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Sanitaire

Un plan de lutte contre la BVD pour Rhône-Alpes

Depuis 20 ans, les GDS de Rhône-Alpes travaillent à la lutte contre la BVD. Jusqu’à présent, la stratégie était basée sur l’assainissement individuel des élevages. Le bureau de GDS Rhône-Alpes change de cap.
Un plan de lutte contre  la BVD pour Rhône-Alpes

En 2013, le bureau du GDS Rhône-Alpes faisait plusieurs constats : le virus circule toujours, avec 50 % des élevages encore régulièrement séropositifs ; un élevage assaini se recontamine en moyenne dans les 5 années qui suivent ; les pertes économiques sont plus importantes qu'avant, en lien avec l'agrandissement des troupeaux. D'autres pays et régions ont déjà mis en place des programmes collectifs de lutte. La Suisse a pratiquement terminé l'éradication, l'Allemagne, l'Irlande, la Belgique et les Pays-Bas s'y engagent.
Un plan en quatre mesures
Devant ces constats, le conseil d'administration du GDS Rhône-Alpes lance en 2016, en partenariat avec les GTV Rhône-Alpes (groupements techniques vétérinaires), un plan de lutte dont les lignes directrices sont les suivantes : prévenir plutôt que guérir ; protéger les élevages ; contrôler la circulation du virus et faire baisser la pression virale. Le tout de façon collective.

1 Actuellement, seuls 18 % des animaux introduits dans les élevages de Rhône-Alpes sont contrôlés en BVD. Il faut protéger les élevages. Le contrôle à l'introduction devient obligatoire pour tous.

2 Lorsqu'un animal sort de son exploitation, il ne doit pas représenter un danger pour les autres ni pouvoir être contaminé. Jusqu'à présent seulement quatre départements exigeaient la garantie non IPI*. Cette garantie devient obligatoire pour tous les rassemblements, transhumances et pensions.

3 Une circulation virale doit être repérée rapidement pour réagir le plus vite possible. Les élevages laitiers seront désormais systématiquement surveillés dans le lait de tank tous les 5 mois. Les élevages allaitants peuvent réaliser partout en Rhône-Alpes des sondages annuels sur les jeunes génisses sentinelles (les boucles auriculaires sur les veaux naissants sont disponibles dans tous les GDS).

4 En cas de contamination, l'éleveur sera aidé pour sortir les IPI de son cheptel. Les plans d'assainissement sont proposés à tous les éleveurs de Rhône-Alpes. Les animaux non IPI sont garantis par tous les GDS via des certificats envoyés individuellement aux éleveurs. Les IPI découverts lors des introductions devront être éliminés. La Caisse régionale de solidarité santé animale constituée par les éleveurs viendra compenser cette perte (sous certaines conditions) ainsi que les frais d'analyse de recontrôle.

Il faut noter également que la vaccination est un outil de protection individuelle contre la BVD qui peut être très utile et complémentaire des mesures collectives dans certains contextes, et dont la mise en œuvre convient d'être réfléchie entre l'éleveur et son vétérinaire. 

*IPI : infecté persistant immunotolérant

 

TÉMOIGNAGE / Adrien Bourlez, associé au Gaec de Pisseloup sur la commune d’Outriaz dans l’Ain, est confronté à un épisode de BVD sur son troupeau.
“ Il faut être en alerte ”
Comment avez-vous découvert la BVD dans votre troupeau ?
Adrien Bourlez : « Il y a trois ans, au cours de l’hiver 2013-2014, nous avons eu quelques signes qui auraient pu nous alerter mais on ne s’est pas méfiés (des problèmes pulmonaires sur des veaux notamment). Le taux d’insémination était un peu en deçà de la moyenne mais il n’y avait rien d’alarmant. L’hiver suivant, nous avons fait une prise de sang à tous les veaux. Trois IPI sont sortis ; nous les avons euthanasiés mais la campagne étant déjà bien avancée, nous n’avons pas pu vacciner. Cet hiver, nous faisons face à de grosses pertes dans le troupeau (12 veaux ont été euthanasiés). Nous avons perdu 20 points d’insémination. C’est la douche froide. »

Avez-vous estimé combien cette maladie vous a coûté ?
A. B. : « Très cher. Entre les éliminations des veaux sexés, la surcharge de travail et les frais vétérinaires depuis trois ans, nous en avons facilement pour 70 000 euros. L’impact financier de cette maladie est lourd et devrait justifier d’une attention plus forte, notamment plus de communication auprès des éleveurs pour qu’ils soient en alerte et qu’ils surveillent. Les conséquences peuvent être catastrophiques pour un élevage. Nous avons eu les premiers symptômes en 2012, l’année où mon frère s’est installé. Nous nous en sortirons mais c’est particulièrement difficile. Le plus dur c’est que la technicité de l’élevage est remise en question. Les génisses de sélection ont été éliminées. La régénération du troupeau n’a pas été remise en question mais la moins-value en vente a eu des conséquences.

Quel conseil donneriez-vous aux éleveurs ?  
A. B. : « Je pense que ça se résume en deux points. Être en alerte sur cette maladie dont les conséquences financières sont très importantes : surveiller par des prises de sang et faire systématiquement des contrôles à l’introduction. Informer la profession quand des IPI sont présents dans un troupeau. Cette maladie ne devrait pas être un tabou chez les éleveurs.  
Un jeune à l’installation doit être informé ou doit vacciner. Et plus globalement, la communication doit être plus importante. »
Propos recueillis par C. W - GDS RA

 

VÉTÉRINAIRE / Alexandre Fauriat, vétérinaire au sein de la clinique Delacroix à Boen (Loire), témoigne du suivi d’un élevage en bovin viande infecté par la BVD au printemps 2012.
BVD : une expérience difficile

Alexandre Fauriat, vétérinaire au sein de la clinique Delacroix à Boen (Loire).

Vous avez suivi un élevage qui a subi la BVD, comment avez-vous appréhendé la situation ?
Alexandre Fauriat : « La découverte de la maladie et les premières actions se sont déroulées de façon très pragmatique : l’éleveur m’a appelé dans l’été 2012 pour plâtrer un veau. Il s’agissait d’un animal chétif, pas du tout à l’image du reste du troupeau composé de très belles bêtes, bien soignées, bien suivies. Dans la conversation, l’éleveur évoque une vache qui a avorté quelques semaines avant. Il me fait aussi fouiller une autre vache pleine avec des symptômes anormaux, notamment au niveau du liquide amniotique. Je propose de réaliser un test sur l’avorton : positif à la BVD… ! La machine se met en route, on recherche l’ampleur de l’infection, son origine, on met en place un plan BVD avec le GDS. Finalement, l’infection s’est révélée très importante : sur un troupeau de veaux charolais de 85 têtes, il y a eu 25 IPI sur les 51 seulement vivants au cours de cet automne 2012 ; 12 vaches ont été éliminées et 3 génisses. Nous avons vite trouvé l’origine de la contamination qui s’est faite par contact avec des troupeaux voisins. »
Qu’est ce qui a été le plus difficile dans cette expérience ?
A. F. : « Le plus dur se situe bien sûr sur le plan humain. Cet éleveur, qui était aussi un ami, a beaucoup perdu en quelques mois. Il suivait pourtant son troupeau de façon très rigoureuse, à tous les niveaux : alimentaire, sanitaire, bien-être animal… un éleveur à la pointe. Pour la BVD, il réalisait un contrôle tous les ans sur ses génisses avant la mise à l’herbe. Et cette année 2012, il est passé à travers : pas le temps, oubli. Une fois la maladie découverte, le plus dur est bien sûr devant : voir l’ampleur des dégâts et prendre les décisions nécessaires. Et pour l’éleveur, c’est prendre aussi son mal en patience : attendre les résultats au fur et à mesure, des décisions d’accompagnement qui ne vont jamais assez vite dans les situations d’urgence. C’est également un sentiment d’injustice, surtout pour un éleveur qui se donne les moyens de gérer son troupeau au mieux. Les vétérinaires sont parmi les premiers interlocuteurs des éleveurs et nous sommes souvent les destinataires des nombreux reproches des personnes en désarroi. Il faut savoir prendre du recul et être prêt aussi à y laisser des plumes humainement. Les tensions peuvent être très fortes, d’autant que dans cette situation, le moral de l’éleveur est au plus bas. »
Qu'avez-vous retiré de cette expérience et quel conseil donneriez-vous à d'autres ?
A. F. : « Je ne peux que conseiller aux éleveurs de suivre leur troupeau : des tests annuels, la vaccination qui peut s’en suivre, et le contrôle obligatoire à l’introduction qui est essentiel et que nous imposons depuis longtemps dans notre clientèle. Les éleveurs se sentent encore trop peu concernés par cette maladie qui, selon eux, n’arrive encore qu’aux autres. Et puis il y a aussi une sorte de nonchalance : les éleveurs gardent des animaux infectés, et la maladie se propage par voisinage. Ce facteur de propagation est très important dans la Loire. Il faut donc toujours dépister, contrôler, éliminer et vacciner, c’est indispensable. Et continuer à informer. » 
Propos recueillis  par Chantal Weber,  GDS Rhône-Alpes


Agir efficacement
Rhône-Alpes est une région à risque vis-à-vis de la BVD : les mouvements d’animaux (achats, pensions, transhumances) y sont particulièrement importants. 50 % des animaux introduits sur notre territoire proviennent d’une autre région. Le virus BVD circule très largement dans les élevages et il est toujours responsable de pertes importantes. Les GDS ont jusqu'à présent mené la lutte contre la BVD en privilégiant l’accompagnement des élevages infectés. Mais force est de constater que ce n’est pas suffisant. Des pays et régions voisines se sont engagés vers l’éradication. Nous devons agir de façon plus efficace en faisant évoluer la stratégie. Le conseil d’administration de GDS Rhône-Alpes et ceux de chaque GDS départemental ont acté un plan de lutte en quatre volets qui sera mis en place progressivement en 2016 et 2017. Il faut protéger les élevages, chasser les IPI, contrôler les mouvements. La pression virale doit baisser !