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Elevage

Un prix du lait de vache qui plombe les exploitations

Afin de présenter les filières d'élevages de bovins et d'ovins au préfet de la Drôme, une tournée de visites a été organisée par la FDSEA dans le Royans et le Vercors. Plusieurs problématiques ont été abordées, en particulier celle des prix.
Un prix du lait de vache qui plombe les exploitations

A Sainte-Eulalie-en-Royans, Gersande Vassieux et Serge Bellier Benistand (EARL des Fleurins) conduisent depuis 2009 un cheptel d'une cinquantaine de vaches montbéliardes, et leur suite. En IGP saint-marcellin depuis deux ans, le lait est livré à l'Etoile du Vercors (groupe Lactalis). Le couple d'exploitants produit aussi des noix (AOC de Grenoble), du maïs et diverses céréales. Pâturages compris, l'ensemble des surfaces représente 170 hectares. C'est sur cette exploitation que s'est déroulée le 26 juillet la première visite d'une nouvelle tournée organisée par la FDSEA de la Drôme en compagnie du préfet de la Drôme, Eric Spitz, et du sous-préfet de Die, Clara Thomas. Responsables agricoles, élus locaux et territoriaux ainsi que des représentants de la DDT(1) étaient également présents. « Nous avons beaucoup de choses à vous faire découvrir », leur a dit Didier Beynet, président de la FDSEA, dans son mot d'accueil.

Une rentabilité incertaine

A Sainte-Eulalie-en-Royans, les éleveurs ont exprimé leur difficulté liée à un prix du lait de vache beaucoup trop bas et sans perspective de redressement à court terme.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Consacré à l'élevage laitier bovin, ce premier rendez-vous a permis d'en saisir l'évolution. « En 1996, la Drôme comptait 250 producteurs. Il n'y en a plus qu'une centaine en 2015. Combien en restera-t-il en 2020 ? », a questionné Thierry Ageron, président de la fédération des producteurs de lait de la Drôme. Sur la même période, la production départementale a peu évolué passant de 27 à 25 millions de litres. Les exploitations se sont agrandies et modernisées. Sont dénombrés sur le département sept robots de traite, totalisant un volume de 4 millions de litres de lait. Insignifiante il y a vingt ans, la part du lait bio représente désormais 3 millions de litres.
Mais la rentabilité des élevages reste incertaine. « Avec un prix du lait tel qu'il est aujourd'hui, ce n'est pas la peine d'être producteur », a déploré Thierry Ageron. Feuille en main, il a montré à quoi ressemble sa « fiche de paie » de juin. D'un prix de base à 248,11 euros, le total aboutit à 264,18 euros après calcul des primes, majorations, réfactions... Une situation que tous les éleveurs dénoncent. « Dans mon étude prévisionnelle, le prix retenu était 0,32 euro, a fait remarquer Gersande Vassieux. Aujourd'hui, nous sommes à 0,26. »

« Une aspirine pour soigner un cancer »

 Thierry Ageron a récapitulé sa « fiche de paie » du mois de juin. Partant d'un prix de base du lait à 248,11 euros, le total aboutit à 264,18 euros après tous les calculs. « C'est très insuffisant pour couvrir les coûts de production », a-t-il expliqué au préfet.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Face à un prix sans perspective de rebond, « l'avenir de la production laitière en Drôme est très inquiétant », a alerté Didier Beynet. « Et les moyens déployés par les pouvoirs publics, même s'ils représentent des sommes importantes, ne sont qu'une aspirine pour soigner un cancer, a considéré Jean-Pierre Royannez, vice-président de la chambre d'agriculture. Ce qu'il faut, c'est du prix. Il n'y a pas d'autres solutions. »
La décision européenne de mettre un terme aux quotas laitiers a été pointée du doigt. « Nous sommes victimes de la surproduction des autres pays, a lâché Thierry Vigne, éleveur. Mais aussi des normes environnementales plus fortes en France qu'ailleurs. » Jean-Pierre Royannez a demandé au préfet de ne pas alourdir la situation avec la révision des zones vulnérables. En Drôme, l'ajout de 29 communes impacterait plus de 120 élevages. « Avec des trésoreries exsangues et aucune perspective à ce jour de remontée du prix du lait, les mises aux normes seraient irréalisables », a-t-il souligné. Il a suggéré aux services de l'État d'étudier finement le dossier pour en diminuer l'impact. « Si nous pouvons limiter le nombre des communes en zone vulnérable, nous le ferons », a répondu le préfet.

« Un système où personne n'est gagnant »

Discussion dans l'étable de l'EARL des Fleurins, à Sainte-Eulalie-en-Royans.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Par ailleurs, les éleveurs ont demandé une meilleure valorisation du lait IGP(2). La prime actuellement octroyée (16 euros) est jugée très insuffisante pour compenser les surcoûts de production. Jean-Michel Pinat, représentant de l'Etoile du Vercors, a mis l'accent sur la baisse des cours du lait depuis deux ans (moins 90 euros les 1 000 litres). Ceci avant de souligner qu'en moyenne, sur l'année 2015, le lait IGP saint-marcellin a été payé aux producteurs 350 euros les 1 000 litres. Par ailleurs, dans l'objectif de valoriser le lait transformé en fromage saint-félicien, les producteurs souhaitent obtenir une IGP.
Quoi qu'il en soit, confrontés à une crise laitière sans fin, les éleveurs ont largement exprimé leur désarroi. « Nous sommes dans un système où personne n'est gagnant, ni les producteurs, ni les consommateurs », a dénoncé Christophe Bellier, éleveur. « Cela fait au moins 23 ans que le lait nous est payé au même prix », a dit un autre. Beaucoup ont parlé d'un climat pesant pour la vie familiale. « Faute de moyens financiers, nous devons en faire toujours plus. Aussi, on manque de temps pour la famille, a confié Céline Ferlay. Nos enfants sont marginalisés, ils souffrent de nos difficultés. » Jean-Michel Cotte et Rodolphe Ferrier (Crédit Agricole Sud Rhône Alpes) ont évoqué les dettes des exploitations « sans cesse repoussées. Mais dans les conditions actuelles de prix, il y a un vrai danger à court terme. » Patrick Eymard (CerFrance Drôme Vaucluse) a souligné la capacité de résistance des exploitations laitières avec l'augmentation des volumes produits. « Mais les éleveurs rognent sur certaines charges, sur leur rémunération... On ne voit pas la durabilité des situations. »

Christophe Ledoux

(1) DDT : direction départementale des territoires.
(2) IGP : indication géographique protégée.