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Engraissement

Valoriser des bovins à l’herbe : une utopie ?

La gestion de l’herbe en élevage bovin allaitant bio est un enjeu de taille dans la réussite de son engraissement. Des méthodes existent pour valoriser au mieux ses pâturages et sécuriser son système fourrager, parmi lesquelles figure le pâturage tournant. Simon Coste, éleveur à Les Vilettes (Haute-Loire) revient sur son expérience.

Valoriser des bovins à l’herbe : une utopie ?

Désireux d'engager une réflexion sur l'optimisation de son système d'élevage, Simon Coste a participé en 2017 à un cycle de formations sur l'engraissement des bovins allaitants en agriculture biologique organisé par Haute-Loire Biologique. Selon lui, les avantages inhérents à une meilleure gestion de l'herbe sont nombreux, allant de la réduction du gaspillage par les animaux, à la simplification de l'organisation du pâturage, en passant par le gain de temps ou encore l'amélioration de son autonomie fourragère. Jusque-là, Simon avait pour habitude d'agrandir tous les jours les surfaces accessibles au pâturage à l'aide d'un fil avant, ce qui lui prenait une bonne heure par jour. L'absence de fil arrière entraînait un pâturage des repousses pénalisant la régénération de la pâture. L'éleveur a donc mis en place un pâturage tournant en réalisant des paddocks pour ses différents lots d'animaux, sur la base de la méthode exposée en formation par Pascale Pelletier de Prairie Conseil.

Pâturage tournant : mode d'emploi

Simon Coste a d'abord calculé le chargement à l'herbe total de l'exploitation exprimé en EVV (équivalent vache et veau, voir tableau 1). Puis, il a réparti ses surfaces de prairies entre fauche et pâture en respectant un équilibre de 50 % de surfaces pâturées et 50 % de surfaces fauchées. Cette répartition s'est faite en fonction de l'éloignement par rapport au bâtiment, de la facilité de mécanisation, ou selon la qualité de la parcelle au niveau de l'herbe. Il a ensuite déterminé les surfaces de base de pâturage pour chaque lot d'animaux et a défini les surfaces de chaque paddock. Le chargement lot par lot d'animaux au pâturage en are/EVV au printemps doit être en cohérence avec le chargement moyen à l'herbe de l'exploitation. L'éleveur a réalisé quatre lots d'animaux : un lot de vaches avec veaux et taureau, un lot de génisses, et deux lots pour les brebis. Au cours de la saison de pâturage l'éleveur a finalement mis en place neuf paddocks variant de 1 à 1,8 ha pour son lot de vaches. Par rapport au prévisionnel, 1,5 ha de surface destinée à la fauche a dû être ajouté à cause de la sécheresse de 2017. L'éleveur pense qu'en année normale, il devrait réussir à maintenir une surface de pâturage de 8,5 à 9 ha pour le lot de vaches sans piocher dans les surfaces destinées à réaliser les stocks de fourrages (voir tableau 2).

Suivi du pâturage

L'éleveur démarre habituellement sur la parcelle la plus précoce de l'exploitation mais également la plus proche des bâtiments pour le lot de vaches. Une fois un paddock terminé, Simon Coste a, comme repère, un délai de retour d'un minimum de 28 jours, même si celui reporté sur son planning de pâturage est en général plus important du fait des conditions de repousse de l'herbe (autour d'un mois). L'éleveur évalue la repousse et surtout le stock d'herbe à l'aide d'un herbomètre. En fonction des hauteurs d'herbe mesurées, il estime s'il est possible ou non de faire pâturer les animaux dans un nouveau paddock. Il réalise pour cela une quinzaine de mesures en zigzaguant dans son paddock (une mesure tous les 10 pas au hasard), et en calcule la moyenne. Cette dernière est cependant à analyser avec vigilance. En effet, s'il y a eu jusqu'à présent plusieurs années de surpâturage, il est possible que l'éleveur mesure une hauteur d'herbe qu'il jugera insuffisante pour faire entrer les animaux dans le paddock bien que la graminée se trouve au bon stade pour être pâturée, c'est-à-dire entre 2,5 et 3 feuilles par talle (méthode du pâturage tournant dynamique basée sur l'observation du stade des graminées). Les repères de hauteur d'entrée (HE) et de sorties (HS) en pâturage tournant sont différents selon le type d'animal. D'après l'Inra, il faut prévoir pour les ovins une HS de 2 à 3 cm et une HE de 8 à 10 cm, et pour les bovins une HS de 5 cm et une HE de 10 à 12 cm.
Selon Luc Delaby de l'Inra de Rennes, « la hauteur de sortie doit normalement correspondre à 45 % de la hauteur d'entrée ». En effet, la gaine des graminées n'est pas appréciée par les ruminants. Celle-ci se développe proportionnellement à la hauteur de la plante, la longueur du limbe étant égale à 2,3 fois la longueur de la gaine. En cas de risque de sécheresse, il est conseillé d'éviter des hauteurs de sortie trop basses en visant 7 cm en bovins et 4 à 5 cm en ovins. Il vaut donc mieux être sur une conduite laxiste en juillet-août et sur une conduite normale de mai à juillet.
L'important est surtout de savoir à quelle hauteur se situe la gaine des graminées et de pâturer à hauteur de gaine, afin d'éviter le surpâturage. En effet, il ne faut pas sectionner la gaine sans quoi la repousse sera pénalisée. Une repousse du limbe plus courte entraînera une accélération de l'épiaison et donc une augmentation des refus (voir tableau 3).

Expérience d'éleveur

Pour Simon Coste, les avantages liés à la mise en place de ce type de pâturage sont nombreux : gain de temps ; diminution du gaspillage, accélération de la repousse et amélioration de la qualité de l'herbe. Mais aussi un comportement plus calme des animaux lié à une diminution de la compétition pour l'accès à l'herbe de qualité. Il constate aussi une diminution de la surface totale pâturée par les lots d'animaux et une amélioration du maintien de l'état d'engraissement des génisses. Le pâturage tournant apporte des gains économiques (moins de tourteaux consommés par les génisses), moins de refus au niveau des pâturages. En revanche, les bêtes voient moins souvent l'éleveur !

Faire face à la sécheresse

Cette année, bon nombre d'éleveurs ont dû adopter des stratégies leur permettant de s'adapter à la sécheresse. Pour Simon Coste (Haute-Loire), il devient trop difficile aux vaches de pâturer pendant la saison estivale, elles sont rentrées et remplacées sur les pâturages par le troupeau de brebis capable de pâturer plus bas que les bovins. Pendant ce temps, les paddocks des moutons croissent, ce qui permet de gagner en jours de pâturage par la suite pour ce cheptel. Les brebis mangent également l'herbe entre les chaumes de céréales après la récolte de ces dernières. La culture d'orge de printemps entraîne systématiquement des repousses à l'automne qui sont broutées par les animaux (ou utilisées comme engrais vert).
Après moisson des céréales, Simon Coste sème un mélange colza-avoine sur 5 ha qui est pâturé par les vaches, il économise ainsi 1,5 mois de fourrage stocké. L'éleveur envisage d'autres stratégies pour améliorer encore sa résilience face aux conditions de plus en plus sèches, comme l'ajout de chicorée dans les mélanges des prairies temporaires : la chicorée est une espèce appétante, qui pousse bien en sol séchant.
Le sursemis des prairies permanentes avec des espèces compétitives à implantation rapide telles que le trèfle violet et le ray-grass anglais (semis vers la mi-mars avec herse-étrille et passage de rouleau) est envisagé mais les variétés vraiment adaptées à cette pratique restent à trouver !
Autre idée : concevoir son système fourrager sur une surface initiale plus restreinte que celle qu'il possède afin d'assurer réellement son stock de fourrages pour l'hiver. Ceci implique une diminution de la surface de base globale pour le pâturage et par conséquent une réadaptation des chargements par lot.
Réaliser des paddocks plus grands en prairie permanente car la repousse est plus lente et le rendement moindre par rapport à ses prairies temporaires. Le délai de retour sur les prairies permanentes serait ainsi allongé.
Améliorer ses tours de pâturage : « Il faut que j'arrive à prévoir des paddocks assez nombreux pour les vaches en cas de manque d'herbe pour pouvoir augmenter le temps entre le départ et le retour sur les paddocks ». Si Simon Coste n'a pas pu mesurer l'incidence de ce type de pâturage sur les performances des animaux (GMQ...), il pense cependant que l'effet est positif et il a pu observer un état d'engraissement plus stable de ses génisses. 

Marlène Gautier (Haute-Loire Bio), Fraura