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Conjoncture

« Une année compliquée pour nombre de filières agricoles drômoises »

Lors de leur session d'automne, les élus de la chambre d'agriculture de la Drôme ont fait un point sur le déroulement de la campagne agricole 2016.
« Une année compliquée pour nombre de filières agricoles drômoises »

Des producteurs démunis face à des prix non rémunérateurs en lait de vache et en grandes cultures. Des aléas climatiques majeurs en fruits d'été, des dégâts de noctuelles en lavandiculture et une augmentation de la prédation du loup sur les élevages ovins. C'est ainsi que Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture, a résumé la conjoncture agricole drômoise devant les élus consulaires réunis à Bourg-lès-Valence le 16 septembre.

Devant les élus consulaires, Jean-Pierre Royannez (au micro) a résumé la conjoncture agricole. A ses côtés, Paul Despesse, Anne-Claire Vial, Frédéric Loiseau et André Gilles.

Bovin lait : forte dégradation

En lait de vache, la chute du prix du lait depuis deux ans ampute les marges et accroît les déficits. « Une exploitation est en dépôt de bilan et cinq sont en grande difficulté, a indiqué Thierry Ageron, éleveur dans le Royans, élu chambre d'agriculture et président de la fédération drômoise des producteurs de lait. Je n'ai jamais connu une crise aussi dure. » Céline Ferlay, éleveuse dans le Nord-Drôme, a témoigné : « Nos conditions de "survie" se dégradent chaque jour un peu plus. Beaucoup d'éleveurs sont en détresse. La situation est catastrophique ». Une hausse du prix du lait l'année prochaine laisse peu d'espoir. « A 300 euros de prix de base, les difficultés demeureront », a confié Thierry Ageron.
Jean-Pierre Royannez a appelé les éleveurs confrontés à la crise à se faire aider, à ne surtout pas rester seuls. Des dispositifs existent : Rebondir 26, cellule inter-organismes agricoles, audit. Il a par ailleurs exhorté les services de l'État à faire le maximum pour le dégrèvement de TFNB(1). Des annonces « fortes » du ministre de l'Agriculture étaient par ailleurs attendues le 22 septembre (lire page 9) dans le cadre d'un plan de refinancement de l'agriculture.

Grandes cultures : décrochage des prix

La crise des prix frappe aussi la filière des céréales et oléoprotéagineux. « La Drôme résiste mieux en volume que biens d'autres régions confrontées aux aléas climatiques. Mais les prix continuent à décrocher pour la quatrième année consécutive, a expliqué Anne-Claire Vial, présidente de la chambre d'agriculture. Les revenus à l'hectare deviennent négatifs et aucune amélioration n'est en vue. » Une situation évidemment très inquiétante, d'autant que la récolte mondiale de grains est cette année record. Les producteurs sont là aussi dans l'attente des annonces du ministre de l'Agriculture et des dégrèvements de TFNB.

Fruits d'été : récoltes amputées

En France, la campagne fruits d'été a bénéficié d'une conjoncture favorable. Hélas, en Drôme, les aléas climatiques ont sévèrement amputé les récoltes. « En pêches et nectarines, les volumes ont baissé de 66 %, a indiqué Bruno Darnaud, élu de la chambre d'agriculture. Les pertes atteignent 48 % en abricots et 51 % en cerises. » Une demande d'indemnisation par le fonds des calamités est en cours. Par ailleurs, Bruno Darnaud a mis l'accent sur la nécessité de rénover le verger d'abricotiers.

Lavande et lavandin : dégâts de noctuelles

La filière lavandicole française connaît un contexte favorable. « Mais dans certains secteurs du Diois et Haut-Diois, après un hiver doux, les chenilles de noctuelles ont fait de gros dégâts », a expliqué Maxime Méjean, élu de la chambre d'agriculture.

Ovins : le loup fait des ravages

Au 15 septembre dans la Drôme, 93 attaques de loup étaient déjà dénombrées. « L'augmentation est énorme et les attaques ont lieu jours et nuits, a fait remarquer Jean-Pierre Royannez. J'ai au téléphone des éleveurs qui n'en peuvent plus, qui pleurent. On est allé trop loin. » Par ailleurs, il a salué l'effort des louvetiers. A la crainte de la prédation s'ajoute celle des morsures de chiens de protection sur les randonneurs. « Nous sommes considérés comme des délinquants, on se retrouve assignés au tribunal, a confié Yves Feydy. Il faut éradiquer le loup, pas les éleveurs. » A propos du loup, « je n'ai qu'un seul mot, a déclaré Anne-Claire Vial : "intolérable". La société doit se remettre en cause pour maintenir le pastoralisme, activité ancestrale. » Le secrétaire général de la préfecture, Frédéric Loiseau, a annoncé la signature d'un nouvel arrêté de tir de prélèvement renforcé.

Aviculture : des marchés concurrencés

En poules pondeuses, la consommation s'oriente vers des œufs produits en mode alternatif. Pour Paul Despesse, vice-président de la chambre d'agriculture, « il faut prévoir un accompagnement pour les élevages en cage. » En volailles de chair, « le marché est très chargé, concurrencé par la Pologne. Et en dindes, la concurrence est rude avec les pays proches. » Il a aussi demandé le soutien des pouvoirs publics face aux recours exercés par des associations s'opposant à la construction de nouveaux bâtiments.

Des organismes à l'écoute

Francis Chaumel pour le CERFrance Drôme Vaucluse, Jean-Michel Cotte pour le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, Guy Péran pour la MSA Ardèche-Drôme-Loire et Jean-Marc Helly pour Groupama Méditerranée ont tour à tour évoqué la conjoncture. A Groupama, vingt événements climatiques ont déjà été déclarés en Drôme (avant la sécheresse), ce qui représente déjà 4 à 5 millions d'euros. Au Crédit Agricole, la hausse des découverts a progressé de 10 % et plus de 300 prêts de trésorerie ont déjà été demandés. La MSA a enregistré un recul de 12 % de la main-d'œuvre saisonnière.
Dominique Chatillon, chef du service agriculture à la DDT(2) de la Drôme, a évoqué la nouvelle avance de trésorerie remboursable (ATR3) pour les aides Pac. Au 15 septembre, environ mille dossiers ont été déposés. Elle a également annoncé le règlement de l'aide à l'assurance récolte 2015 en novembre prochain.

Préserver le modèle agricole familial

A propos de la révision des zones vulnérables, « nous avons transmis six fiches à la Dreal, a indiqué Anne-Claire Vial. Il est impératif d'éviter aux éleveurs des charges supplémentaires. » Evoquant la résilience des systèmes agricoles drômois, elle a aussi appelé à poursuivre la recherche de performance technique et de valeur ajoutée tout en clamant la nécessité des aides Pac pour préserver le modèle agricole familial dans un contexte de prix mondial.
Lors de cette session, le vice-président du conseil départemental chargé de l'agriculture, André Gilles, a annoncé la continuité des soutiens du Département à la chambre d'agriculture, à la prophylaxie animale et à l'irrigation.

Christophe Ledoux

(1) TFNB : taxe sur le foncier non bâti.
(2) DDT : direction départementale des territoires.
(3) Dreal :direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.