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INITIATIVE

Une start-up relance les commerces multi-services dans les villages

La start-up Comptoir de campagne a déjà créé quatorze commerces multi-services dans des villages de Rhône-Alpes et Bourgogne et bientôt en Drôme. Son ambition : résorber la fracture territoriale en proposant un modèle économique qui se veut viable et durable. 

Une start-up relance les commerces multi-services dans les villages
Au « Comptoir de campagne » de Sainte-Blandine (38), on peut tout trouver, ou presque. Des produits d'alimentation quotidienne, du pain, des cigarettes, du gaz, des cartes à gratter. Et même des pizzas. © I.Brenguier

Voir rouvrir un commerce de proximité dans leur commune est certainement le souhait de nombreux élus ruraux. Mais trouver un candidat prêt à se lancer dans la création d’une épicerie, d’une boulangerie ou d’un bistrot reste un défi difficile à relever. Pourtant des réponses existent. C’est ce que souhaite démontrer la toute jeune société Comptoir de campagne. Depuis 2016, elle a ouvert quatorze commerces d’un nouveau genre dans la Loire, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Isère, Rhône, Savoie et bientôt Drôme. La start-up, basée à Villeurbanne (69), affiche trois ambitions : ramener des services de proximité dans les villages ; valoriser la production locale et artisanale tout en promouvant un mode de consommation plus durable ; enfin, créer du lien social.

Priorité aux produits locaux

« Le principe, c’est d’additionner les modèles économiques pour en créer un qui soit viable, explique Virginie Hils, présidente et fondatrice de Comptoir de campagne. Nous équilibrons grâce aux partenariats avec La Poste, la Française des jeux... La partie bistrot est aussi un élément clé avec une marge importante. » Selon les besoins locaux, Comptoir de campagne propose également des locations de salle pour des professionnels tels qu’ostéopathe, esthéticienne, coiffeuse…

Côté épicerie, la priorité est donnée aux produits locaux. « Mais nous savons que s’approvisionner en circuits courts n’est pas toujours évident pour un commerce. C’est pourquoi nous avons mis en place une organisation par territoire, avec un chef de produit, salarié de Comptoir de campagne qui, en lien avec les producteurs et artisans, constitue le catalogue de produits et services », commente Virginie Hils. La start-up cherche également à optimiser la logistique. « Les producteurs peuvent par exemple livrer sur un seul site et ensuite nous répartissons les produits, illustre la jeune femme. Aujourd’hui dans nos magasins, 80 à 85 % du chiffre d’affaires est réalisé avec des produits locaux ou localisés, c’est-à-dire que nous connaissons leurs origines et leur mode de production.»

Appel à candidatures jusqu’au 30 juin 

Treize des quatorze comptoirs de campagne déjà ouverts sont gérés en propre par la start-up qui salarie les gérants. L’objectif à présent est d’en développer de nouveaux sous forme de franchise. Forte de son expérience, la société veut aider des commerçants à se lancer de façon indépendante. « Dans ce type de commerce de proximité, il faut créer un lien fort avec le client. On y met son âme, son identité. Il est important d’être son propre patron », insiste la fondatrice. En face, il faut également des élus motivés pour porter un tel projet et mettre à disposition des locaux fonctionnels pour un commerce multi-services. C’est pourquoi un appel à candidatures a été lancé jusqu’au 30 juin en Drôme, Isère et Savoie. Il s’adresse à la fois aux élus et porteurs de projet et cible des communes de plus de 700 habitants disposant d’une zone de chalandise de 2 000 habitants. « L’emplacement du futur comptoir est également stratégique, à la fois accessible à pied depuis le centre du village mais garantissant également un flux de véhicules », résume Virginie Hils. La start-up s’engage à accompagner les communes dans l’étude de marché, l’organisation de réunions publiques avec la population pour adapter l’offre aux besoins… Les futurs franchisés bénéficient, eux, d’une formation de quatre semaines dans des comptoirs existants. Une fois ouvert, le magasin est inspecté une fois par mois pour vérifier le respect du « manuel de savoir-faire Comptoir de campagne ». 

Sophie Sabot

En Drôme

Ouverture à Charpey en 2023

En Drôme, un projet est sur les rails à Charpey, commune de 1 600 habitants, près de Chabeuil.

Charpey avait vu son dernier commerce fermer en 2015. La maire, Lydie Veisseix, élue en 2020, a fait de la réouverture d’un commerce une de ses priorités. Accompagnés par Comptoir de campagne, les élus projettent l’ouverture d’un multi-services au printemps 2023. Dans un local de 200 m² (100 m² déjà existants et 100 m² d’extension), sont prévus un espace épicerie et services, un espace bistrot et petite restauration ainsi qu’une salle, sur réservation, pour des rendez-vous professionnels. La sélection des candidats pour la gestion de ce commerce multi-services sous franchise “Comptoir de campagne“ est en cours. Ailleurs en Drôme, des élus ont planché sur un projet similaire. Mais l’un d’entre eux confie être déçu de l’avancée de la réflexion, d’abord en ce qui concerne l’obligation de franchise « alors qu’au départ il était question d’un gérant salarié », assure-t-il. Ensuite sur les prix pratiqués sur les produits alimentaires par l’enseigne. Rien ne justifie selon lui que les clients payent plus cher parce qu’ils sont éloignés des autres commerces.

S.S.

TÉMOIGNAGE

Comptoir de campagne, véritable lieu de vie

En peu de temps, le « Comptoir de campagne » de Sainte-Blandine, en Isère, s'est imposé comme commerce multi-services et lieu de vie. 

Comptoir de campagne, véritable lieu de vie
Virginie Feltrin, la responsable du magasin, salariée de l'enseigne, se réjouit d'avoir quitté Grenoble pour venir travailler au « Comptoir » de Sainte-Blandine. © I. Brenguier

Installé en plein cœur du village de Sainte-Blandine, juste derrière l'église et la mairie, l'enseigne « Comptoir de campagne » a trouvé sa place et son public. Preuve en est, le nombre de clients qui s'enchaînent en ce jeudi après-midi du mois de mai. Qui pour un café. Qui pour des jeux à gratter. Qui pour du jambon et du fromage. Qui pour de la viande du producteur de la commune... On peut tout trouver, ou presque. Des produits d'alimentation quotidienne issus des exploitations environnantes, du pain en provenance directe d'une boulangerie de La Tour-du-Pin, des cigarettes, du gaz, des cartes à gratter de la Française des jeux. Et même des pizzas artisanales cuites sur place. Sans oublier l’accès à différents services tels qu'une cordonnerie, un pressing, une serrurerie, un relais colis. Dans la commune qui a vu fermer sa petite épicerie il y a plus de quinze ans, le commerce est vite devenu indispensable.

Clientèle diversifiée

Le « Comptoir de campagne » est plus qu'un commerce multi-services pour la petite commune rurale de 1 000 habitants. Depuis qu'il a ouvert ses portes en novembre 2019, Sainte-Blandine dispose à nouveau d'un lieu de vie où les habitants peuvent se retrouver pour boire un café, casser une petite croûte, assister à un concert ou participer à une « rencontre producteurs », ces manifestations que Virginie Feltrin, la responsable du magasin, salariée de l'enseigne, organise quand elle met en vente un nouveau produit. « Notre clientèle est très diversifiée. Nous avons tous les âges et tous les profils. C'est vraiment sympa », reconnaît Virginie Feltrin, qui a quitté son travail de manager dans une chaîne de fast-food et sa vie grenobloise pour travailler - et vivre - en milieu rural, séduite par le concept des « Comptoirs de campagne ». « Nous collaborons beaucoup avec les associations de Sainte-Blandine. Elles jouent le jeu en nous faisant travailler. Nous jouons le jeu en rognant sur notre marge pour réduire nos tarifs », indique la jeune femme.

Grâce à ses larges horaires d'ouverture (le commerce est ouvert jusqu'à 21 heures le vendredi et le samedi soir) et ses espaces d'accueil à l'intérieur et à l’extérieur, le lieu a rapidement conquis ses clients. « Je crois que nous avons joué un rôle important pour les habitants du village pendant les confinements. Même si cela ne faisait pas partie de nos attributions, nous avons livré des personnes qui ne pouvaient pas ou ne souhaitaient pas venir dans le magasin. Ainsi, nous avons fidélisé notre clientèle... et tissé des liens.»

Isabelle Brenguier