Une lutte collective contre les campagnols

Le 27 novembre, au cœur des vergers de la SARL Fauriel à Loriol-sur-Drôme, la fédération de lutte et de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) de la Drôme invitait les agriculteurs à une matinée d'information sur la problématique des campagnols. Catherine Prave, responsable technique de la Fredon Rhône-Alpes, en charge du dossier des campagnols, a présenté les derniers travaux effectués sur le développement de ce vertébré nuisible. Cette dernière a expliqué d'ailleurs que « les dégâts causés par cette espèce augmentent considérablement dans le Sud-Drôme, devenant un véritable fléau pour les agriculteurs. »
Trois sortes en Rhône-Alpes
Pourtant, la problématique n'est pas nouvelle : depuis une trentaine d'années, une pullulation de campagnols est connue en Franche-Comté. Sur notre territoire, c'est depuis le début des années 2000 que les dégâts sont visibles en montagne, notamment dans les Alpes et le Vercors. Peu à peu, l'espèce s'intensifie et gagne du terrain, attaquant désormais les plaines. « En Rhône-Alpes, nous avons une autre problématique, du fait de la présence des trois sortes de campagnols : terrestre, provençal et des champs, a ajouté la responsable. Bien souvent, les professionnels pensent qu'ils ont affaire à des taupes car les dégâts peuvent être semblables. C'est donc notre rôle d'informer car cela touche tous les agriculteurs, toutes les cultures, et pas seulement l'arboriculture. D'autant plus que c'est un travail de longue haleine car il faut combattre l'espèce avant même de la voir : c'est une lutte préventive, voire psychologique et surtout collective puisque les agriculteurs doivent se regrouper pour être efficaces. »
Les cultures fragilisées
En Drôme, le campagnol provençal continue son extension dans les vergers. Les arboriculteurs qui réalisent des comptages sur leurs parcelles sont alarmés par un taux d'occupation du rongeur qui grandit rapidement. Dans les parcelles de pommiers et d'abricotiers, il n'est pas rare de détecter de nombreux tumuli. L'indice de présence du campagnol des champs a même atteint 67 % dans une parcelle d'abricotiers ! Les multiples galeries autour du réseau racinaire accentuent ainsi la fragilité des arbres. En somme, il est nécessaire de trouver des moyens de lutte efficaces pour contrer la propagation de cette espèce. Des expérimentations sont en cours avec l'utilisation de produits tels que la glace carbonique, le tourteau de ricin (répulsif sur une petite surface) ou encore le phosphure de zinc. Il est impossible aujourd'hui d'en tirer les premiers enseignements.
Amandine Priolet
Campagnols / Période et zones à risque
Le risque s’étend sur toute la période de reproduction du campagnol, de mars à novembre. Il faut savoir qu’avec un couple qui se reproduit au printemps, ce sont plus de cent vingt campagnols à l’automne. Des chiffres assez inquiétants quand on sait qu’il peut y avoir jusqu’à 2 000 campagnols à l’hectare, et que ces « petites bêtes » mangent chaque jour l’équivalent de leurs poids. Certains facteurs favorisent d’ailleurs le développement des campagnols : la présence préalable de taupes ouvre la voie par l’intermédiaire des galeries, la présence de nourriture, notamment dans les surfaces enherbées avec une flore appétente (pissenlits, luzerne, trèfle), l’absence de prédateurs, un paysage agricole peu diversifié, etc.
Campagnols / Quels moyens de lutte aujourd’hui ?
Pour l’instant, seul un travail manuel permet une lutte raisonnée. Parmi les outils utilisés, les perchoirs et nichoirs qui accentuent la prédation par les rapaces. Le travail du sol (labour, hersage ou décompactage), la gestion du couvert végétal, l’alternance fauche et pâture ou encore le contrôle des taupes sont autant de solutions à mettre en place dès la détection des premiers foyers, voire même en prévention. L’installation de piégeages à guillotine (TopCat), bien que manuelle, permet aussi de contrôler le nombre de campagnols présents. Dès l’apparition des premiers tumuli, le quadrillage de la surface du terrier permet de piéger les occupants. Cela nécessite cependant un temps de travail important du fait du relevage régulier des pièges (minimum trois fois par jour). La méthode est efficace tant que les populations de campagnols ne sont pas trop importantes.
Autre outil efficace, le Rodenator, composé de propane et d’oxygène. Il permet de détruire les galeries et nichées de campagnols par le biais d’une détonation. L’onde de choc provoque la mort des nuisibles et l’effondrement des galeries.
L’efficacité des appâts en demi-teinte
Au niveau des appâts, la commercialisation du Ratron GL, disponible en France, ne semble pas suffire à réduire les nuisances causées par les campagnols. Catherine Prave a présenté l’efficacité moindre de ce produit : « Le Ratron GL Lentilles a 6 % d’efficacité, contre 31 % pour le Ratron GW Blé. En revanche, la Bromadiolone est à 68 % d’efficacité, ce qui reste le produit le plus rentable économiquement. » Mais le laboratoire produisant l’AMM Bromadiolone n’a pas déposé de dossier de renouvellement : « Il est fort possible qu’il n’existe plus d’ici la fin de l’année 2019. Après quoi, nous n’aurons plus rien pour lutter ». A savoir que la lutte par appâts empoisonnés à la bromadiolone est une lutte collective, réglementée par des arrêtés interministériel et préfectoral. Pour disposer de ce produit et pouvoir effectuer les traitements, le demandeur doit réaliser une évaluation du niveau d’infestation de sa parcelle au préalable.