Vaincre la pyrale du buis... la recherche s'y emploie

Repérée pour la première fois en Alsace en 2008, la pyrale du buis (cydalima perspectalis) a aujourd'hui envahi la quasi-totalité du territoire français métropolitain. Depuis trois ans, le lépidoptère originaire d'Asie orientale (Chine, Corée, Japon) provoque de lourds dégâts partout en Drôme, suscitant l'inquiétude d'habitants et d'élus mais aussi de certains commerçants. Car les conséquences de ce ravageur sur les buis sauvages (buxus sempervirens) impactent les paysages, les milieux naturels (dégradation) et fait courir divers risques, notamment d'incendie et de dérochement. Certaines activités (camping, gîtes, restaurants...) en subissent les nuisances lorsque des milliers de papillons surgissent le soir. De plus, en décimant la plupart des buis, la pyrale prive les sangliers de nombreuses zones abritées, d'où une modification profonde de leurs habitudes. Elles gênent aussi les abeilles (compétition de pollinisateurs).
Quelques moyens de lutte sont aujourd'hui disponibles pour protéger les buis d'agrément, créant de fait un commerce fort lucratif. Mais quid des milieux naturels... Pour faire le point, la Société des agriculteurs de la Drôme avait convié Jean-Claude Martin, le 27 avril à Saint-Marcel-lès-Valence. Chercheur à l'institut national de la recherche agronomique (Inra), il anime le programme d'entomologie appliquée à la protection de la forêt et des plantes.
Un ravageur très invasif
Introduite lors d'importations de végétaux, la pyrale du buis est un ravageur très invasif. La femelle papillon pond jusqu'à 1 200 œufs durant sa courte existence (12 à 20 jours). « Il peut y avoir jusqu'à trois générations en une année occasionnant ainsi très vite d'importants dégâts sur les buis », a expliqué Jean-Claude Martin. Trois cycles sont identifiés. Le premier démarre fin mai et se termine début juillet ; le second court de début juillet à fin août ; et le troisième de fin août à mi-octobre. Lorsque les températures diminuent, les jeunes chenilles s'enroulent entre deux feuilles et passent l'hiver ainsi. « Elles peuvent résister au grand froid, assure le chercheur. Et dès que les températures s'élèvent, elles reprennent leur activité. Jusqu'à 500 chenilles ont été comptées au mètre carré ! »
Pour lutter, divers moyens ont été testés en espaces verts. « L'application de bacillus thuringiensis (BtK) sur les buis est efficace à tous les stades larvaires, a indiqué Jean-Claude Martin. Ce qui n'est pas le cas avec l'utilisation de nématodes. » L'utilisation de pièges équipés de diffuseur de phéromone donne de bons résultats. L'Inra a d'ailleurs conçu et breveté un piège (le Buxatrap). La pose se fait fin avril-début mai et le démontage au 1er novembre. Selon les modèles, la recharge de phéromone est à faire tous les deux à six mois. Depuis trois ans, l'Inra teste aussi des souches de trichogrammes, micro-guêpes parasitoïdes. « Les premiers résultats de l'été 2016 sont encourageants, a confié le chercheur. Mais ce n'est pas une solution miracle. » Des essais en grandeur nature auront lieu cette année.
Inventorier des auxiliaires
Pour lutter contre la pyrale du buis dans les espaces verts, d'autres essais portent sur la confusion sexuelle avec un mode innovant de diffusion de phéromone (sous forme de gel et de liquide). La prédation par les mésanges, mangeuses de larves de lépidoptères, est également étudiée, notamment à travers la pose de nichoirs. Par ailleurs, un projet de recherche sur 2017-2019 en Auvergne-Rhône-Alpes a pour but d'inventorier d'autres auxiliaires de cultures : tachinaires (diptères), pinsons, chauves-souris... « L'objectif ici est d'assurer une lutte biologique », souligne Jean-Claude Martin. Enfin, utilisé notamment dans le Royans, le piégeage lumineux est une technique que ne conseille pas l'Inra car elle n'est pas sélective. Les particuliers ont aussi leurs méthodes : pulvérisation des feuilles de buis d'eau sous pression pour ôter les chenilles, utilisation de mélange d'eau et vinaigre...
A grande échelle, le chercheur de l'Inra insiste pour ne pas traiter les milieux naturels. Car « conserver des buis en bon état revient à fournir un garde-manger aux pyrales et donc des foyers de colonisation ». Il ajoute : « Faute de nourriture, les chenilles finiront par disparaître. Et traiter ne pourrait que détruire le peu de ravageurs de la pyrale. » La patience est donc ici une des solutions. Une chose rassure : « Même attaqués deux ou trois ans de suite, les buis des bois et forêts survivent », assure Jean-Claude Martin.
Christophe Ledoux
A noter /
Une application pour smartphone baptisée « Agiir » - alerter et gérer les insectes invasifs et(ou) les ravageurs - permet de reconnaître plusieurs insectes invasifs afin de déclarer leur présence dans des situations caractérisées.Par ailleurs, « Save Buxus » est un programme national destiné à mettre au point et évaluer les solutions de biocontrôle contre la pyrale et les maladies du dépérissement du buis. Coordonné par l'Astredhor et Plante & Cité, il met en lien des stations expérimentales, l'Inra...