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Partage d’expérience

Vente directe : deux éleveurs témoignent

Le développement de la vente directe et des circuits courts a encouragé les Jeunes Agriculteurs de la Drôme à organiser une journée thématique, en recueillant les témoignages de deux éleveurs. Récit.

Vente directe : deux éleveurs témoignent
Jordan Magnet, installé en polyculture-élevage depuis 2017 à Soyans, a fait le choix de la vente directe dès ses débuts. Marjolaine Fayn est éleveuse de volailles de chair sur la commune de La Touche. Hormis la vente à la ferme, elle a ciblé trois marchés pour écouler sa production : Donzère, Cléon-d’Andran et La Touche.

Une journée thématique à destination des porteurs de projets sur le thème de la vente directe. C’est ce qu’ont proposé les Jeunes Agriculteurs de la Drôme le 18 novembre au sein de l’exploitation de Jordan Magnet à Soyans. Etaient présents notamment des stagiaires du CFPPA de Nyons en brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA). Installé en polyculture-élevage de porcs bio depuis le 1er janvier 2017, Jordan Magnet a toujours connu la vente directe, par le biais de ses parents et grands-parents dont il a suivi la destinée. « De toute façon, je n’ai pas assez de volume pour me positionner sur les marchés de gros », explique-t-il, alors qu’il abat entre 35 et 40 cochons par an. « La vente directe est l’une des composantes du tissu agricole, ajoute-t-il. Mais il est important que ce modèle se structure pour que tout le monde y trouve sa place, sans concurrence incisive. »
Pour se faire connaître, Jordan Magnet a toutefois dû multiplier ses présences sur les marchés et dans des magasins de producteurs. A ses débuts, il commercialisait même sa viande dans un magasin à Bagnols-sur-Cèze. « Ce n’est pas toujours rentable mais le principal c’est de se faire connaître pour avoir à terme un panel de clients réguliers, dit-il. La vente directe me permet de parler de mon métier, de mon exploitation. » S’il commercialise sa viande en emballage sous vide, il propose également des conserves de pâtés mais aussi des lentilles, de la farine et du fénugrec en vrac. Pour pouvoir se déplacer sur les différents marchés et conserver la chaîne du froid de ses denrées périssables, il a investi près de 15 000 euros. Ses futurs projets, en rapport avec les circuits courts, concernent l’ouverture d’une boucherie dans le secteur de Crest et d’un magasin de producteurs bio autour de Montélimar.

L’échange avec le consommateur

Un deuxième témoignage a été apporté, celui de Marjolaine Fayn, éleveuse de volailles de chair conventionnel depuis 2012 sur la commune de La Touche. La jeune femme a toujours été attirée par la vente directe. A tel point qu’après son BTS production animale, elle a suivi un certificat de spécialisation transformation et commercialisation de produits fermiers en Haute-Savoie. « La vente directe était mon objectif de départ, bien avant le choix de ma production », indique-t-elle. Elle s’est donc lancée très rapidement sur les marchés du département, munie au départ d’une petite vitrine réfrigérée, avant d’acheter une remorque réfrigérée d’occasion. « Quand j’ai débuté mes tournées sur les marchés, j’étais encore en double activité puisque je travaillais comme peseuse pour le Contrôle laitier. Pendant un an, j’ai jonglé entre mon activité de salariée, mon élevage et mes cinq marchés hebdomadaires. J’ai ensuite démissionné et ciblé les marchés qui m’apportaient une rentabilité. » Parmi les problématiques majeures rencontrées à ses débuts, Marjolaine Fayn évoque la difficulté de « faire sa clientèle. J’ai compris qu’il fallait s’adapter à ses clients, répondre à leurs attentes et donc réadapter parfois sa production. De plus, on multiplie les casquettes : il faut réussir à concilier vente et production, avec qualité. »

Un temps non négligeable

La question financière est aussi à mentionner. « Dans ce mode de commercialisation, la gestion de la trésorerie est importante. Au départ, les entrées d’argent sont assez aléatoires. Une fois la clientèle constituée, c’est plus simple à gérer ». A cela se rajoute les contraintes administratives de gestion des stocks. Un temps de travail qui parfois peut être lourd à gérer : « Je pense que tous ceux qui se lancent dans la vente directe font la même erreur : celle de sous-estimer le temps que cela prend, prévient-elle. Il m’arrive d’ailleurs de me sentir plus commerçante que productrice », avoue Marjolaine Fayn. Toutefois, depuis deux ans, elle a diversifié son exploitation avec des petits ateliers œufs, viande de brebis et miel. « Les clients sont contents de trouver sur mon stand une gamme de produits variée », assure-t-elle, ravie d’avoir ce contact humain avec les consommateurs. Enfin, pour conclure cette matinée d’échanges, Bernard Desestres, responsable du développement des flux et paiements au Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, a présenté les différents outils disponibles pour faciliter les encaissements lors de la vente directe : terminal de paiement électronique mobile, boitier connecté au smartphone, etc. « Sur certains marchés, l’absence de paiements par carte bleue peut freiner, voire faire perdre des ventes », alerte Jordan Magnet. 

Amandine Priolet

Mon beau jardin, un profil d’Amap particulier 

Mon beau jardin, un profil d’Amap particulier 
Pierre Graal, concepteur de la plateforme Rézopaysans et en charge de l’Amap Mon Beau Jardin à Etoile-sur-Rhône, Montéléger et Beaumont-lès-Valence.

Lancées en France au début des années 2000, les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) consistent à nouer un partenariat entre un groupe de consommateurs et un agriculteur. « Nous parlons plutôt de consomm’acteurs », a expliqué Pierre Graal, gérant de l’Amap Mon beau jardin créée en 2004 et située à Etoile-sur-Rhône, Montéléger et Beaumont-lès-Valence. Ce type d’association a pour habitude de proposer des paniers de produits frais en provenance directe de la ferme, des paniers constitués en fonction des volumes - plus ou moins importants - du producteur. 
A l’Amap Mon beau jardin, le système des paniers a été mis de côté au profit d’une distribution par abonnement de produits locaux, bio, ou conformes à la charte de l’agriculture paysanne. Ainsi, les consommateurs ont libre choix quant à la composition de leur panier. Seul un engagement financier en début de saison est demandé afin d’assurer un revenu aux agriculteurs, puis un réajustement des frais est réalisé en fin de la saison. Mon beau jardin propose des légumes, pommes, jus de fruits, produits laitiers, pains, œufs... aux 122 familles adhérentes. « Sur l’année, cela procure 61 500 € de chiffre d’affaires pour les producteurs », note Pierre Graal. Le volume d’activité le plus important concerne la vente de légumes (37 000 €), les pains (7 000 €) et les produits laitiers (4 000 €). Tous les quinze jours, les adhérents peuvent faire leurs achats dans trois lieux de distribution. En parallèle, Pierre Graal a conçu la plateforme Rézopaysans en 2014 où il propose des ventes ponctuelles de caissettes de viande, châtaignes, conserves, confitures. Il gère lui-même les commandes et récupère, moyennant ce service, 15 % du chiffre d’affaires HT effectué lors de cette vente. « Cela génère environ 90 000 € de chiffre d’affaires par an pour les producteurs partenaires », souligne Pierre Graal. Avant de conclure : « Les consommateurs sont prêts à mettre le prix pour des produits de bonne qualité ». 
A. P.