Une bulle d'air pour le répit des aidants familiaux

Se séparer d'un proche en perte d'autonomie est toujours une décision douloureuse. Alors, bien souvent, le maintien à domicile s'impose. La personne valide devient ainsi un « aidant familial ». Il ou elle assume au quotidien et sans relâche un accompagnement lourd. S'absenter quelques heures, voire une journée complète, devient dans bien des cas impossible. « On peut avoir des coups de blues, confie avec pudeur cette dame aux côtés de son mari atteint de la maladie d'Alzheimer. Il faut tenir mais c'est difficile. » A force d'épuisement, la santé finit par en prendre un coup.Il y a tout juste un an, la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV) a reconnu un droit au répit pour les aidants familiaux. Sur le terrain, des initiatives germent ou se développent. C'est le cas de « Répit bulle d'air ». Créé en 2012 par la MSA des Alpes du Nord, ce dispositif original a retenu l'attention de la MSA Ardèche-Drôme-Loire (ADL). La caisse l'a officiellement lancé le 16 décembre à Valence.
Sur le concept du baluchonnage
Répit bulle d'air est un service associatif de garde à domicile, mobilisable ponctuellement sur une durée de 3 à 48 heures. Sur cet intervalle, un salarié « baluchonneur », sélectionné et mandaté par l'association, prend le relais de l'aidant familial pour s'occuper du proche, de jour comme de nuit. C'est une sorte de service de remplacement fonctionnant sur le concept québécois du « baluchonnage ».Diplômés des filières médico-sociales ou non (mais dans ce cas très expérimentés), les baluchonneurs ont des profils divers : jeunes retraités, aides à domicile en recherche d'un complément d'activité, étudiants en sanitaire et social... Ce sont en quasi-totalité des femmes. « Il ne s'agit pas d'un service concurrent aux aides à domicile classiques, assure la MSA. Les missions assurées, de trois heures consécutives au minimum, sont complémentaires. »
Un coût et des aides
Chaque intervention fait l'objet au préalable d'un devis personnalisé car les situations à gérer (les nuits notamment) peuvent être très diverses pour une même durée. A titre indicatif, en 2017, une heure de baluchonnage coûtera en moyenne 15 euros. La référence est la convention collective nationale des salariés du particulier employeur. En prenant en compte les aides potentielles, le reste à charge est estimé en moyenne à 8 euros. Selon la MSA, 74 % des familles peuvent bénéficier d'une ou plusieurs aides (déduction fiscale, APA(1), PCH(2), prestations extralégales MSA...). A noter, le service fonctionne en mode mandataire. L'aidant familial est donc l'employeur du salarié « baluchonneur ». L'association, elle, assure la mise en relation entre le baluchonneur et le particulier et gère les démarches administratives (formalités liées à l'embauche, contrat de travail, suivi des interventions...).
En expérimentation en 2017
« C'est un service innovant et une réponse sociale d'un réel intérêt », a fait remarquer Henry Jouve, président de la MSA ADL. « Après les Savoie et l'Isère, ce service essaime dans l'Ain, le Rhône et désormais sur une partie de la Drôme et l'Ardèche », a ajouté Thierry Blanchet, président de l'association Répit bulle d'air Rhône-Alpes. Dans un premier temps, il sera expérimenté sur les communes des cantons de Valence, Romans, Tain-l'Hermitage et Bourg-de-Péage, pour la Drôme ; de La Voulte, Guilherand-Granges et Tournon-sur-Rhône, pour l'Ardèche. « Nous le déploierons sur d'autres territoires si nous avons suffisamment de demandes et de baluchonneurs », a précisé Dominique Gential, directeur général de la MSA ADL.
La caisse compte aussi sur ses partenaires pour soutenir et faire connaître Répit bulle d'air. Elle espère aussi un appui du Département. Son objectif est que le répit à domicile devienne un service connu et reconnu, un réflexe pour les aidants familiaux.
Christophe Ledoux
(1) APA : allocation personnalisée d'autonomie.
(2) PCH : prestation de compensation du handicap.
Témoignages /
Parole d'aidants familiaux
La baluchonneuse, « c'est comme quelqu'un de la famille pour me remplacer, confie Denise, aidant familiale auprès de son mari. Il faut franchir le pas et faire confiance. » Dans un petit film présentant Répit bulle d'air, d'autres témoignent sur l'intérêt de ce service. « C'est une respiration pour sortir de la maison et avoir des activités. Cela nous enlève ce sentiment de culpabilité car d'autres personnes dont c'est le métier sont là pour nous remplacer et nous aider. » « Ça nous aide à vivre », dit une autre aidante familiale. « C'est aussi un plus pour la personne aidée, qui voit quelqu'un d'autre. »Pout visionner le film, cliquez sur ce lien : http://www.dailymotion.com/video/x2gxlkd
Repères /
Près de 11 millions d'aidants en France
D'après le baromètre de la Fondation April* de juin 2016, près de onze millions de proches aidants sont dénombrés en France. La majorité (58 %) de ces aidants bénévoles mène une vie professionnelle, tout en s'occupant régulièrement d'un proche, malade ou en situation de dépendance. Si 84 % des aidants font état d'une relation renforcée avec les personnes aidées, 35 % d'entre eux regrettent malgré tout de ne pas avoir assez de temps pour eux.L'an dernier, 405 aidants ont contacté le service Répit Bulle d'air Rhône-Alpes. 118 familles ont été accompagnées et 2 000 heures de répit à domicile réalisées (soit 271 h par famille et par an).
Contact : Répit bulle d'air Rhône-Alpes (tél : 04 79 62 87 38 - mail : [email protected]).