Université du vin de Suze : un riche avenir se profile

Dans le cadre de son quarantième anniversaire, l'Université du vin de Suze-la-Rousse a organisé trois tables rondes réunissant des intervenants de tous les métiers de la filière, dont d'anciens élèves exerçant dans toute la France à des niveaux de responsabilité élevés. Ils ont débattu de l'avenir du métier de vigneron et plus largement de celui de la filière. L'Université du vin pourra s'appuyer sur cette prospective pour bâtir, adapter ses programmes de formation de demain afin de répondre aux défis que la modernisation, les nouvelles technologies et la mondialisation vont générer.
Métiers et compétences de demain
Une table ronde a fait le point sur les métiers de la production viticole et leur évolution. D'une part, grâce à la technicité et la miniaturisation des matériels techniques, de nouvelles données peuvent être acquises. Mais encore faut-il les analyser. D'autre part, on voit le bout du système actuel de production. Pour le vigneron ou le metteur en marché, la réduction des intrants, la valeur environnementale impliquent une modification des savoirs sur le développement durable. Jérôme Quiot, président de l'Université du vin, a noté qu'avec l'évolution rapide des techniques, le vigneron se doit de bien formuler ses besoins quand il fait appel à des conseils extérieurs. La robotisation des travaux (labour, taille...) demande une technicité élevée. Les œnologues doivent devenir des « arlequins de la compétence » (Michel Blanc) et se servir des savoirs d'autres métiers (parfumeur, par exemple) pour rendre toujours plus de services au vigneron. La sécurité alimentaire, la lutte contre les maladies et insectes demandent de plus en plus de techniques et de connaissances.
Stratégies et management d'entreprise
Pour les conseils en entreprise, la notion de durabilité sera de plus en plus importante. Il faudra produire propre. Mais la demande de formation des vignerons reste faible. Or, comme en sport, on doit s'entraîner tout le temps, se former toute sa vie professionnelle car rien n'est jamais acquis, les connaissances et les techniques évoluent. Les vignerons doivent s'en convaincre. Il ne peuvent avoir toutes les compétences mais la formation est une réponse, l'appel à des prestataires extérieurs une autre. Encore faut-il, comme l'a fait remarquer Jérôme Quiot, bien informer les structures extérieures consultées des problèmes exacts et sincères pour obtenir une réponse adaptée et efficace. La transmission des entreprises, elle, est un réel problème à aborder le plus tôt possible car le risque et le coût deviennent considérables. Pour Jean-Pierre Durand, du Groupe Advini, créer de la valeur nécessite de comprendre les différentes cultures. Former les employés de la vente à toutes les techniques (exemple : analyse sensorielle) est aussi nécessaire car la dimension internationale et le modèle capitalistique demandent une adaptation permanente. C'est la condition pour que la viticulture française reste rentable et perdure.
Approche du marché
Pour James Fuselier, directeur marketing du Cellier des Dauphins, « des changements extraordinaires des bases de consommateurs vont avoir lieu (âge, nationalité) avec de nouveaux pays comme la Chine. Il faut découvrir leurs mentalités, goûts, habitudes de consommation. Il faut faire évoluer l'offre pour avoir du succès, appréhender les nouveaux outils de connaissance, se servir des réseaux sociaux, servir tous les marchés des grands distributeurs aux produits de niche ».
Il faut en outre être efficace dans l'innovation. Se servir des technologies existantes mais aussi conserver son libre arbitre, connaître son positionnement pour la création de valeur, toujours garder un bon prix. La demande s'atomise. Mais n'est-ce pas là le futur du vin ? Le digital fluidifie la logistique et la vente. De nouvelles niches se créent. Il faut se former pour répondre, regrouper les forces pour commercialiser. Le sommelier voit aussi son métier évoluer avec les nouvelles technologies mais doit rester créateur d'émotion, raconteur et metteur en scène de l'histoire et du vin.
Michel Bernard, président du cluster œnotourisme d'Atout France, a indiqué la direction prise par l'œnotourisme en France. Une nouvelle phase s'ouvre dans l'approche et la connaissance des attentes des consommateurs. Il faut améliorer la formation, être plus professionnel, meilleur en langue (anglais), dans le digital. Il a annoncé la création d'une chaire nationale d'œnotourisme dans laquelle l'Université du vin aura sa part. Ont également été évoqués les métiers émergents comme la cyber sécurité ou l'analyse des données (Data). Faisant la synthèse des tables rondes, la directrice l'Université, Géraldine Gossot, a mis l'accent sur les besoins de formation auxquels se devra de répondre cet établissement d'enseignement.
Université du vin / L’une des fiertés de la Drôme
L’Université du vin de Suze-la-Rousse est l’une des fiertés de la Drôme pour sa réussite et son rayonnement international. Elle a formé près de 30 000 élèves en 40 ans. Un anniversaire fêté en présence d’anciens élèves, de professeurs, d’élus et de représentants de la filière (vignerons, responsables d’organismes, de syndicats ou d’entreprises). Y assistaient entre autres deux anciens présidents d’Inter Rhône (l’interprofession), Jérôme Quiot et Michel Bernard, le directeur actuel, Eric Rosaz, des membres fondateurs, François Boschi et Patrick Galant (directeur de l’Université du vin de 1978 à 2008), les conseillers départementaux Fabien Limonta et Renée Payan (directrice de l’Université de 2008 à 2016) et la présidente du Département, Marie-Pierre Mouton.
Un pari réussi
En ouverture, le président de l’Université du vin, Jérôme Quiot, a rendu hommage à Jacques Mesnier (récemment disparu), le président fondateur de cet établissement créé en 1978. A l’époque, c’était un énorme pari. Il y a eu des hauts, des bas, un passage critique voici quelques années puis une renaissance. C’est un pari réussi et prometteur d’avenir. Aujourd’hui, l’Université du vin est toujours là, a souligné sa directrice actuelle, Géraldine Gossot. Elle est unique en France avec sa richesse de formations pour toute la filière et fière des valeurs de discernement, de partage et d’excellence qu’elle véhicule. Et Marie-Pierre Mouton a dit tout le bien qu’elle pensait de l’Université du vin.
Ce jour-là aussi, le livre anniversaire des 40 ans a été présenté par ses auteurs, Renée Payan et Philippe Froment. Puis a été projeté le film « J’ai fait Suze », rassemblant les témoignages d’anciens élèves. Enfin, la partie au château s’est terminée par la remise de prix de reconnaissance de l’Université à des amis de Suze, sommelier, professeur, universitaire et directeurs, animée gaiement par le comédien François-Xavier Demaison, grand amateur de vin.
Nécrologie : Jérôme Quiot s'est éteint
Jérôme Quiot est décédé subitement le 25 novembre à l'âge de 67 ans, soit peu de jours après le quarantième anniversaire de l'Université du vin de Suze-la-Rousse, dont il était le président depuis 2002. C'était une figure du monde vitivinicole : il a été président de la fédération des syndicats de producteurs de Châteauneuf-du-Pape (de 1985 à 1994), du syndicat général des vignerons réunis des Côtes-du-Rhône (de 1987 à 1994), de la fédération des AOC du Sud-Est (de 1989 à 1996), de la confédération nationale des appellations d’origine contrôlée (la Cnaoc, de 1992 à 1994), du comité national des vins à l’institut national des appellations d’origine (l'Inao, de 1994 à 2000), d’Inter Rhône (de 1996 à 2002) et du comité national des interprofessions de vins à appellations d’origine (le Cniv, de 2002 à 2005).
« Avec la disparition de Jérôme Quiot, la viticulture des Côtes-du-Rhône se retrouve orpheline d’un de ses pères emblématiques, déclare Philippe Pellaton, le président actuel du syndicat général des vignerons des Côtes-du-Rhône. L’ambition qu’il portait au quotidien pour sa région, ses vignerons et ses vins nous a permis d’accéder à une reconnaissance nationale. » Il ajoute : « C'était un travailleur acharné, précis dans ses dossiers, clairvoyant et orateur hors pair ».
Dès son élection à la présidence du Syndicat général, explique-t-on au sein de celui-ci, « il a su fédérer les énergies et porter haut et fort les Côtes du Rhône, à un moment où l’unité syndicale était encore fragile après des années de scission. Doté d’une capacité de travail exceptionnelle, il maîtrisait parfaitement ses dossiers tout en sachant se mettre à la portée des vignerons ». Francis Fabre, qui a été directeur de ce syndicat pendant sa mandature, se rappelle : « C’était un syndicaliste dans l’âme, un homme d’action mais aussi un homme de combats. »
A sa famille et à tous ses proches, L'Agriculture Drôme adresse ses sincères condoléances.