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Agriculture de précision

Une solution de drone simple et rapide pour mieux connaître les cultures

La solution exo.expert est basée sur un drone, une application et une formation de pilote pour améliorer la précision et la rapidité des diagnostics d'expertise des aléas climatiques sur les cultures, estimer précisément des unités à l'hectare ou détecter des maladies, des manques d'azote ou d'eau sur une culture.
Une solution de drone simple et rapide pour mieux connaître les cultures

«Mon objectif chez Groupama Rhône-Alpes-Auvergne est de rendre l'assurance récolte la plus accessible possible en termes de coût pour les agriculteurs régulièrement victimes d'aléas climatiques, explique Philippe Vayssac, responsable innovation au sein de la caisse régionale d'assurance. S'il y a plus d'agriculteurs assurés, que les expertises des sinistres climatiques sur récolte sont plus précises, on peut mieux maîtriser les cotisations d'assurance et ainsi étendre la sécurité offerte par l'assurance à plus d'agriculteurs. »
Pour y arriver, il accompagne en 2016, pendant un mois, des experts agricoles sur le terrain pour comprendre comment ils travaillaient et identifier ce qui leur pose des difficultés au quotidien. « J'ai appliqué le design thinking (voir ci-contre), une méthode d'innovation qui invite, dans la première phase de la méthode, à s'immerger avec empathie avec les acteurs pour rechercher de vrais problèmes », indique Philippe Vayssac. Grâce à cette immersion, il constate que l'estimation des surfaces concernées par les sinistres climatiques est difficile : elle pourrait être plus précise, elle consomme beaucoup de temps et génère de possibles désaccords entre agriculteurs et experts agricoles missionnés provoquant mécontentement et insatisfaction. Après plusieurs mois de travail, il met au point exo.expert, une solution qui permet de programmer un drone pour qu'il photographie l'intégralité d'un champ en effectuant un vol complétement autonome à partir d'une tablette. Après ce vol, l'expert d'assurance va « coudre » les photos récoltées, grâce à l'application exo.expert, sur une simple tablette (iPad) sans avoir besoin de connexion à internet. Une carte de parcelle et des sinistres est générée en 5 minutes. Reste à l'expert à déterminer les zones concernées par les sinistres et la superficie totale concernée est automatiquement calculée. « En payant le juste prix des sinistres climatiques sur les récoltes, nous pouvons maîtriser le prix des cotisations et ainsi rendre cette assurance plus accessible pour les agriculteurs », souligne Philippe Vayssac, qui enseigne l'innovation dans l'université Groupama et dans trois écoles de Lyon, l'EMLyon business school, IAE Lyon 3 school of management et l'École Centrale de Lyon. Pour Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, en 2018, l'enjeu de l'assurance récolte représente 13 millions d'euros en indemnisation. Au niveau du Groupe Groupama en France, ce chiffre atteint les 187 millions d'euros.

Prototypage et retour des utilisateurs

Le dispositif innovant exo.expert, mis au point par Philippe Vayssac et son équipe au sein de la cellule innovation de Groupama Rhône-Alpes Auvergne, est basé sur un drone, une application et une formation.

Pour arriver à ce résultat, il a fallu passer par différentes phases. Après les phases d'immersion-empathie, puis de définition du problème et de recherche d'idées innovantes, l'utilisation d'un drone associé à une application d'analyse d'image s'est rapidement imposée. « Nous avons ensuite travaillé à créer plusieurs prototypes rapidement. Pour cela, un drone du commerce a été acheté doté d'un appareil photo que nous avons modifié (« hacké ») pour lui permettre de prendre des photos à la verticale. Nous avons créé une pseudo-application (« un mockup ») pour illustrer ce que l'on imaginait de notre solution et nous avons présenté ce prototype drone et tablette à des experts agricoles et à des agriculteurs dans leurs parcelles », détaille Philippe Vayssac. « Les retours, dans cette phase de prototype, ont été très enthousiastes et riches de propositions pour améliorer l'ensemble. » C'est comme cela qu'a commencé l'aventure d'exo.expert dont le lancement commercial a été opéré en avril 2017 pour sa première application d'estimation des dégâts des sinistres climatiques. La solution est depuis commercialisée directement auprès des experts agricoles indépendants dans notre caisse, ou interne dans d'autres caisses, grâce à un partenariat entre Groupama, la start-up Squadrone system, une entreprise américaine DroneDeploy et l'entreprise lyonnaise de matériel informatique LDLC Pro.

Une solution évolutive pour une agriculture de précision

Parmi les nouvelles fonctionnalités innovantes en préparation pour exo.expert, la génération de carte de la biomasse et de carte des besoins azotés en quinze minutes, directement après un vol de drone et sans besoin de connexion Internet.

Depuis sa commercialisation auprès des experts agricoles, la solution évolue et s'enrichit de nouvelles fonctionnalités séduisant ainsi directement les agriculteurs ou les centres de recherche dans l'agriculture (SENuRA ...). « En appliquant continuellement la méthode du design thinking et les principes de l'effectuation nous avons aujourd'hui une solution simple et rapide qui fonctionne sans connexion Internet pour compter précisément les densités des cultures en un seul passage ou calculer la biomasse d'une parcelle ou connaître la santé d'une culture (son besoin en azote ou ses déficits en eau), continue le responsable innovation. Un kit complet comprenant la formation pour réussir le brevet de drone est proposé. Nous, la cellule innovation de Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, travaillons actuellement sur l'utilisation d'optiques différentes multispectrales pour générer de nouvelles cartographies sur la santé et les besoins des cultures. L'objectif est de générer des cartes d'aide à la décision pour les agriculteurs disponibles en quelques minutes directement sur la parcelle, sur une tablette, sans connexion internet. »

Camille Peyrache

Le site : https://exo.expert/

 

Comprendre / Derrière l’innovation mise au point par la cellule innovation de Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, il y a des principes et des méthodes utilisées par les entreprises les plus innovantes : le design thinking et l’effectuation.

Quelles sont les recettes d’un processus d’innovation ?

Pour créer un nouveau produit et/ou service, il existe certaines méthodes et des principes très efficaces utilisés par les entreprises les plus innovantes. Au sein de la cellule innovation de Groupama Auvergne-Rhône-Alpes, les maîtres-mots sont "effectuation" et "design thinking". Derrière le terme d’effectuation, il y a un « modèle mental » utilisé par de nombreux entrepreneurs lors du démarrage de leur entreprise et décrit par une chercheuse américaine,
Dr. Saras Sarasvathy, une spécialiste de la cognition. L’effectuation propose une façon de garder le contrôle dans un environnement qui est de nature imprévisible. C’est un cadre de pensée, un art de trouver, de découvrir, de faire ce qui est possible de faire et, au final, une façon de créer de nouveaux produits et services… ou de changer une organisation. L’effectuation repose sur cinq principes. D’abord, partir des moyens dont on dispose (« le Frigo »), de ses compétences et de son réseau d’acteurs, ensuite, de fixer une « perte acceptable » en délai et en moyens, puis de tisser des partenariats (« le patchwork fou ») tout au long du projet pour aller chercher de nouvelles ressources, de nouvelles parties prenantes. Quatrième principes, les innovateurs utilisent toutes les surprises, bonnes ou mauvaises, à leur avantage (« la limonade »).
Et dernière étape, ils ne cherchent pas à prédire le futur, mais à créer le futur en étant toujours proactif (comme un « pilote dans l’avion »). « Pour que ce cadre de travail fonctionne, il faut que l’équipe projet applique les principes de décentralisation, c’est-à-dire que celui qui met en œuvre est celui qui décide, et celui qui décide est celui qui met en œuvre, poursuit Philippe Vayssac. L’effectuation, c’est travailler avec processus itératif, par petites touches et accepter que le projet de départ puisse être modifié, parfois profondément. Pour changer le monde, c’est trois idées : commencer petit, faire local et commencer maintenant. »
Une méthode : le "design thinking"
Parallèlement à l’effectuation, Philippe Vayssac et la cellule innovation utilise le "design thinking", une méthodologie pour créer des projets innovants définis dans les années 1980 par l’université Stanford au cœur de la Silicon Valley en Californie. Plutôt qu’un processus linéaire, le design thinking est un processus itératif et collaboratif permettant d’apprendre des autres par l’immersion de prototype. Il comporte cinq phases : « l’immersion-empathie » pour la recherche de vrais problèmes, « la définition » du problème à résoudre, la production d’idées innovantes (« l’idéation »), « le prototypage » des solutions imaginées collectivement et « le test » permettant de vérifier la viabilité de l’innovation. « Avant de créer exo.expert, nous ne savions pas ce que nous allions faire de façon précise et sur quoi, précisément, cela allait déboucher. Le design thinking permet de créer quelque chose de nouveau, d’utile pour les utilisateurs en court-circuitant les pensées limitantes et les cadres existants de l’équipe projet », décrit Philippe Vayssac.
CP