Une Fondation pour observer les micropolluants

La Fondation Rovaltain, à Alixan, diffuse des connaissances dans le domaine de la recherche en « santé environnement » via des colloques scientifiques (« Les scientifiques parlent aux scientifiques ») et des conférences s'adressant à un public plus large (« Les jeudis de la Fondation Rovaltain ») organisés une fois par mois. « Toxicologie environnementale et écotoxicologie : mais de quoi parle-t-on ? » était le thème de celle du 21 mai. Entre les deux, « la différence est très subtile », explique Wilfried Sanchez, docteur en écotoxicologie du Muséum national d'histoire naturelle et directeur général de la Fondation Rovaltain. Dans l'écotoxicologie, il y a une notion d'interactions au sein d'un écosystème. Elle ne s'intéresse pas à une seule espèce mais à un environnement complexe (une chaîne alimentaire, un sol, une mare...). Elle étudie comment un contaminant (chimique, physique ou biologique) peut altérer ses composantes. La toxicologie environnementale, elle, observe comment un polluant peut agir sur la santé d'un organisme (homme, animal, végétal, écosystème).
Des sujets posant questions
La conférence a traité des perturbateurs endocriniens, comme le bisphénol A, molécules pouvant interagir avec des systèmes hormonaux. Elles interfèrent avec des mécanismes permettant la vie et le maintien d'organismes dans leur milieu, notamment la reproduction. Peuvent être cités des phénomènes de féminisation de poissons observés en rivières et en mer, mais aussi de masculinisation. Les perturbateurs endocriniens et plus largement les polluants organiques ne touchent pas que des populations vivant dans des milieux à forte activité agricole ou industrielle. Ils peuvent se retrouver dans les endroits les plus reculés de la planète. Par exemple, des concentrations élevées de contaminants organiques ont été constatées dans des poissons de l'archipel des Kerguelen. Une étude scientifique montre qu'ils étaient autant voire plus contaminés que les poissons du Rhône en pleine période de crise des PCB. « Cela s'explique par la circulation atmosphériques des contaminants tout autour de la terre, indique Wilfried Sanchez. D'autres contaminants continuent à être découverts : médicaments, nanoparticules, plastiques... Ces sujets posent de vraies questions en termes d'effets et de conséquences sur la santé humaine et l'environnement. »
Un challenge
« L'utilisation des pesticides peut avoir des conséquences sur la santé humaine et les écosystèmes, même si des progrès sont faits depuis plusieurs années, constate Wilfried Sanchez. La disparition des abeilles est un sujet posant questions et sur lequel la Fondation peut s'investir, indique-t-il. L'agriculture n'est pas seule en cause, il y a d'autres facteurs, notamment les pesticides urbains ou encore les pathogènes. Il est important d'identifier la part de chaque composante pour mieux protéger les espèces. »
A propos des matières actives dangereuses utilisées en agriculture, il explique : « On n'a pas toujours suffisamment de connaissances pour s'assurer que les molécules susceptibles de les remplacer n'auront pas des effets plus néfastes ». Par exemple, le glyphosate (mis en avant pour remplacer l'atrazine) a été classé « cancérigène probable » voici quelques mois par l'Iarc (agence du cancer de l'organisation mondiale de la santé). Wilfried Sanchez ajoute : « Travailler sur la caractérisation des dangers de molécules anciennes mais aussi de molécules nouvelles pouvant être utilisées en substitution est un enjeu pour la toxicologie environnementale et l'écotoxicologie. L'acquisition de connaissances fiables est un vrai challenge. La recherche conduite à Rovaltain apportera des réponses. »
Annie Laurie
La prochaine conférence « Les jeudis de la Fondation Rovaltain », le 18 juin à 14 h 30, portera sur les contaminants et l'eau.
Plateforme scientifique / Soutenir la recherche en toxicologie environnementale et écotoxicologie, telle est la mission de la Fondation Rovaltain.
Mesurer les effets de contaminants
L'association pôle Ecotox a été créée en 2008 pour structurer un projet de plateforme de recherche en toxicologie environnementale et écotoxicologie. Cette plateforme unique en Europe est en cours de construction à côté de la gare Valence TGV à Rovaltain (livraison prévue en 2016). Les deux tiers environ des 13 500 mètres carrés de bâtiments seront occupés par des laboratoires et des chambres climatiques. A l'intérieur, seront conduites des expérimentations non pas à l'échelle de la paillasse ou du tube à essai mais sur plusieurs mètres cubes. Tous les paramètres environnementaux (température, hygrométrie, cycle jour-nuit...) seront maîtrisés afin de pouvoir mesurer les effets de contaminants introduits. Des contaminants pouvant être chimiques (pesticides, médicaments, nanoparticules, plastiques, hydrocarbures, PCB, produits de soin corporel...), mais aussi physiques (ondes, champs électromagnétiques, augmentation de température...) et biologiques (virus, bactéries, espèces invasives).Développer et diffuser des connaissancesL'ensemble est géré par deux structures : une société de droit privé chargée de l'exploitation du site (Rovaltain Research Company) et la Fondation Rovaltain. Cette dernière est une fondation de coopération scientifique (à but non lucratif et au service de l'intérêt général) chargée d'animer le projet dans sa globalité. Son rôle est de soutenir la recherche en « santé environnement ». Ceci, via deux leviers : le développement de connaissances relatives aux effets des polluants sur la santé humaine et les écosystèmes, ainsi que la diffusion de ces connaissances.
Lancé en février, le premier appel à projets de la Fondation a reçu 44 réponses, actuellement en cours d'évaluation. Les sujets sont diversifiés : contamination des sols et de l'eau par des produits phytosanitaires, nanoparticules, microplastiques, effets des médicaments sur les écosystèmes aquatiques... Dévoilés fin 2015, les projets retenus bénéficieront d'un financement de la Fondation Rovaltain.A.L.
