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Biodiversité

Un verger en permaculture

Permaculteur au Québec, Stefan Sobkowiak a donné une conférence lors d'une rencontre cette fin novembre à l'Inra de Gotheron.
Un verger en permaculture

La permaculture, est-ce « utopique, irréaliste ? C'est à vous de juger », a dit le conférencier québécois Stephan Sobkowiak, le 30 novembre à l'Inra de Gotheron à Saint-Marcel-lès-Valence. La permaculture, c'est l'association d'arbres fruitiers et d'autres strates productives, voire d'animaux, pour rendre le système résilient, réduire les intrants et maximiser les productions. Stefan Sobkowiak la pratique depuis plusieurs années. A Gotheron, il a fait part de son expérience en ce domaine, dans le cadre d'une rencontre organisée par Agri Bio Ardèche et l'Adaf (association drômoise d'agroforesterie) en partenariat avec le Grab (groupe de recherche en agriculture biologique) et l'Inra. Ce jour-là également, Sylvaine Simon, ingénieur à l'Inra, a présenté le module « zéro phyto » de Gotheron et François Warlop, ingénieur de recherche au Grab, a donné les résultats techniques et économiques de vergers maraîchers (projet Smart)...

Avoir un écosystème fonctionnel

Biologiste à l'origine, Stefan Sobkowiak a acheté un verger de pommiers conventionnel fin 1992. Il l'a par la suite converti en bio. Toutefois, il trouvait que son verger n'était pas un écosystème fonctionnel car « il manquait trop de maillons ». En plus, vendant tout en direct, des clients lui demandaient ce qu'il avait de plus à leur proposer comme produits. « Cela a été une première grande étincelle », a expliqué le conférencier. En 2006, il a commencé à « redessiner » une section de son verger et à l'orienter vers la permaculture. En 25 ans, il a connu des satisfactions mais aussi des passages difficiles, comme des arbres de sa pépinière plusieurs fois détruits par des animaux. Mais il a recommencé, protégé ses arbres... Et les erreurs, il les considère comme de l'apprentissage.

L'assistance à la rencontre.

Des trios, strates

« La nature est vraiment bien conçue, constate Stefan Sobkowiak. On peut l'imiter. » La diversité des espèces et variétés est le principe numéro un de son verger. Et l'unité de base (« design ») est un trio constitué d'un pommier, suivi d'un arbre fruitier d'une autre espèce puis d'un fixateur d'azote. Ainsi, chaque fruitier est à côté d'un arbre ne produisant pas de fruits comestibles mais planté pour fixer l'azote de l'air et « en faire un engrais disponible pour ses voisins ». D'un trio à l'autre, les variétés sont différentes. Stefan Sobkowiak a aussi introduit des strates dans son verger : à chaque arbre fruitier (pommier, poirier, prunier ou cerisier) sont associés quatre arbustes (cassis, groseilliers, camerisiers*, myrtilliers, framboisiers...) et seize vivaces (légumes, fleurs comestibles, fines herbes, alliacés...). En plus, des plantes (vigne, kiwi) grimpent sur les arbres fixateurs d'azote. Ainsi agencé, le verger (de cinq hectares) est d'une grande diversité (plus de huit mille plantes).

Des « allées d'épicerie »

La ferme est en auto-cueillette pour des « membres » (ceux-ci récoltent eux-même et paient une cotisation annuelle en plus des produits qu'ils achètent). C'est pourquoi le verger est organisé en « allées d'épicerie », dans lesquelles les fruits et légumes arrivent à maturité à peu près en même temps. Cela facilite la cueillette et peut, en outre, susciter des achats impulsifs. Et quant une production est trop abondante, les « membres » sont invités à en cueillir gratuitement. « Il ne faut pas avoir peur de donner », confie Stefan Sobkowiak.
Concernant les intrants, « l'avantage de ce système est d'avoir plus de faune auxiliaire, des animaux alliés qui font un travail de régulation, observe le permaculteur. L'herbe n'est pas tondue toute en même temps. En conventionnel, 25 à 30 pulvérisations sont appliquées. Nous, c'est six, avec du lactosérum. La fertilité et les rendements augmentent, les ravageurs et maladies diminuent. »

Annie Laurie

* Camerisier : chèvrefeuille donnant des petits fruits comestibles (bleus et allongés).

 

Le projet « Z » de Gotheron /
Un verger basé sur la biorégulation
Le premier module du projet Z (1,5 hectare) implanté en février à l'Inra de Gotheron. Crédit photo : T. Nicolas.
Le « projet Z » a été conçu par l'Inra de Gotheron avec l'appui de partenaires. Il consiste à expérimenter un espace de production de fruits sans produits phytosanitaires et à très bas intrants en renforçant les services écosystémiques de régulation. Le design de la parcelle a été pensé pour rendre le verger difficile à investir par les bioagresseurs : effets barrière-dilution, plantes pièges, nichoirs, perchoirs à rapaces. Dans ce projet prévu sur une durée de vingt ans, dix hectares devraient être aménagés pour favorisant la biodiversité.
Un premier module
Sylvaine Simon, ingénieur à l'Inra, présentant le prototype du projet « zéro phyto ».
Dans un premier temps, un module d'expérimentation (prototype) de 1,5 hectare a été installé cette année (plantation en février). La diversification des espèces, plantes associées, leur agencement, le choix des techniques et pratiques visent à maximiser la régulation des bioagresseurs. Le dispositif est de forme ronde. Il est entouré d'une haie double multi-strates (avec entre autres des châtaigniers et des amandiers). A l'intérieur, un « rang » de pommiers, ensuite un « rang müesli » (multifruits), puis six de pommiers, abricotiers, pruniers, pêchers imbriqués en spirale. En pommes, ont été retenues des variétés peu sensibles à la tavelure. De la luzerne couvre le sol à la périphérie et entre les rangs. Au milieu, une zone de biodiversité et une mare de différentes profondeurs. S'ajoutent trois corridors pour circuler dans l'espace jusqu'à son centre.
A. L.