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La truite d'Archiane

Une pisciculture dans un écrin de verdure

A Archiane, Fannie Romezin et Nicolas Vidal ?l?vent des truites, ombles chevaliers et cristivomers dans l'eau froide qui descend des hauts plateaux du Vercors. La production, qui est en partie transforme, est toute vendue en direct.
Une pisciculture dans un écrin de verdure

Die, Châtillon-en-Diois, Menée et là, dans ce village, une petite route part sur la gauche. Empruntons-là, elle mène à Archiane en longeant un petit ruisseau qui porte le même nom. Quelques kilomètres après, nous voici arrivés, la route ne va pas plus loin. Elle s'arrête au hameau d'Archiane, niché au creux du cirque du même nom, au pied des hauts plateaux du Vercors.
Juste au-dessous de ce petit bout du monde, dans un écrin de verdure, se trouve « la truite d'Archiane ». C'est le nom donné à la pisciculture créée par Geoffroy Romezin (fondateur également de l'élevage de truites installé chemin de Robinson à Valence). En 2001, il passe la main à Fannie, sa fille, qui s'installe après des études d'aquaculture (BTA). Aujourd'hui âgée de 31 ans et propriétaire des bassins, bâtiments et terres, elle exploite la pisciculture avec son mari, Nicolas, 33 ans. Originaire du Jura, celui-ci a épousé « la fille, le pays et le métier », comme il se plaît à le dire. Auparavant, il était salarié dans l'environnement industriel, puis dans un groupement d'employeurs au sein duquel il travaillait à mi-temps pour « la truite d'Archiane ». Actuellement, il finalise son parcours d'installation. Ses acquis d'expérience ont été validés en 2009 et son dossier est passé en CDOA (1) le 1er juillet dernier. Et le couple va prochainement constituer une EARL.

Des poissons non « poussés »

Nicolas Vidal et Fannie Romezin vont prochainement constituer une EARL.

Ensemble, ils élèvent des truites Arc-en-ciel et Fario, des ombles chevaliers et des cristivomers. Les bassins de la pisciculture sont alimentés par l'eau de l'Archiane. D'excellente qualité et froide (de 7 à 8° C toute l'année), cette eau descend tout droit des hauts plateaux du Vercors. Sa température étant basse, la croissance des poissons est lente. De ce fait, nos deux pisciculteurs produisent moins que d'autres. A Archiane, autour de deux ans et demi sont en général requis pour obtenir une truite « portion », c'est-à-dire pesant 250 grammes, et quatre ans pour un omble chevalier d'un bon kilo.
« L'intérêt de l'eau froide, c'est que les poissons ne sont pas poussés, explique Nicolas. L'inconvénient, c'est qu'ils sont chers à produire, plus même qu'en élevage biologique. Mais cela nous permet aussi d'élever de l'omble chevalier, le roi des poissons d'eau douce, qui vit en eau froide. Ce poisson est recherché car peu élevé en France. La pêche professionnelle n'en sort que 90 tonnes par an des lacs d'altitude alpins ou d'ailleurs. Quant au cristivomer, c'est un poisson originaire des lacs froids du Canada, qui croît aussi en eau froide. Il se distingue notamment par sa saveur et sa texture plus fondante que la truite en fumage. »
La pisciculture d'Archiane se conforme au cahier des charges de la marque « Truites et salmonidés du Vercors » depuis 2001 et, depuis août 2009, les poissons sont nourris avec un aliment compatible avec le cahier des charges de la production biologique. Les principaux critères de cette marque sont une oxygénation naturelle des bassins, une densité faible de poissons, un nourrissage à la main, un attrapage à l'épuisette, à la demande et au dernier moment. Les opérations de transformation sont également manuelles. Par ailleurs, un IBGN (2) réalisé sur l'Archiane en aval de la pisciculture a permis d'attester l'excellente qualité de l'eau. « Cela signifie que notre élevage influe peu sur le milieu naturel », fait remarquer Nicolas.

Un atelier de transformation

Dans la salle dite « propre » de l'atelier de transformation de « la truite d'Archiane », Nicolas lève les filets d'un poisson, avant de les parer et les désarêter. Fannie et Nicolas ont choisi de se doter d'un atelier de transformation pour apporter de la valeur à leurs produits, plutôt que d' élever plus de poissons. Aussi, un bâtiment a-t-il été construit au-dessus des bassins piscicoles, l'an passé. L'étage, d'où l'on a une vue d'ensemble sur l'élevage, devrait accueillir un local de vente et un bureau. Le rez-de-chaussée est occupé par un atelier de 55 mètres carrés, qui est opérationnel depuis novembre. Il comprend, entre autres, une salle dite « sale » pour l'éviscération et le nettoyage du matériel et une salle dite « propre » où les filets sont levés, désarêtés, salés, dessalés? Le fumage a lieu dans une autre pièce. L'atelier comporte aussi deux chambres froides, l'une dédiée aux produits en cours d'élaboration et l'autre aux produits finis. Le coût de cette réalisation s'élève à 200 000 euros. Fannie et Nicolas ont obtenu un accord de principe pour une aide du fonds européen de la pêche. Et ils devraient percevoir une aide via la Draaf, correspondant à 25 % des investissements éligibles de la partie atelier.


Côté commercialisation, Fannie et Nicolas vendent toute leur production en direct à des restaurants en Drôme, Ardèche, Haute-Loire (à Saint-Bonnet-le-Froid) et Isère (à Vienne). Ils les livrent en poissons vivants ou morts (éviscérés ou non). Ils comptent parmi leurs clients plusieurs chefs étoilés. Par ailleurs, ils vendent sur les marchés de Châtillon-en-Diois le vendredi et de Die le samedi ainsi qu'au sein du point de vente collectif de Saint-Martin-en-Vercors ouvert pour cet été. Ce point de vente est géré par la SARL « La griffe paysanne », dont ils font partie depuis sa création en 2009. En outre, des clients viennent directement s'approvisionner à « La truite d'Archiane ».
Ajoutons que Fannie et Nicolas sont en train d'étoffer leur gamme avec une terrine de truites et, prochainement, de la soupe de truites dont la fabrication sera effectuée par une petite entreprise spécialisée.

A.L.

(1) CDOA : commission départementale d'orientation agricole.
(2) IBGN : indice biologique global normalisé.

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Repères
La pisciculture d'Archiane


- 1 000 mètres carrés de bassins d'élevage (16) et d'alevinage.
- Elevage de truites Arc-en-ciel et Faro, ombles chevaliers et cristivomers.
- Un atelier de transformation de 55 mètres carrés.
- Entre 8 et 10 tonnes de poissons commercialisés annuellement.
- Produits élaborés : truites fumées, rillettes et terrines.
- Débouchés : des restaurateurs, deux marchés, un point de vente collectif et vente sur place.
- 70 000 euros de chiffre d'affaires en 2009.
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L'élevage
De l'œuf au gros poisson

Dans la salle dite « sale » de l'atelier de transformation de « la truite d'Archiane », Fannie lave les poissons, après les avoir éviscérés.

Fannie Romezin et Nicolas Vidal achètent des œufs de truites Arc-en-ciel dans l'Isère (à Beaufort) et de truite Fario, d'omble chevalier ainsi que de cristivomers dans les Pyrénées (à Cauterets). Ils font éclore les œufs et élèvent les poissons jusqu'à la taille voulue. « Fin décembre, nous avons mis 50 000 œufs d'ombles chevaliers dans nos bassins, explique Nicolas. Cela représente un investissement de 1 650 euros (33 euros les 1 000 œufs). »
Ces œufs sont déposés dans des clayettes, à l'abri du soleil. A leur naissance, les poissons vivent quelque temps grâce à leur vésicule vitteline (poche nourricière). Fannie et Nicolas commencent à les nourrir lorsque cette vésicule est complètement résorbée. Ils leur distribuent un aliment composé de farine de poisson (dans une proportion de 50 %), d'huile de poisson ainsi que, selon l'arrivage, de blé, pois, tourteau de soja non OGM et même parfois de riz. Quel que soit l'âge des poissons, la base de l'alimentation est identique, seule la granulométrie varie (de moins d'un millimètre de diamètre jusqu'à sept). Pour une vitesse de croissance optimale, le nourrissage est régulier (une fois par jour). Dans les bassins des juvéniles, des nourrisseurs remplis quotidiennement restituent l'aliment tout au long de la journée. Ceci, pour plus d'efficacité car les petits poissons ne mangent pas les granulés tombés au fond de l'eau. La consommation annuelle d'aliment de la pisciculture d'Archiane avoisine, habituellement, les 25 tonnes.
De tous les poissons qu'il côtoie, Nicolas estime que la truite Arc-en-ciel est la plus facile à élever car la moins farouche et sensible au stress. L'omble chevalier, lui, a besoin d'eau froide et ne supporte aucun stress pendant la période de reproduction. Il doit être abrité du soleil, les séparations et baisses de niveau d'eau des bassins sont à éviter?
En termes de protection sanitaire, la pisciculture d'Archiane ne recourt pas aux antibiotiques. Seule une désinfection à base d'eau oxygénée à dose réduite est pratiquée une à deux fois par semaine pendant la période de reproduction. La vigilance s'impose donc. En outre, un suivi sanitaire est régulièrement assuré vis-à-vis de deux maladies graves et craintes par les pisciculteurs : la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI) et la septicémie hémorragique virale. La pisciculture a dernièrement obtenu le statut « indemne » sur données historiques.
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Truite transformée
Des filets fumés, rillettes, terrines?

Les filets fumés
Pour les truites fumées, les filets sont levés, parés, désarêtés et salés. Le salage est destiné à extraire l'eau et assainir les filets (éviter le développement de bactéries). Sa durée varie en fonction du poids des filets et du sel utilisé. Plus tard, ils seront lavés pour ôter l'excédent de sel puis mis à sécher. Une fois sec, ils seront placés dans le fumoir pour un temps qui dépendra de leur épaisseur. Avant d'être entreposés en chambre froide en attendant leur vente, ils seront emballés sous vide et étiquetés.
Les rillettes
Pour les rillettes, les truites sont pochées dans un bouillon. Elles sont ensuite moulinées, mélangées avec de la crème, des herbes (ciboulette ou aneth), du sel et du poivre.
Les terrines
Pour les terrines (cuites au bain-marie), les filets sont également moulinés et additionnés d'oignons revenus dans du beurre, de carottes, petits pois, sel et poivre.
La gamme va, sous peu, s'enrichir de verrines qui, du fait de leur plus longue conservation, apporteront un peu de souplesse dans la gestion de la production.

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