Une coordination de l’amont à l’aval

Chaque année, la période de l'Aïd-El-Adha (Aïd-El-Kébir) intervient comme un moment important dans l'activité de Luc Etellin, éleveur ovin sur la commune d'Aiton. L'abattage rituel des animaux se pratique dans les abattoirs agréés.
Le cadre réglementaire et le dispositif qui l'accompagne au niveau de chaque département permettent le bon déroulement de ce moment clé du culte musulman. Il s'agit en effet de concilier la célébration de la fête de l'Aïd-El-Adha avec les dispositions législatives et réglementaires françaises en matière de santé publique, de protection animale et de respect de l'environnement. Concrètement aussi, une anticipation est nécessaire afin que les personnes souhaitant faire abattre un animal puissent le réserver auprès d'un éleveur de moutons. Cette réservation des places d'abattage se fait soit auprès des responsables des abattoirs agréés, soit auprès des représentants du conseil régional du culte musulman (CRCM).
Coordination et anticipation
« La coordination en prévision de la fête de l'Aïd-El-Adha est réalisée bien en amont, témoigne Ahmed Al Bahraoui, le délégué du CRCM en Savoie. Nous avons travaillé durant trois mois sur ce sujet lors de réunions qui se tiennent en préfecture entre les services de l'État, les directions des abattoirs, le CRCM et les éleveurs ». Le délégué du CRCM dit insister beaucoup également auprès des membres de la communauté musulmane venant à la mosquée sur la nécessité de respecter impérativement ce cadre réglementaire et cette organisation. Éleveur engraisseur d'agneaux agréé par les services vétérinaires, Luc Etellin est depuis une dizaine d'années un interlocuteur habituel pour les membres de la communauté musulmane. Les familles et les représentants du CRCM savent qu'ils peuvent acheter chez lui les agneaux destinés au sacrifice qui sera accompli en abattoir par un sacrificateur dûment agréé. « Cette année, le CRCM m'a réservé 450 agneaux que j'emporterai à Chambéry le jour de l'Aïd, explique l'éleveur. Par ailleurs, des personnes des secteurs géographiques proches de chez moi, d'Albertville, Saint-Jean-de-Maurienne, Montmélian et Saint-Pierre-d'Albigny, viennent également choisir leurs agneaux, soit 200 autres bêtes que j'emmènerai, à l'abattoir de Saint-Étienne-de-Cuines ».
L'exigence de beaux agneaux
Les semaines précédant la fête de l'Aïd sont déterminantes pour l'éleveur. Il s'agit de préparer des agneaux afin qu'ils répondent parfaitement aux attentes de ces personnes. « Les familles musulmanes veulent de beaux agneaux, bien finis. L'impératif est qu'ils soient âgés de plus de 6 mois mais de moins d'un an, idéalement entre 6 à 10 mois, il faut des mâles entiers (non castrés) et qu'ils aient de préférence des cornes », explique Luc Etellin. Ne disposant pas d'animaux de race à cornes, Luc Etellin achète ces agneaux à des éleveurs savoyards et isérois. Il s'agit d'animaux de race mérinos. L'éleveur propose aussi des animaux de la race thônes-et-marthod.
Les deux samedis avant l'Aïd sont animés d'une certaine effervescence sur l'exploitation de Luc Etellin. Ces jours-là sont ceux des réservations. En effet, le représentant du CRCM, qui a reçu délégation des familles réservataires pour choisir leur agneau et des familles elles-mêmes viennent faire le choix de leur agneau directement à la bergerie. Chaque réservataire, titulaire du document officiel, se voit assigner un numéro précis, correspondant au choix qu'il a fait de la bête qu'il souhaite sacrifier. Ce numéro sera conservé et respecté tout au long de la chaîne, jusqu'à la sortie de l'abattoir. La traçabilité est ainsi absolument garantie et toute confusion évitée. « J'achète des médailles pré-gravées, donc sans risque d'être effacées, elles sont numérotées de 1 à 800 », précise Luc Etellin. Chaque agneau sera donc doté de sa médaille numérotée.
L'éleveur respecte également des impératifs de timing pour acheminer les bêtes à l'abattoir en temps et en heure. « La règle est que l'agneau ne peut être abattu avant la fin de la prière du jour même de l'Aïd », précise Luc Etellin. Sur place, au niveau des abattoirs, à la fin de cette prière, c'est le représentant du CRCM qui annonce le moment où le sacrifice halal peut débuter.
Le moment de la détermination exacte de la date de la fête de l'Aïd reste quelque peu une contrainte elle aussi à anticiper par l'éleveur car cette date varie chaque année. C'est le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui l'annonce une dizaine de jours auparavant. Cette année 2015, la fête de l'Aïd-El-Adha devrait se situer le 24 septembre.
Armelle Lacôte
« Il faut respecter la loi ! » : délégué du CRCM en Savoie et par ailleurs vice-président de l’Union des mosquées de France, Ahmed Al Bahraoui le réaffirme bien volontiers : « La fête de l’Aïd-El-Adha est un moment très important pour la communauté musulmane mais elle engage de la part de tous le respect de la loi. Nous insistons beaucoup sur ce point, nous le répétons à la mosquée ». Le risque des abattages clandestins n’est pas totalement absent même si les choses, selon le délégué du CRCM, se sont bien améliorées depuis plusieurs années. « La communauté est davantage sensibilisée à cet aspect et aujourd’hui, dans le respect à la fois du culte, des lois et des règlements sanitaires, les choses ont évolué dans le bon sens », affirme Ahmed Al Bahraoui. La coordination avec les services de l’État fonctionne bien et elle participe à cette amélioration. En Savoie, l’abattoir de Chambéry, totalement restructuré et rénové depuis trois ans, apparaît comme un équipement de proximité important pour tout le département et toute sa population. « Nous avons d’ailleurs exposé oralement depuis peu auprès des services préfectoraux une demande afin qu’il soit possible de procéder plus régulièrement, dans l’année, à raison d’un ou plusieurs jours par semaine à des abattages halal à l’abattoir de Chambéry. Et le fait de pouvoir consommer de la viande locale nous importe beaucoup également », explique le délégué du CRCM.
Règles de l'abattage / La réglementation sur le commerce et l'abattage des ovins est stricte. La préfecture de la Drôme en rappelle les modalités.
Des prescriptions à respecter
Lors de l’Aïd, chaque famille musulmane cherche à se procurer un agneau sacrifié selon le rite. Cette fête traditionnelle est particulièrement suivie en France où vivent environ 5 millions de Musulmans mais le nombre de moutons tués à cette occasion est difficile à connaître. Le Conseil français du culte musulman avance celui de 135 000.
L'abattage des animaux ne peut avoir lieu que dans les abattoirs autorisés par la direction départementale de la protection des populations (DDPP). Il se déroulera sous le contrôle de ses agents qui assureront l’inspection de salubrité des carcasses et abats. En raison de la lutte préventive contre les encéphalopathies spongiformes transmissibles, la rate, l’intestin de tous les animaux ainsi que la tête et la moelle épinière de ceux de plus de douze mois seront enlevés pour être détruits. L’arrêté préfectoral n°2015-183-0004 stipule que seuls les éleveurs déclarés à la chambre d'agriculture sont autorisés à :
- détenir, vendre et acheter des bovins, ovins et caprins vivants ; - transporter ces animaux dans des conditions réglementées. Le transport d'animaux dans les coffres de voiture est interdit pour des raisons de bien-traitance animale. Les animaux retenus sur pied chez les éleveurs devront être acheminés par ces derniers ou par un transporteur habilité vers un abattoir. La préfecture de la Drôme souligne le caractère obligatoire de ces prescriptions « qui ne feront l'objet d'aucune tolérance ». Leur non-respect présente de nombreux risques en matière de santé publique et de protection animale et de l’environnement. Toute infraction à ces règles est passible de poursuites devant le tribunal. Les sanctions encourues sont de 750 euros d’amende pour le transport d'animaux en voiture particulière ou la cession d’un bovin, ovin ou caprin à un particulier. Pour l'abattage d'animal hors d'un abattoir dans des conditions illicites, la sanction est de 15 000 euros d’amende et six mois d’emprisonnement. Les services de l’État procéderont à des contrôles pour vérifier la bonne application de ces règles et le respect de l’organisation mise en place. Les représentants des différentes communautés musulmanes rappellent que les abattages des animaux peuvent se dérouler sur trois jours et conseillent aux populations de bien échelonner leurs abattages de façon à éviter les attentes trop longues qui seraient liées à un afflux massif le premier jour.
Contact : Direction départementale de la protection des populations 33, avenue de Romans - 26000 Valence (tél : 04 26 52 21 61).