Une approche macro-économique de l'agriculture

La première édition des rencontres économiques agricoles du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes s'est tenue le 24 novembre à Valence. Elle a réuni 250 acteurs des territoires drômois, ardéchois et isérois (agriculteurs, représentants de coopératives, d'organisations professionnelles...). Pourquoi ces rencontres ? « C'est un peu un pari, a expliqué son président, Jean-Pierre Gaillard. L'idée est de"faire territoire ensemble", d'ouvrir un champ plus collectif et collaboratif, de partager, travailler plus transversalement. C'est, en fonction des enjeux, risques, opportunités et en s'appuyant sur les expertises, les expériences des uns et des autres, de voir comment faire mieux. »
De nouveaux défis à relever
Etaient au menu de la soirée deux tables rondes, l'une intitulée « la mutualisation des moyens de la propriété à l'usage », l'autre « la distribution : circuits courts, circuits longs, des modèles concurrents ou complémentaires ? ». Mais avant, le directeur du pôle agroalimentaire de Crédit Agricole SA, Philippe Chapuis, a donné un regard sur les mutations et enjeux des filières agricoles et agroalimentaires. Celles-ci auront de nouveaux défis à relever face à une consommation mondiale en croissance structurelle. De 1,6 milliard d'habitants en 1900, la planète est passée à 7,4 en 2015 et devrait atteindre les 9,7 en 2050 (source Insee). La population va augmenter en Asie, Afrique et diminuer en Europe. Les zones de croissance et de richesse se déplacent vers les pays émergents. « Pour bénéficier de cette croissance, l'agriculture et l'agroalimentaire sont contraints de s'intéresser à eux. » Autres phénomènes, la population mondiale est de plus en plus urbaine (29 % en 1950, 55 % en 2010 et, selon les estimations, 85 % en 2050), les modes de vie s'occidentalisent.
De « formidables » opportunités
« Les besoins à satisfaire vont encourager certaines productions, a observé l'intervenant. C'est notamment le cas des protéines animales, de la viande bœuf. Pour la France, qui a le premier cheptel d'Europe, c'est un formidable débouché potentiel. De même, la Chine sera le deuxième pays consommateur de vins en 2016 et probablement le premier en 2025-2030. Il va falloir s'y intéresser. En 2050, le déficit laitier de l'Extrême-Orient et de l'Afrique du Nord équivaudra à la production française. D'où une forte croissance des échanges agroalimentaires dans le monde. Ce sont de vrais enjeux, en matière de production, pour notre pays. » Conséquences : la hausse et la volatilité des prix. « Il faut que les mécanismes d'accompagnement s'adaptent pour maintenir les revenus constants malgré la volatilité des cours. » Et Philippe Chapuis de résumer : « Il y a de formidables opportunités, de par l'émergence de zones à fort potentiel de croissance, mais aussi de nouvelles contraintes (volatilité des prix, renforcement des exigences environnementales, sanitaires et réglementaires). Les entreprises doivent adapter leur stratégie si elles veulent faire partie des gagnants de demain ».
Développer l'export
En France, l'agriculture et l'agroalimentaire constituent la première filière économique. Ils sont le deuxième contributeur à la balance commerciale française. Mais, en dix ans, notre pays est passé du deuxième au sixième rang mondial d'exportateur de produits agricoles et agroalimentaires. 70 % des produits alimentaires consommés dans notre pays sont français. Et l'industrie agroalimentaire nationale compte des leaders mondiaux. « L'Europe occidentale est une zone géographique parfaitement à maturité, a constaté l'intervenant. Si la France veut continuer à progresser et faire de la marge, elle doit impérativement développer ses exportations, ce qui suppose une stratégie. » Et là, il a pris l'exemple de l'Italie, qui a dépassé la France sur les principaux marchés du vin (en volume). Dans les échanges internationaux de vins, la part de notre pays est passée de 34 % en 1992 à 14 aujourd'hui (en quantité). Au dernier Sial(*) à Paris, les exposants italiens « sont venus en masse ». Selon le directeur de ce salon, ils devraient être plus nombreux que les exposants français lors de la prochaine édition. « Ils chassent en meute, a observé Philippe Chapuis. 25 coopératives dont l'ambition est d'exporter (ayant une gamme complète de vins) se sont regroupées et vendent la marque Italie. On peut en tirer des leçons. » Il a encore signalé que le Crédit Agricole avait créé, en 2011, un pôle agriculture et agroalimentaire pour accompagner ses clients dans leur réflexion stratégique.
Annie Laurie
(*) Sial : Salon international de l'alimentation.
Enjeux des filières Sud Rhône-Alpes
Philippe Chapuis a aussi décliné son intervention au niveau des filières drômoises, ardéchoises et iséroises. En céréales, il a noté des enjeux de rendements, « qui ne sont pas incompatibles avec le bio. Les deux peuvent et doivent cohabiter si l'on veut assurer un avenir à notre agriculture ». Et il a salué la mise en commun d'outils par deux coopératives pour développer la production bio, « une initiative unique en France et porteuse ». En bovins lait, « les coûts de collecte étant élevés, il faut rechercher la valorisation ». En caprins, « Eurial est numéro un en fromages de chèvre. Je pense que c'est intéressant pour la pérennité de la filière sur le territoire », a confié l'intervenant. Il situe des enjeux, entre autres, dans la valorisation des chevreaux, de même que dans la viande bovine de qualité et, pour les ovins, de restructuration de la filière. Pour la viticulture, il en voit dans la premiumisation, l'export, le bio, l'œnotourisme, la recherche (besoin d'expérimentations pour guider les futures évolutions). Pour l'arboriculture, il a relevé des enjeux sanitaires, phytosanitaires. Et, de son avis, la consommation de fruits passera de plus en plus par la transformation. Il estime donc important de conserver les entreprises de transformation locales. Quant aux coopératives fruitières, elles ont des enjeux de taille critique. Elles sont confrontées à une forte fluctuation d'activité, aux aléas climatiques, problèmes sanitaires, à la concurrence espagnole...