Une agriculture de solutions face au réchauffement climatique

Avec la COP21, le monde entier s'est donné rendez-vous à Paris pour relever un défi immense : trouver un accord entre 196 pays pour contenir le réchauffement climatique sous les
2 °C afin d'offrir à nos enfants un climat vivable. Le cinquième rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), paru en 2014, montre que la hausse de la température terrestre pourrait augmenter de 4,8 °C en moyenne d'ici à 2100, si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine. L'enjeu est de taille puisqu'un réchauffement climatique trop élevé bousculerait tous les aspects de la civilisation humaine : la nourriture, l'eau, la santé, l'économie, la sécurité, etc. Et le temps est compté puisqu'il faut commencer à réduire les émissions de GES à l'échelle de la planète dans les dix ans à venir. L'accord que doivent valider les 196 États présents à la COP21 engage donc l'avenir de l'humanité.
L'agriculture concernée
Le changement climatique touche directement et sévèrement l'agriculture à travers le monde. Même en France, la hausse des températures terrestres de 0,85 °C mesurée entre 1880 et 2012 impacte déjà l'agriculture avec des dates de semis et de vendanges plus précoces, des sécheresses plus régulières et plus sévères, le plafonnement des rendements à imputer pour moitié au réchauffement climatique selon l'Inra, de nouveaux parasites et maladies, etc. Au cours de la COP21, l'agriculture est présente à la table des négociations. Une journée y a été consacrée le 1er décembre. En France, l'impact de l'agriculture sur le climat fait déjà l'objet de l'attention des pouvoirs publics. Avec la Stratégie bas carbone de la France (SNBC), publiée au JO le 18 novembre, l'agriculture dispose d'une ligne directrice en matière de réduction de ses émissions de GES. La France vise une réduction de 75 % de ses émissions de GES d'ici 35 ans, en 2 050. Pour l'agriculture, la première étape consiste à réduire de 12 % son impact sur le climat d'ici 12 ans, en 2028.
Une agriculture de solutions
« Notre agriculture a beaucoup de choses à dire sur le sujet du changement climatique, indique Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA. L'agriculture est à la fois source de GES, puits de carbone et victime. Nous sommes émetteurs de GES, mais on n'oublie souvent que l'agriculture capte également du carbone dans les sols des prairies permanentes, dans les haies et les arbres. » C'est tout le sens du projet 4 pour 1 000 du ministère de l'Agriculture qui vise à séquestrer du carbone dans le sol via de nouvelles pratiques agricoles (moins de travail du sol, implantation de couverts végétaux, etc.) L'agriculture française travaille déjà à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En 20 ans, les émissions de GES issues de l'agriculture française ont diminué de 10 %, selon le centre technique d'études de la pollution de l'air (Citepa). « Les agriculteurs sont trop modestes sur ce qu'ils font en matière de lutte contre le changement climatique car nous avons des solutions, souligne Christiane Lambert. Nous avons, par exemple, un vrai potentiel de production d'énergies renouvelables. L'agriculture de solutions, ce n'est pas qu'un slogan, c'est déjà une réalité. »
Avec la COP21, de très nombreuses organisations professionnelles agricoles ont communiqué autour des actions qu'elles mènent déjà pour réduire leur empreinte carbone. Pour porter ce message d'une agriculture de solutions, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) a publié un kit de communication positive début octobre. « C'est bon pour le climat » met en avant dix pratiques engagées par des agriculteurs et permettant de réduire les émissions de GES comme la mise en place de couverts végétaux en interculture, la réduction de la fertilisation azotée, l'ajustement des rations alimentaires, l'introduction de légumineuses dans les rotations, etc. C'est aussi la recherche d'économies d'énergie dans les exploitations puisque la consommation d'énergie directe (fioul, gaz, électricité, carburant) de l'agriculture produit près de 8 Mt eq CO2/an. L'Ademe estime qu'une généralisation des économies d'énergie permettrait de réduire de 25 % les émissions de GES tout en permettant d'importantes économies pour les exploitations agricoles. Par exemple, dans une exploitation de 660 veaux de boucherie, les 10 000 l de fioul nécessaires pour l'eau chaude utilisée pour la préparation des aliments des animaux peuvent être remplacés par une chaudière biomasse à granulés. Résultat : 5 000 euros d'économies par an, un investissement rentabilisé sur 6 ans et 25 tonnes de CO2/an en moins.
Vers un élevage bas carbone
Autre initiative, le Cniel a présenté le 25 novembre dernier la « Ferme laitière bas carbone ». L'objectif est de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) par litre de lait produit d'ici 10 ans et d'augmenter le stockage du carbone dans les sols des praires. Pour y parvenir, un diagnostic est effectué dans les fermes afin d'identifier les leviers d'amélioration. 1 700 fermes, sur les 4 000 engagées dans la démarche, ont déjà été diagnostiquées et 171 d'entre elles ont mis en place de nouvelles pratiques vertueuses comme l'amélioration de l'autonomie alimentaire des vaches, la réduction de l'utilisation de fertilisants chimiques, la réimplantation de haies, la production d'énergies renouvelables, etc. Il apparaît que les premiers résultats sont probants d'un point de vue environnemental (- 14 % d'émission de GES) mais également d'un point de vue économique : les coûts de production d'une ferme bas carbone seraient en moyenne 8 % inférieurs à ceux d'une ferme traditionnelle. Cette initiative a d'ailleurs été retenue dans l'Agenda des solutions de la COP21. Au total, douze solutions agricoles françaises ont été présentées au Bourget dans l'Espace générations climat le 1er décembre.
Camille Peyrache
Comprendre l’organisation de la COP21
On en parle depuis près d’un an. La 21e Conférence des parties ou COP21 est une conférence internationale sur le changement climatique qui se tient au Bourget près de Paris du 29 novembre jusqu’au 11 décembre. La COP21 est une sorte d’ONU de l’environnement qui regroupe 196 pays signataires de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro. Aussi, chaque année, les États ou « parties » se retrouvent pour adopter des mesures pour que tous les États signataires réduisent leur impact sur le réchauffement climatique.La COP21 a pour objectif partagé par tous d’aboutir à l’adoption d’un accord « universel et contraignant » sur le climat afin de maintenir la température globale sur terre en dessous d’un réchauffement de 2 °C. Chaque État s’engage ainsi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.
Pour trouver l’accord, près de 20 000 personnes vont prendre part aux négociations : ONG, syndicats, entreprises, scientifiques et bien sûr les négociateurs des États. Il y aura en fait plusieurs dizaines de négociations qui vont se dérouler en même temps sur différents thèmes : réduction des émissions, forêt, océans, transports, gestion des déchets, et l’un des sujets le plus compliqué : le financement de la transition dans les pays du Sud via le Fonds vert. C’est pour être présent à chaque discussion que les représentations des États sont très nombreuses. Plusieurs centaines d’experts et de diplomates représenteront la Chine, les États-Unis. La France compte 130 négociateurs dont deux pour l’agriculture et la forêt. Mais c’est regroupée au sein de l’Union européenne que la négociation sur le climat est défendue pour ses membres.
Pour ouvrir la COP21, 146 chefs d’État ou de gouvernement étaient présents à Paris. Ils ont laissé ensuite les discussions se poursuivre pendant dix jours. En fin de deuxième semaine, les ministres des Affaires étrangères de chaque pays prennent le relais pour mettre les dernières touches à l’accord.
En fait, les discussions pour parvenir à un accord en 2015 ont commencé dès la COP20 à Limas en décembre 2014 et se sont continuées sous forme de réunions tout au long de l’année 2015. Par exemple, Paris a accueilli du 6 au 10 novembre dernier, la pré-COP avec 60 ministres des Affaires étrangères de la planète pour travailler sur le projet d’accord international pour le climat.
Parallèlement aux négociations, plusieurs espaces sont dédiés à la société civile. Par exemple, les espaces Générations climat (27 000 m2) qui réuniront 340 organisations internationales de la société civile à travers des stands et des expositions, ainsi que 360 conférences, montrent l’engagement de la société civile dans toute sa diversité pour trouver des solutions à apporter au dérèglement climatique. Par ailleurs, le Grand Palais à Paris accueillera du 4 au 10 décembre une exposition ouverte gratuitement pour montrer les solutions développées par des instituts de recherche, des acteurs économiques ou des ONG. La prochaine conférence sur le climat, la COP22, se tiendra au Maroc en 2016.
Camille Peyrache