À Eurre, les habitants connaissent Jean Tissot. Ce paysan meunier de 65 ans s’est installé en 1983 sur ses terres. Il a voué sa vie à sa minoterie qui peut produire jusqu’à 200 tonnes de farines bio par an. Sur sa propriété, certains connaissent aussi son cabaret de spectacles ou son grand gîte d’accueil de groupes. Engagé dans une production de farines au « goût ancien », l’homme souhaite faire perdurer son savoir-faire artisanal. Ce goût, c’est « la raison pour laquelle les boulangers veulent travailler avec nous », assure le meunier. Pour trouver le ou les repreneurs idéals, le propriétaire compte notamment sur la Quinzaine de la transmission-reprise, organisée par la chambre d’agriculture. Une première visite de la ferme s’est déroulée mercredi 23 octobre en présence de Murielle Landrault, conseillère transmission au sein de la chambre d’agriculture, et de Perrine Tavernier, chargée de mission agricole à la communauté de communes du Val de Drôme (CCVD). La seconde visite, animée par l’Adear, est prévue lundi 18 novembre à 14 heures, sur inscription¹.
Une filière locale
Joyau de la ferme des Ramières : la minoterie composée de trois meules de granit Astrié. Jean Tissot s’est formé dans le Tarn auprès des frères Astrié pour fabriquer ses propres meules. Elles lui permettent de produire différentes farines bio, notamment de la 80, de la 66 ou des farines secondaires au sarrasin ou au petit épeautre. Le meunier produit une variété ancienne, une semi-ancienne et une issue de blés modernes. De quoi intéresser une dizaine de boulangers bio et locaux situés à trente kilomètres à la ronde. Victor Lapel, boulanger à Crest, fait partie des clients de Jean Tissot. Ce dernier souhaitait assister à cette visite de la ferme car lui et d’autres boulangers ont « travaillé sur la notion de filière. Nous avons un intérêt à préserver cette meunerie. L’idée serait que plusieurs boulangeries s’associent pour s’assurer de préserver l’éthique et en faire un outil coopératif », expose le professionnel lors du tour de table des participants.
Jean Tissot possède cette ferme depuis 1983. ©ME-AD26
L’idée de filière locale parle aussi à Perrine Tavernier. « Cette ferme répond à beaucoup de problématiques. D’abord, elle permet d’absorber la production locale de céréales, des cultures qui demandent peu d’eau donc qui ont un intérêt pour la gestion de la ressource. Le moulin permet aussi aux agriculteurs du coin de se positionner face à un marché fluctuant pour avoir un prix stable. Enfin, la meunerie produit la farine vendue au Fournil du Dauphiné, boulangerie qui fournit la cuisine centrale intercommunale », explique-t-elle. Selon Jean Tissot, au minimum deux personnes doivent être sur l’exploitation pour la faire fonctionner. Autres avantages de la minoterie : ses six silos, dont trois neufs, pour stocker 140 tonnes de farines. Valeur du moulin : 300 000 €.
26 hectares de terres
Le projet s’avère assez lourd financièrement, Jean Tissot le sait. Ainsi, il propose en parallèle la location de ses bâtiments agricoles, dont deux hangars d’une superficie totale de 500 m² et deux autres de 300 m² qui ont servi à stocker du matériel ou à sécher de l’ail. Pour vendre l’intégralité de son exploitation, le meunier la divise en trois parties : la partie meunerie, les terres de maraîchage qui s’étendent sur 21 hectares et une plantation d’amandiers sur quatre hectares. Les terres, travaillées en bio depuis quarante ans, ne permettent pas d’alimenter seules les moulins de la ferme. « Il en faudrait environ 150 hectares », estime l’agriculteur. Jusqu’à présent une partie de cet espace de maraîchage était louée à des maraîchers. En effet, le foncier est desservi par l’eau d’irrigation d’un réseau collectif. Jean Tissot en demande 315 000 €.
Le moulin de Jean Tissot peut produire chaque année 200 tonnes de farines. ©ME-AD26
De quoi intéresser plusieurs jeunes agriculteurs comme Fanny et Juliette ou encore Samuel, maraîchers dans la Drôme, à la recherche de nouvelles terres pour s’installer. L’idée d’un collectif émerge durant les échanges. « Si un collectif se monte, la CCVD pourrait financer l’accompagnement pour monter un budget », précise Perrine Tavernier. Plantés en 2021, les amandiers ont quant à eux produit deux tonnes en 2024 contre 400 kilos en 2023. Le propriétaire en demande 80 000 €. « Ils se les arrachent », rapporte Jean Tissot en faisant référence aux amandes et aux boulangers. Des propos confirmés par Victor Lapel. « Localement on est preneurs de poudre d’amandes. Pour les galettes des rois, on en a commandé en avance mais elle ne vient pas de France. Nous serions prêts à payer plus si elle venait du coin », déclare le boulanger. D’ici fin octobre, Jean Tissot va rencontrer la fondation Terre de liens. Il réfléchit à passer par l’organisme pour vendre ses terres et son verger. Le meunier assure d’ailleurs être prêt à assurer une transmission des savoir-faire sur six mois.
Morgane Eymin
¹ Inscriptions à l’adresse [email protected]
La Quinzaine de la transmission-reprise
Pour la neuvième année consécutive, la chambre d’agriculture organise la Quinzaine de la transmission-reprise, du 15 au 29 novembre. Conseil de Murielle Landrault de la CA26 aux futurs cédants : « anticiper au moins trois ans avant le départ à la retraite ». Cet événement est aussi l’occasion de mettre en lumière le Répertoire départ installation (RDI), animé par les chambres départementales, qui recense les offres de transmission. Il est accessible via le lien repertoireinstallation.com. Actuellement, une trentaine d’offres sont en ligne dans la Drôme. Dans le cadre de la quinzaine, des événements sont prévus pour informer les agriculteurs :
- une permanence conjointe Point accueil transmission avec le service retraites de la MSA, le 20 novembre à Nyons ;
- matinale transmission avec un notaire, le 25 novembre à Nyons ;
- stage pour préparer sa transmission et comprendre les incidences fiscales, sociales, foncières… le 28 novembre, les 5 et 12 décembre à Montboucher-sur-Jabron ;
- formation pour accueillir et former une nouvelle personne sur son exploitation, préalable pour bénéficier du dispositif « transmettre son savoir-faire », les 3 et 10 décembre à Bourg-lès-Valence ;
- deux « forums transmission » avec plusieurs structures accompagnatrices, le 10 décembre à Crest et le 29 janvier à Hauterives.
Un verger d’amandiers de quatre hectares est aussi à reprendre. ©ME-AD26
En chiffres
- D'ici 2026, plus de 30 % des chefs d'exploitation atteindront l'âge de la retraite et seront susceptibles de transmettre leur exploitation.
- 1 /5 des terres agricoles pourrait changer de main d’ici cinq ans.
- Chaque année, près de 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité et 10 000 à 15 000 candidats s'installent en agriculture.