvial est inférieur à celui de la route et du train. Il faut compter entre 12 et 17 €/t de marchandises transportées par bateau selon la taille de celui-ci et 3 à 4 €/t de coûts annexes liés au déchargement notamment, soit environ 20 €/t. Pour la route, ce coût grimpe à 21 €/t plus
12 €/t de frais annexes, soit 33 €/t. Le rail se situe entre les deux avec un coût moyen de 22 €/t. Selon Laurent Vittoz, il est difficile de donner un coût moyen du transport fluvial car les temps de déchargement sont plus longs que le train par exemple. « Il n’y a pas de coût type, cela varie en fonction du silo, de la distance à parcourir, des impératifs de livraison... Mais sur le plan environnemental, le transport fluvial est moins émetteur de C02 que la route. »
Les produits agricoles (31 %) et matériaux de construction (29 %) représentent 60 % des marchandises transportées par péniches. Au total, plus de 14 millions de tonnes sont ainsi transportées chaque année et la tendance est plutôt à la hausse. 
Camille Peyrache et Annie Laurie

 

Terminal fruitier de Sète / Bientôt la fin du tunnel ?
Le terminal fruitier de Sète est fermé depuis 2013. Mais en juillet 2015, la société Reefer, propriétaire du terminal fruitier du port de Sète, a été placée en liquidation judiciaire. Le bâtiment de 23 000 m3 était fermé suite au dépôt de bilan en 2011 du principal client, le groupe israélien Agrexco, spécialisé dans les fruits et légumes. « Cette décision devrait permettre de trouver un repreneur à ce bâtiment », note Marc Chevalier, directeur de l’établissement public régional du port de Sète. Equivalent au port de Barcelone mais sans avoir sa dimension, ce port est polyvalent, contrairement à Port Vendres. Adossées au terminal fruitier, la polyvalence des autres infrastructures du port de Sète a permis une belle croissance de l’activité en 2015, en particulier grâce au vrac agroalimentaire et au vrac liquide, « avec notamment 12 000 remorques vers Ismir ». La mise en liquidation judiciaire laisse ainsi espérer le directeur de l’établissement une relance du terminal fruitier, grâce à la Région Languedoc-Roussillon, propriétaire de l’entrepôt depuis le 1er décembre 2015. « Un appel à projet pour la remise en route du terminal a été lancé début juin pour la commercialisation de 22 000 m3 et la location, de toute ou partie de cet espace, pour relancer l’ activité et trouver un opérateur fruits et légumes sur le port de Sète », annonçait-il.  C. Z.