Un petit coin de France à Beaucroissant

Non, la foire de Beaucroissant n'est pas encore noyée sous les produits d'importation. Dans ce haut lieu de tradition, le manger terroir et le fabriqué français ont encore du sens. A preuve, ces commerçants qui, le Made in France chevillé au corps, ont rendez-vous avec une clientèle fidèle et conquise par le bouche-à-oreille. En restauration, comme dans les biens d'équipement de la personne ou en machinisme, ils sont plusieurs dizaines à s'inscrire dans ce créneau hexagonal.
« La foire de Beaucroissant draîne des personnes de tous les horizons sur une zone géographique assez large, des régions que l'on touche plus difficilement depuis Pont-de-Beauvoisin », constate Thierry Lombard, le dirigeant de Val meubles. L'entreprise est héritière de la tradition d'ébénisterie de Pont-de-Beauvoisin et expose depuis quinze ans à la Beaucroissant d'automne et depuis cinq ans à celle d'avril. « Nous sommes proches de la terre et des vraies valeurs que nous partageons avec notre clientèle », reprend le fabricant qui achète encore les noyers sur pied aux agriculteurs du coin pour réaliser les meubles dans ses ateliers. Son entreprise est « la preuve que l'on peut encore produire français. On se démarque par la qualité et en plus, on peut proposer des meubles sur-mesure ». Les foires et les salons sont le principal vecteur de communication de Val meubles. En venant à Beaucroissant, il se rapproche d'une clientèle qui n'oserait pas fréquenter les salons plus haut de gamme. Mais il insiste : « Si le fait d'être fabricant est notre force, le prix reste un élément de décision. C'est la raison pour laquelle nous faisons des offres promotionnelles. » A la Beaucroissant, « les affaires se font dans la bonne humeur ». Les camelots comme l'Auvergnate, un des rares fabricants de chaussettes français, ou des exposants comme la Vannerie dauphinoise et fils sont très recherchés, dans leur petite niche sur le grand champ de foire.
Réputation
A l'épicentre de la foire, dans l'allée 14, la Table gersoise est aussi entourée de stands moins traditionnels que ne l'est sa cuisine du Sud-Ouest. Sa philosophie gastronomique est : « faire plaisir à manger ». La carte est constituée de plats à base de canard avec un seul fournisseur gersois. « Nous sommes le plus possible dans le produit de région, à partir du moment où nous arrivons à faire le joint entre le tarif d'achat et le tarif de revente », explique Jean-Paul Calcagni, restaurateur de foires en foires, arrivé à Beaucroissant depuis trois ans. Une « belle foire », mais sur laquelle « il faut lutter ». Le restaurateur se différencie avec un produit peu présent dans la région. Il s'est rapidement constitué une clientèle fidèle de visiteurs « qui ont à l'esprit de manger correctement ». Comme tous les restaurateurs (80 établissements dont 20 restaurants traditionnels), il note que l'offre largement diversifiée permet de contenter tout le monde. « Mais les gens ne sont pas dupes ». La preuve, s'il arrive qu'un client d'une tablée peu amateur de canard, se voie servir une noix d'entrecôte « venue d'ailleurs », la réflexion a de fortes chances de tomber : pourquoi pas de la viande française ? « Trop difficile au regard de la faible quantité écoulée », plaide le restaurateur.
C'est en quantité que le restaurant Langloys écoule cochons et entrecôtes sur la foire. « On essaie d'avoir les meilleurs produits possibles, c'est plus cher, mais à la longue, c'est payant ». Les petits cochons à griller, une cinquantaine pour trois jours, viennent du nord de la France, tandis que le faux-filet charolais ou la tête de veau arrivent d'Isère viande à Sillans. Depuis 35 ans à la foire, Christian Langloys tient à sa réputation. Sa clientèle, souvent composée de seniors, est de celle qu'on ne peut tromper sur la marchandise. « Sinon, on ne les revoit plus ». Il propose « une vraie salade niçoise » et assure qu'on peut trouver des produits frais, même chez les grossistes, et qu'il suffit de regarder l'origine sur les étiquettes. « Quand aux produits de saison, ils viennent des maraîchers locaux ». Son crédo : « des menus comme à l'ancienne » pour un vrai « moment de plaisir », bien loin des menus standard et « attrape couillons ».
Epluchées sur place
Au Moulin à poivre, chez Josiane et Jean-Louis Glain, également restaurateurs à Voiron, la question de l'origine des produits qu'ils servent à Beaucroissant depuis avril 2009 ne se pose même pas. En tant que maître restaurateur, la charte impose 80% de produits frais. La cuisine est faite devant les clients et la chaîne d'approvisionnement est la même qu'à Voiron. « Les gens viennent et reviennent car ils savent qu'ils mangent de la viande française. Ils font la différence ». Quant aux cuisses de canards, elles arrivent tout droit du Sud-Ouest. Il en coûtera ainsi 15,50 euros pour une entrecôte accompagnée de pommes-de-terre épluchées sur place. Pour la restauratrice, acheter français est avant tout un choix, qui ne fait pas grimper l'addition dans des sphères astronomiques. « Il suffit de bien acheter et d'avoir de bonnes relations avec son boucher. On se bat pour avoir des prix compétitifs et de la qualité ». Comme ses confrères, elle constate que les contrôles, toujours très soutenus à Beaucroissant, ont permis de relever le niveau de la restauration, tout du moins en matière d'hygiène.
Isabelle Doucet
Sellerie Baude
« On est né là »
Toujours très attachés au « folklore » de Beaucroissant, certains exposants sont surtout présents pour la vitrine. C'est le cas de la sellerie Baude, présente à la foire depuis trois générations. Cette entreprise drômoise créée en 1925 a reçu le label d'entreprise du patrimoine vivant (EPV). Elle est une des dernières fabricantes d'articles de sellerie et de bourrellerie. « La fabrication française n'est pas forcément un argument de vente ou alors, c'est mal compris, au regard du prix et du coût de revient », explique Marc-Antoine Baude, un des trois frères dirigeant l'entreprise. La sellerie propose une large gamme de produits maison « et si le prix est bon, pour le client, on n'explique plus ». Sur ce segment-là, la clientèle est constituée « d'amoureux du produit français et de l'entreprise pour son caractère familial ». Mais Marc-Antoine Baude ne communique pas forcément sur ce volet-là à la foire. « On est né là. C'est un gros rendez-vous. On vient parce que la clientèle vient nous voir. Si nous n'étions pas là, les gens penseraient que nous n'existons plus », estime-t-il. Cela a peu à voir avec les 10 à 15% de clients attirés par le Made in France qui évoluent « sur d'autres réseaux. Cela ne se passe plus dans les foires. En réalité, le fabriqué en France se vend plutôt à l'extérieur du marché français ». A ne plus rien y comprendre. Pour le sellier, le bémol d'une telle manifestation, notamment pour des entreprises comme la sienne, est d'être noyée dans la multitude.ID
Au programme :
La 796ème édition de la Foire de Beaucroissant se déroulera du 11 au 13 septembre.
La foire au bétail se tiendra le vendredi 11.
Inauguration le 11 à 11 heures. Feu d'artifice en soirée (si le temps le permet, sinon, reporté le 12)
Le concours régional charolais Sud-Est, qui fête ses 20 ans, se déroulera sur trois jours.
Soirée charolaise samedi soir.
Marché de producteurs tous les jours à l'Agrivillage.