Une meilleure valorisation pour les crémants français

Les crémants ont connu une croissance extraordinaire de 25 % en dix ans pour la production mondiale et de 30 % pour la consommation mondiale. L'Italie reste le premier pays producteur de bulles (mousseux et pétillants) avec 740 millions de bouteilles dont une forte pression du Prosecco. La France se classe en deuxième position avec 550 millions de bouteilles, dont 85 de crémant. D'autres pays connaissent une réelle évolution : le Brésil a vu sa production augmenter de + 230 % en quinze ans, tout comme l'Argentine avec + 180 %. Ces chiffres ont été donnés lors de l'assemblée générale de la fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémant (FNPEC), le 24 mai à Die. Le temps fort de cet après-midi de travaux a été l'intervention de Guénaël Revel, alias « Monsieur Bulles ». Enseignant, auteur et chroniqueur, il est à l'origine du « Guide Revel des champagnes et des autres bulles », le seul ouvrage en langue française consacré à tous les vins effervescents élaborés dans le monde. Riche de ses expériences à travers le globe, il a travaillé sur un sujet auquel les producteurs français doivent s'interroger : « Comment les crémants peuvent répondre au marché mondial des effervescents ? »
Des tarifs peu valorisants
En comparant le crémant aux autres mousseux produits dans le monde, Guénaël Revel a noté une différence considérable en termes de prix, ce qui ne valorise pas, de ce fait, les appellations françaises. Alors que le tarif moyen du crémant vendu en France est de 8 euros, celui du mousseux est d'environ 23 euros en Amérique du Nord. « On ne peut pas vendre un crémant français au même titre qu'un Prosecco, a-t-il expliqué. La valorisation du crémant passe aussi par des tarifs élevés et raisonnables. » Le Prosecco, justement, souffrirait d'un nom propre devenu commun, développé sur l'accessible, symbole de « pas cher ». L'identité négligeable dont ce vin mousseux jouit pourrait porter préjudice à la production italienne.
L'identité française, un atout majeur
En ce sens, Guénaël Revel interpelle les producteurs et élaborateurs de crémant en France sur l'identité de leurs vins : « Les appellations françaises de crémant sont les seules, jusqu'à ce jour, à pouvoir concrètement mettre en avant la notion de terroir. D'autre part, la signature France, ou les couleurs bleu-blanc-rouge, doivent être promues à l'étranger. C'est le terme France qui fait vendre à l'export ». Selon l'auteur, l'Australie, touché par une crise climatique et le Royaume-Uni, qui retire peu à peu le Prosecco de son marché, seraient les prochains pays étrangers à convaincre.
Amandine Priolet
Le crémant de Die, en bref
En appellation d’origine contrôlée (AOC) depuis 1993, le crémant de Die est un vin blanc brut effervescent. En 2018, la production s’étendait sur une cinquantaine d’hectares répartis sur 31 communes. Situé le long de la vallée de la Drôme, à plus de 400 mètres d’altitude, le vignoble a permis l’an passé de sortir 1 719 hectolitres des cuves. Plus de
201 000 cols ont été commercialisés par l’appellation, dont 8 % à l’export. Contrairement à la clairette de Die, vendue en grande partie dans les caves locales, le crémant de Die peine à se faire une place. Il représente une minorité des crémants élaborés en France parmi les huit régions de production autorisée. n
A. P.
Repères / Le crémant en France (chiffres 2018)
- Nombre d’AOC : 8 (Alsace, Bordeaux, Bourgogne, Die, Jura, Limoux, Loire et Savoie).
- Superficie en production : 11 722 hectares.
- Nombre de producteurs : plus de 6 000.
- Production annuelle : 874 820 hectolitres.
- Ventes : 83,6 millions de cols.
- Export : entre 20 et 50 % des ventes.
- Prix moyen par bouteille : 8 à 10 euros.
Le terme « crémant » protégé
L’expression « Crémant » ne peut être utilisée que pour les vins mousseux blancs ou rosés bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP ). Outre le fait d’être élaborés selon une méthode traditionnelle, ils doivent respecter les processus de production suivants :
- les raisins sont récoltés manuellement ;
- les vins sont issus de moûts obtenus par pressurage de raisins entiers ou éraflés. La quantité de moûts obtenue n’excède pas 100 litres pour 150 kilos de raisins ;
- la teneur maximale en anhydride sulfureux ne dépasse pas 150 mg/l ;
- la teneur en sucre est inférieure à 50 g/l.
Concurrence / Une victoire pour les producteurs de crémant
En 2011, les producteurs de crémant ont vu arriver trente-six cahiers des charges revendiquant des indications géographiques protégées (IGP) pour la production, l’élaboration et la commercialisation de vins effervescents. La FNPEC était alors montée au créneau pour prôner une ligne de conduite claire et tirer la qualité des effervescents vers le haut, ceci afin d’éviter de subir les assauts de la concurrence. Elle avait saisi le Conseil d’Etat, lequel a annulé trente-trois cahiers des charges. Mais les vins étaient toujours commercialisés. Après moult péripéties, le 5 mars dernier a marqué une victoire sans appel pour la fédération nationale avec une ordonnance du juge des référés de Lyon interdisant la commercialisation de vins effervescents sous IGP ne répondant pas au cahier des charges des effervescents. « Aujourd’hui, nous annonçons avec soulagement notre grande victoire. Cela fera désormais jurisprudence en cas de nouveaux dossiers similaires », a expliqué Olivier Sohler, le directeur de la FNPEC. Actuellement, cinq IGP validées et jugées conformes par le Conseil d’Etat peuvent commercialiser des vins effervescents.
A. P.
Concours national des crémants / Cinq médailles pour le crémant de Die
Plus de deux cents professionnels ont dégusté les 620 échantillons présentés au 28e concours national des crémants de France et du Luxembourg, le 24 mai dernier à Die, à l’occasion de l’assemblée générale de la FNPEC. Les représentants des huit régions françaises et du Luxembourg productrices et élaboratrices de crémant étaient présents.« Les échantillons sont dégustés dans les conditions optimales rares d’anonymat grâce au dispositif breveté par la fédération, gage du sérieux du concours, a expliqué Olivier Sohler, directeur de la FNPEC. La crème des crémants y est repérée et les vins primés deviennent une véritable référence. Il représente aussi un vecteur complémentaire de haute qualité du produit par l’esprit de concurrence qui règne entre les élaborateurs pour décrocher cette récompense. »
205 vins ont été médaillés : 115 ont obtenu l’or, 78 l’argent et 12 le bronze. L’AOC crémant de Die a obtenu quatre médailles d’or : la Cave de Die Jaillance avec les cuvées « Jaillance » et « Jaillance grande réserve » (millésime 2015), l’UJVR avec sa cuvée « Blanche de Chambéran », Jean-Claude Raspail avec sa cuvée « Elevé en fût de chêne » (millésime 2015). Enfin, le Domaine des Muttes (Aurel) a obtenu la médaille d’argent avec « L’Aurélien ».
A. P.
