Une filière veau rosé à l’étude

Un travail de longue haleine. Le sujet d'une filière « veau rosé » avait déjà été évoqué par Jean-Pierre Chevalier, ancien conseiller à la chambre d'agriculture de la Drôme, décédé brutalement l'automne dernier. En guise d'hommage, et surtout pour répondre à une demande des éleveurs, le dossier a été rouvert, avec l'aide d'Alicia Godet, ingénieure stagiaire. En présence de Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture, Guy Peran, élu chargé de la filière bovins viande, et Fanny Corbière, responsable de l'équipe élevage, les éleveurs ont pu prendre connaissance des différentes études réalisées mais aussi débattre sur l'intérêt de créer un cahier des charges commun sur l'élevage et la commercialisation du « veau rosé ». Mais comment définit-on un « veau rosé » ? Il faut savoir que la commission européenne fixe l'âge limite d'abattage à huit mois pour qu'une viande bovine puisse porter la dénomination « veau, viande de veau ». Aujourd'hui, la couleur de la viande est le seul critère permettant de distinguer un veau rosé d'une autre viande. Et de nombreux critères influent sur la couleur : âge de l'animal, alimentation du veau et de la mère, race et lignée, sexe, exercice physique. Le veau rosé est donc un veau ayant une viande rosée clair à rouge clair, abattu à moins de huit mois.
Un produit vaste dans la Drôme
Au sein de la Drôme ainsi qu'en Isère, une dizaine d'exploitations propose déjà du veau rosé. Le nombre exact de producteurs n'est pas chiffré, du fait du mode de commercialisation en circuit court (vente directe). En revanche, les races les plus couramment utilisées dans notre région sont l'aubrac et la limousine, connues pour leur qualité de viande mais aussi leur productivité et leur facilité d'élevage. En comparaison d'un broutard, le veau rosé présente de nombreux atouts : une production viable et rentable et pas seulement en termes de prix puisque la rotation se fait plus rapidement dans les exploitations, mais aussi un lien de proximité avec les consommateurs (vente à la ferme, vente directe en magasins de producteurs...). Avec le veau rosé, le produit est valorisé dans la région et non exporté.
Création d'un groupe de travail
Aujourd'hui, aucun itinéraire technique n'est défini et c'est ici l'axe de travail que souhaite mettre en place la chambre d'agriculture. Pour garantir un veau de qualité, les éleveurs intéressés par la production et la valorisation du produit devront se mettre d'accord sur un cahier des charges qui garantira qualité et constance. De là, l'idée de créer un groupe de travail entre éleveurs a émergé : une douzaine de professionnels, aptes à faire du « veau rosé » ou à transformer les broutards en veau rosé, se sont ainsi mobilisés pour structurer cette filière. Une prochaine réunion, d'ici le mois d'octobre, devrait permettre de fixer les grandes lignes du projet. Plus tard se poseront alors les questions de la création d'une marque ou d'un label. n
Amandine Priolet
Profil de viande / Recueillir l’avis des bouchers
Pour Benoît Planche, chargé de mission alimentaire à la chambre des métiers de l’artisanat de la Drôme et détaché à la fédération de la boucherie depuis 2017, le dossier s’avère intéressant à étudier et à partager auprès des professionnels du métier (la Drôme compte une centaine de boucheries, ndlr). « Un questionnaire à destination des artisans bouchers me semble être quelque chose d’incontournable à mettre en place pour ce profil de viande », soumettait-il. A quoi ont immédiatement répondu par la positive les différents responsables de la chambre d’agriculture, qui réfléchissent déjà à diverses animations autour du sujet, comme une dégustation, un déplacement dans l’Aveyron pour découvrir l’IGP veau de l’Aveyron et du Ségala... Avant de fixer le cahier des charges, l’avis des bouchers et leurs exigences en termes de qualité et de quantité est primordial.
Commercialisation / Bâtir une image positive
Les consommateurs français sont habitués à déguster une viande blanche, signe de qualité associé à une image du veau sous la mère. Pour les éleveurs, l’inquiétude vient alors du mode de commercialisation. La vente directe (en colis ou en magasin de producteurs) est la première source de revenus. En revanche, pour y parvenir, il faut non seulement se construire un réseau mais savoir également valoriser sa viande auprès du client. Dans le projet drômois, le souhait est de bâtir une image positive de cette production et d’axer la communication sur le fait que le veau court avec sa mère. Fanny Cordière, responsable de l’équipe élevage à la chambre d’agriculture, veut aujourd’hui s’assurer que les éleveurs bénéficient d’un circuit de commercialisation avant de se lancer dans la production et avant l’abattage des premiers veaux. Cela demande un gros travail de communication afin de pouvoir accueillir le client et lui expliquer le produit. Si ceci représente une tâche de longue haleine, c’est un bon retour sur investissement : grâce au contact direct avec le consommateur, les éleveurs ont un retour gratifiant sur leur travail.
Veau rosé / Deux IGP en France
En dehors des labels rouges et des marques commerciales, le veau rosé compte deux IGP (indications géographiques protégées) en France : le veau de l’Aveyron et du Ségala et « la Rosée des Pyrénées ». La première (IGP depuis 1996) est la plus connue puisque sa production remonte au 19e siècle sous une tradition particulière : engraissement important (170-250 kg), abattage plus tardif vers l’âge de dix mois, deux tétées dans la journée, complémentation en céréales et fourrages, pâturage en été. L’IGP Rosée des Pyrénées, quant à elle, est récente (2016) et valorise un élevage traditionnel et saisonnier. Les veaux sont abattus à la descente des estives. L’abattage est réalisé entre cinq et huit mois, pour un poids de carcasse de minimum 110 kg.