Un nouvel accord pour une gestion concertée de l'eau

Avec la mise en place des tours d'eau en 1995 puis d'un premier accord-cadre il y a quinze ans suivi de deux autres, la chambre d'agriculture et les irrigants, plutôt que de s'affronter avec leurs interlocuteurs, ont su entretenir un dialogue constructif même si, parfois, les discussions ont été vives. « Avec l'État d'abord puis avec le Département et l'Agence de l'eau, nous avons su donner des priorités en matière d'irrigation, a rappelé Anne-Claire Vial, le 21 octobre. Ce jour-là, à Sauzet, la présidente de la chambre d'agriculture a réuni l'ensemble des partenaires du nouvel et quatrième accord-cadre, qui couvrira la période 2016-2019.
L'irrigation, facteur important
Avant que chacun ne pose sa signature, Anne-Claire Vial a rappelé que le département de la Drôme, à lui seul, regroupe 30 % des surfaces irriguées d'Auvergne-Rhône-Alpes. C'est dire l'importance que revêt l'irrigation dans l'économie agricole drômoise. « 80 % des terres irriguées le sont grâce à des réseaux collectifs, a-t-elle souligné. Et seulement 9 % des prélèvements se font en eaux superficielles », autrement dit en rivières. La très grande majorité de l'eau est prélevée à partir de ressources abondantes : le Rhône et sa nappe (34 %), l'Isère (21 %), la Bourne (17 %) ainsi que les nappes souterraines (19 %).
S'agissant de la répartition des cultures irriguées (1), arrive en tête le maïs (32 %). Suivent les vergers (23 %), les semences (19 %), les céréales et oléoprotéagineux (13 %), les légumes (5 %), les cultures fourragères (4 %) ainsi que diverses autres productions (4 %). « Nous sommes le premier département d'élevages hors-sol de la région, a tenu à préciser Anne-Claire Vial. 90 % du maïs produits en Drôme est consommé dans un rayon de moins de 100 kilomètres. »
Trois objectifs
Le quatrième accord-cadre poursuit trois objectifs. Le premier consiste à favoriser une gestion collective et concertée de la ressource en eau au travers de l'« organisme unique (2) » en zone de répartition des eaux (ZRE). Hors ZRE, la gestion est déléguée en procédure mandataire. « Cela consiste à appliquer tous les décrets de la loi sur l'eau de 2006 », a rappelé Anne-Claire Vial.
Le deuxième objectif vise à favoriser l'émergence de projets de substitution, d'économie d'eau et de petites retenues collinaires en zones déficitaires. Ont été évoqués, d'une part, le maillage du réseau d'irrigation d'Allex-Montoison avec celui d'Etoile-Livron, qui permettra à terme de ne plus prélever dans la rivière Drôme ; d'autre part, l'agrandissement de la réserve d'eau de Divajeu ainsi que le projet d'en créer une sur la commune de Châteaudouble (bassin Véore-Barberolle). Plus au sud, une solution consiste à abandonner les prélèvements dans le Roubion (au niveau du canal du Moulin) en raccordant les parcelles au réseau collectif Rhône-Montélimar (voir ci-dessous).
Au nord du département, sur les secteurs de la Galaure et de la Drôme des collines, tous deux classés en ZRE, aucune solution de substitution, économiquement acceptable, n'existe pour le moment. « Un des objectifs du nouvel accord-cadre est d'en trouver une, a fait remarquer Anne-Claire Vial. Car une centaine d'irrigants sont concernés par l'objectif de réduction de 40 % des prélèvements d'eau. » Dans l'extrême sud de la Drôme et le Nord-Vaucluse, des études débutent pour évaluer un projet d'acheminement de l'eau depuis le Rhône.
Un cadre, une stratégie, des priorités
Réfléchir et agir pour économiser l'eau constitue le troisième et dernier objectif du nouvel accord-cadre. Sont prévus des diagnostics sur les pratiques d'irrigation puis des propositions d'actions (accompagnement technique, réflexion agronomique, choix de matériels...).
« Ce quatrième accord-cadre clarifie les responsabilités de chacun des partenaires, a estimé Anne-Claire Vial. Il donne aussi un cadre, une stratégie partagée et des priorités pour les trois années à venir. »
Au nom du Sid (4), son président, Bernard Vallon, s'est réjoui de ce nouvel accord-cadre. « Il faut défendre les réseaux collectifs, a-t-il dit, et en créer d'autres. » Même tonalité chez le président du Sygred (5), Robert Klein, qui a mis l'accent sur la création du Sid, « colonne vertébrale pour les investissements en matière d'irrigation ». En tant que président d'Adarii (3), Philippe Breynat a souhaité que l'administration aide les irrigants individuels à créer des retenues collinaires. « Les procédures administratives sont aujourd'hui disproportionnées, longues et très coûteuses », a-t-il déploré. De son côté, le vice-président du conseil départemental chargé de l'agriculture et des routes, André Gilles, a assuré que l'irrigation restera une des priorités du Département. S'adressant à Claude Aurias, conseiller régional, Anne-Claire Vial a souhaité pouvoir aussi compter sur la Région.
« La genèse de cet accord-cadre a été longue et douloureuse mais ça valait le coup, a confié Yannick Prebay, directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Un des points forts est le travail qui sera mené pour avoir une agriculture économe en eau. » Mettant en avant la stratégie multipartenariale et l'exemplarité de la Drôme pour faire face au dérèglement climatique, il a ensuite annoncé 4 millions d'euros d'aides pour le projet de substitution des prélèvements dans la rivière Drôme et 215 000 euros pour le canal de Sauzet. En conclusion, le préfet de la Drôme, Eric Spitz, a salué la qualité du partenariat noué entre la chambre d'agriculture et l'Etat. Par ailleurs, évoquant les sécheresses de l'été dernier et les arbitrages difficiles pris en faveur de l'agriculture, il a souhaité anticiper d'éventuelles difficultés en 2017. Une concertation est ainsi programmée le mois prochain.
Christophe Ledoux
(1) chiffres de 2010 - Source chambre d'agriculture de la Drôme.
(2) OUGC : organisme unique de gestion collective.
(3) Adarii : association drômoise des agriculteurs en réseaux d'irrigation individuels.
(4) Sid : syndicat d'irrigation de la Drôme.
(5) Sygred : syndicat d'irrigation et de gestion de la ressource en eau en Drôme.
Point de vue /
Michel Tack, exploitant agricole, préside l'association syndicale autorisée (Asa) du canal du Moulin de Sauzet. Il nous parle du projet de substitution.
« Un projet qui nous enlève une épée de Damoclès »

Michel Tack : « Entre La Laupie et Sauzet, les prélèvements d'eau se font par gravitation via le canal du Moulin, et cela depuis environ 60 à 70 ans. L'eau provient du Roubion. La surface irriguée représente 15 hectares. Mais, par les rotations, l'eau peut être apportée sur une cinquantaine d'hectares. Six exploitants agricoles sont concernés. »Que va vous apporter le projet de substitution ?
M. T. : « Ce projet, qui consiste à ne plus utiliser le canal mais à raccorder les parcelles au réseau du syndicat d'irrigation de la Drôme (ex-réseau Rhône-Montélimar), va nous apporter une véritable sécurité. Avec l'eau provenant du Rhône, nous n'aurons plus à craindre les pénuries lors des sécheresses. Cela nous enlève une épée de Damoclès car nos cultures - maïs et tournesol semences, ail, pommes de terre, pépinières viticoles - ne peuvent souffrir le manque d'eau. Ce sera aussi plus de confort grâce à la pression. Nous pourrons également mieux répartir nos productions sur les parcellaires. Enfin, grâce à cette substitution, 45 000 mètres cubes ne seront plus prélevés chaque année dans le Roubion. »A quelle échéance sera finalisé le projet ?
M. T. : « Si tout se passe bien, les travaux s'achèveront fin mars 2017. »
