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APICULTURE

Varroa destructor, une menace pour l’apiculture

Depuis une quinzaine d’années, les apiculteurs français observent une mortalité anormale d’abeilles dans leurs ruchers et 20 % des ruches restent improductives chaque année, sans raison claire. Les causes sont multifactorielles, dont les pathogènes font partie. Parmi ces derniers, l’acarien varroa destructor reste très préoccupant pour l’apiculture.

Varroa destructor, une menace pour l’apiculture

Il y a 30 ans, un nouveau parasite est arrivé en France, varroa destructor. Originaire de l'Asie de l'Est, sa zone de répartition s'est peu à peu étendue pour devenir mondiale. Bien que de très nombreuses recherches aient déjà été menées depuis une cinquantaine d'années à travers le monde, ce parasite constitue toujours l'un des grands fléaux de l'apiculture. Pourtant des moyens de lutte efficaces existent à travers l'emploi de traitements acaricides. Ces acaricides sont utilisés afin d'abaisser le niveau du parasitisme en dessous du seuil dommageable pour les colonies et sont le plus souvent appliqués dans un cadre « préventif ». En effet, quand les symptômes de la varroose sont observables, les colonies affaiblies sont dans une « spirale infernale » qui les conduit à leur perte et les traitements acaricides sont inopérants car appliqués trop tard.

Varroa destructor fait des ravages

Les acariens varroa destructor se reproduisent dans le couvain de l’abeille et parasitent ensuite les abeilles adultes.

Cet acarien se reproduit dans le couvain d'abeille, mais doit également passer sur les abeilles adultes pour compléter son cycle. Ce parasite agit de différentes façons sur son hôte, l'abeille apis mellifera. Son action pathogène entraîne une perte de poids chez les abeilles adultes issues de nymphes parasitées ainsi qu'une réduction de l'espérance de vie chez les ouvrières et les faux-bourdons. Il entraîne également une diminution du potentiel reproducteur des faux-bourdons. De plus, sa nature piqueur/suceur provoque une action spoliatrice de l'hémolymphe des abeilles ainsi qu'une action mutilante. Il diminue également les défenses immunitaires de l'abeille. Enfin, il est un très bon vecteur d'agents infectieux et transmet ainsi différents virus aux abeilles . Ces divers effets négatifs se matérialisent à l'échelle de la colonie par un couvain en mosaïque, un affaiblissement global de la colonie avec effondrement possible des colonies en été et en hiver, une baisse de la longévité des abeilles et des nymphes parasitées, et un effet très important sur les abeilles d'hiver à longue vie. Il peut également entraîner des modifications du comportement des adultes. Au sein d'une colonie coexistent des abeilles indemnes du parasitisme et des abeilles possédant des séquelles de parasitisme. Il existe donc un seuil pour le rapport « abeilles parasitées / abeilles saines » à ne pas franchir sous peine d'engendrer un risque élevé d'apparition de la maladie (varroose).

Les moyens de lutte possibles

Heureusement, une lutte contre ce parasite existe. Historiquement, elle se base sur l'utilisation d'acaricides. Cependant, l'utilisation de ces acaricides a ses limites telles que l'apparition de résistance. L'évaluation de ces résistances peut passer par des tests en laboratoire comme l'a déjà fait le laboratoire de SupaAgro Montpellier. En effet, ce laboratoire a réalisé des tests in vitro de résistance de varroas à trois molécules acaricides : le tau-fluvalinate, l'amitraz et le thymol. Il a reçu plusieurs populations françaises de varroas qu'il a soumis aux tests. À l'issue de ces tests, il est apparu qu'il existait des populations de varroas résistantes à ces molécules voire qui présentaient des multirésistances. Toutefois, compte tenu du faible nombre de populations testées, il n'a pas été possible de conclure à l'existence d'une résistance à l'échelle du territoire national.

Les apiculteurs impliqués dans la lutte

Les apiculteurs s'organisent également pour tester in situ les différents traitements possibles. Ainsi, en 2013, la FNOSAD (Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départe- mentales) a effectué des tests d'efficacité de différents traitements (Apivar©, Apilifevar©, Apiguard© et Apistan©) sur 237 colonies dans 18 départements différents. Les trois quarts des tests ayant été faits avec le traitement le plus utilisé, l'Apivar©. L'efficacité ainsi que le nombre de varroas résiduels ont été relevés pour chaque essai. 84 % des colonies traitées avec de l'Apivar ont présenté une efficacité de traitement de plus de 95 %. Pour les autres médicaments, les résultats ont été moins satisfaisants, mais le nombre insuffisant de colonies testées par produit ne permet pas de faire d'extrapolation. D'autres essais ont eu lieu en 2014 dont l'analyse des résultats est en cours.
Par ailleurs, le GDS Rhône-Alpes et l'Adara (Association pour le développement de l'apiculture en Rhône-Alpes) se sont associés dans le cadre du Pep (Pôle d'expérimentation et de progrès) apicole pour suivre l'efficacité des deux médicaments avec AMM actuellement les plus utilisés dans la région. Des apiculteurs volontaires ont suivi ainsi cinq ruches en relevant les mortalités de varroa pendant le traitement testé puis au cours d'un traitement de contrôle. En 2012, sur les quatre ruchers traités à l'Apivar© suivis par le dispositif, trois ont présenté d'excellentes efficacités. Un rucher a présenté de mauvaises efficacités entraînant des niveaux de varroas résiduels élevés. En 2012 toujours, deux ruchers ont été traités avec l'Apilifevar© et suivis. Ces deux ruchers appartenaient à deux apiculteurs professionnels utilisant ce produit depuis de nombreuses années. Les efficacités ont été moyennes, aux alentours de 70 %. Ces résultats sont également à relativiser par rapport au faible nombre de ruchers suivis. Il semble donc judicieux de ne pas baser la lutte contre varroa uniquement sur l'utilisation d'acaricides qui commencent à montrer leur limite.

Laura Cauquil , GDS Rhône-Alpes

 

Laura Cauquil en charge d’un plan de lutte

 

Respecter les bonnes pratiques apicoles 
Il existe différentes méthodes et approches pour mettre en place une lutte adaptée et réfléchie contre  varroa destructor. Estimer le niveau d’infestation des ruches par varroa destructor, ainsi que mettre en place une lutte biotechnologique (avec retrait du couvain operculé de faux-bourdons, encagement des reines pour induire une rupture de ponte, lutte biologique…), l’utilisation d’acides organiques comme l’acide oxalique ou l’acide formique, l’utilisation raisonnée de traitements acaricides, au bon moment. L’apiculteur doit avant tout respecter des règles de bonnes pratiques apicoles en limitant les phénomènes de pillage et de dérive des ouvrières, en ayant des politiques de lutte contre le parasite coordonnées afin de limiter les réinfestations et augmenter l’efficacité de la lutte, en prévenant les carences alimentaires des colonies, en ayant des colonies fortes à l’automne… Dans le choix et la mise en place d’une stratégie de lutte adaptée, les apiculteurs peuvent se rapprocher de leur section apicole départementale du GDS. 

Protection des abeilles: des fiches pratiques

Depuis 2003, s’applique un arrêté qui interdit les traitements insecticides et acaricides en floraison en présence d’abeilles. Le gouvernement a récemment élaboré un projet soumis à consultation, qui conduisait à autoriser, avant tout, les traitements après le coucher du soleil. Compte tenu des risques accrus lors des interventions de nuit et des difficultés de mise en œuvre concrète sur le terrain d’un tel projet, la FNSEA, ses associations spécialisées et les instituts techniques ont travaillé ensemble pour concilier les activités agricoles et apicoles avec la préservation des abeilles et des autres pollinisateurs. Dans ce cadre, des fiches de recommandations, co-construites entre agriculteurs et apiculteurs, adaptées pour chaque culture, ont été élaborées. Elles visent à faciliter l’application de l’arrêté du 28 novembre 2003 toujours en vigueur.
Ces fiches sont disponibles auprès des syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs, des coopératives, des entreprises de négoces, des chambres d’agriculture et de l’ensemble des associations spécialisées végétales.