Une charte pour valoriser le patrimoine paysager des Côtes-du-Rhône

La charte paysagère élaborée par le syndicat des Côtes-du-Rhône vise à rassembler les acteurs agissant sur le territoire viticole (collectivités locales, administrations, syndicats viticoles, institutionnels, élus, organismes professionnels et techniques, aménageurs, associations locales...) pour qu'ils prennent part, de manière volontaire, aux futures démarches paysagères et environnementales. Un travail de 18 mois a permis de faire émerger les caractéristiques du vignoble de l'appellation. Ayant une meilleure connaissance de ses atouts, mais également des améliorations possibles, le syndicat souhaite à travers cette charte renforcer et valoriser son patrimoine paysager et environnemental.
Première phase : le diagnostic a permis la réalisation d'un cahier de recommandations et d'actions, afin de stimuler des projets en faveur du paysage. Pour mailler tout cela, une charte définit les outils opérationnels. Des projets ont déjà vu le jour : aires de lavage, signalétique dans le vignoble, conservation du petit patrimoine bâti, gestion des abords de ferme... (voir encadrés)
Seize entités paysagères
Le diagnostic a mis en avant seize entités paysagères aux ambiances bien spécifiques. Il permet de se rendre compte des différents savoir-faire des vignerons, qui ont su s'adapter à leur environnement local. L'intérêt de la démarche est d'apporter des outils, des moyens et un accompagnement pour l'émergence ou la consolidation de projets individuels ou collectifs, régionaux ou locaux, mais aussi de se doter d'une ligne de conduite opérationnelle. Il s'agit de mettre en place un réseau de partenaires et d'organismes, pour aboutir à des actions communes soutenues techniquement et financièrement. « Nous avons besoin de toutes les forces vives du territoire », souligne Philippe Barral, du syndicat des Côtes-du-Rhône, en remerciant tous les partenaires : l'IFV, FranceAgriMer, les Régions Rhône-Alpes et Paca, et l'Agence de l'Eau. Les élus des communes concernées sont également appelés à signer la charte. « Ce travail doit nous permettre de défendre, valoriser et promouvoir notre terroir, a indiqué de son côté le président du syndicat, Philippe Pellaton. Elle s'intègre tout à fait dans le projet de loi d'Avenir, en couchant dans un cahier des charges des mesures agro-environnementales », mais cela reste « une démarche volontariste et proactive. »
Trouver l'unité dans la diversité
« Le diagnostic paysager, qui a été réalisé ici, répond une nécessité fondamentale : connaître ce qui identifie nos paysages viticoles de manière à pouvoir les protéger et les valoriser davantage », explique Jacques Maby, enseignant chercheur à l'UFR lettres et sciences humaines de l'université d'Avignon. « La valeur d'un vin est un mélange complexe de qualités organoleptiques et de richesses culturelles. » Ainsi, l'étude pose plus de questions qu'elle n'en résout. Son but « n'est pas de fournir des réponses à la place des vignerons, sur ce qu'il convient de faire ou non, mais d'éclaircir la question de l'identité ». Car à priori, avec seize entités paysagères, cette étude souligne plus de variétés que d'unité. On ne pourra pas chercher l'unité du terroir, du climat ou encore des pratiques de vinification. « La réponse n'est pas dans une liste improbable de caractères communs, mais dans la relation constante que les vins du Rhône tissent entre eux, avec le monde, et le temps qui passe. Cette constance se dessine mieux dans l'ordre immatériel, en commençant par le Rhône lui-même, et sa puissante charge symbolique à laquelle nous sommes tant accoutumés, mais dont nous en négligeons l'apport originel. » Le Rhône traverse des vignobles variés, « en les unissant dans une même vallée, il fonde une identité métissée ». L'axe rhodanien est aussi un flux, constant, infatigable, une voie de circulation. « Cette puissance d'échange forge une personnalité : ici pas de vin figé dans la routine, mais des vins renouvelés. » Ce vignoble n'est pas périphérique, mais axial, central : « On vient vers lui et ses vins sont faits pour aller vers les autres (...) Les paysages changent forcément mais l'identité demeure. Ils se subdivisent à l'infini mais une unité survit en eux. La Vallée du Rhône est l'échelle juste, celle à laquelle on peut être vu depuis le monde, et à laquelle on pourra se focaliser vers les trésors paysagers, patrimoniaux et gustatifs, dont les vins sont constitués, jusqu'au plus modeste d'entre eux. »
Un appui pour l'export et l'œnotourisme
Le président d'InterRhône, Michel Chapoutier, également président de l'ODG Hermitage, qui est un site classé de la Drôme depuis 2013, y voit un intérêt pour développer « l'œnotourisme, l'économie de demain. Les paysages aident également pour l'export et pour pérenniser la consommation » des touristes qui viennent découvrir le vignoble. Quand on sait qu'un litre de plus de consommation par habitant aux USA, représente l'ensemble de la production de la Vallée du Rhône... Cette charte vise également à défendre l'outil de production : « Nous avons besoin du soutien des municipalités et des politiques. (...) Des espaces boisés classés deviennent des friches, et viennent en concurrence de zones AOC, quand l'export appelle à une hausse des volumes. »
« Ceci n'est qu'une première étape, souligne Christian Paly, président du comité vin de l'INAO. C'est un projet économique, culturel et social. Les AOC, c'est aussi du rêve et de l'immatériel, cette charte est l'un des exemples qui montrent la capacité de nos appellations à développer du rêve. Une AOC et ses paysages, ce n'est pas remplaçable, ce n'est pas délocalisable. » Michel Grégoire, vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, souligne l'adéquation du projet avec les questions prégnantes, telles que l'alimentation, thème au cœur de l'exposition universelle de Milan, ou encore de l'environnement, qui sera débattu en fin d'année avec le Sommet sur le climat.
Magali Sagnes
Charte paysagère /Préserver et valoriser les paysages des Côtes-du-Rhône
Le syndicat, les vignerons et l'ensemble des acteurs de la filière se sont engagés à :
- valoriser les pratiques culturales durables via des actions favorables à l'environnement comme l'enherbement des tournières, l'aide à la conversion en agriculture biologique, la mise en place de mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) ;
- adopter le matériel agricole aux nouvelles pratiques, en incitant notamment à la création d'aires de lavage et remplissage collectives ;
- maintenir les structures végétales caractéristiques du vignoble en favorisant l'entretien et la plantation d'essences végétales locales ;
- valoriser le paysage viticole et son environnement dans les politiques touristiques, en travaillant plus particulièrement sur la signalétique dans le vignoble et les circuits viticoles ;
- valoriser le patrimoine bâti, en sollicitant des aides techniques et financières pour la restauration en particulier des murets et mazets ;
- gérer les abords des bâtiments viticoles, en donnant des pistes de réflexion, quant au choix des végétaux à utiliser, la fonction des accès et l'identification des aires d'accueil ;
- protéger et gérer les terroirs en faisant valoir les terres AOC dans les documents d'urbanisme et en gérant les interfaces entre les villes et les vignes ;
- informer, sensibiliser et former des professionnels, élus et techniciens à la connaissance, communication et transmission de ce patrimoine reconnu et apprécié de tous.
De leur côté, les partenaires signataires se sont engagés plus globalement à :
- connaître et faire reconnaitre les paysages viticoles des AOC des Côtes-du-Rhône dans ses différentes dimensions : historique, environnementale, patrimoniale, culturelle et esthétique ;
- protéger et soigner les AOC des Côtes-du-Rhône en prenant en compte le paysage dans les projets territoriaux comme un élément à part entière du cadre de vie et de la qualité paysagère ;
- partager la gestion des paysages et de l'environnement des AOC entre les différents acteurs ;
- valoriser ce territoire AOC en communiquant sur la typicité de ces paysages viticoles, sur les moyens engagés pour améliorer son environnement.
Tain-l'Hermitage
Un sentier viticole
La cave de Tain l'Hermitage a mis en place un sentier viticole de 4 km. « Afin de nous différencier des sentiers de découverte existants, nous avons mis en place une application mobile sur nos panneaux de guidage, ce qui permet la mise en valeur et la découverte de nos paysages, toute l'année et en toute liberté. Pour aller encore plus loin dans l'innovation et afin de surprendre, nous couplons avec des œuvres de Land'Art éphémères sur la thématique du vin, visibles depuis le sentier et faisant l'objet d'une communication dans la presse locale », explique Stéphanie Veryret, coordinatrice tourisme pour la cave.
En Ardèche /
Des haies, identités du vignoble
« Il y a un peu plus de vingt ans, nous avons décidé de planter une haie coupe-vent autour d'une parcelle très ventée, explique Jean-Pierre Thibon du Mas de Libian à Saint-Marcel-d'Ardèche. Nous avons utilisé des essences locales, dont le cyprès, pour respecter le cadre paysager environnant. Outre les bienfaits agronomiques pour la vigne, cette pratique permet d'augmenter la biodiversité dans nos vignobles, et de renforcer les corridors écologiques entre la vallée de l'Ardèche et le Rhône. »