Vercors Lait entre dans une nouvelle dimension
La coopérative Vercors Lait affiche des résultats plus que satisfaisants mais cherche des volumes de lait.

«Je vais céder la place l’esprit tranquille. Tout est calé. Des jeunes vont prendre la suite », a lancé Paul Faure le président sortant de la coopérative Vercors Lait lors de l’assemblée générale de la structure, le 31 janvier à Autrans. Après 18 ans de présidence et une remise à flot historique de l’outil coopératif, l’éleveur d’Autrans passera le flambeau à Loïc Duchêne, éleveur à Méaudre (38). C’est donc une nouvelle gouvernance, avec l’arrivée d’Emmanuel Gauchet, en tant que directeur en novembre dernier, qui va prendre les rênes de Vercors Lait.
La coopérative affiche un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, en hausse de 2,9 %. « Nous avons passé un cap, nous entrons dans une nouvelle dimension », lance le nouveau directeur en présentant des chiffres plus que satisfaisants.
Des arbitrages
Seule ombre au tableau : une collecte en retrait de 10 % à 6,5 millions de litres (-3 % avec les achats de lait). « C’est un enjeu fort. Nous avons besoin de lait pour amener la coopérative dans la longévité », martèle Emmanuel Gauchet en indiquant que le contrat avec Sodiaal avait été dénoncé depuis juin dernier, limitant les apports. Ce qui conduit la coopérative à arrêter la production de lait en brique pour 2025 « pour mettre en avant le fromage et surtout le bleu du Vercors-Sassenage », annonce Emmanuel Gauchet. L’entreprise lance aussi une boîte chaude qui a été présentée au dernier Sirha et se félicite de la mise en place d’un distributeur automatique à Villard-de-Lans, qui sert autant à désengorger le magasin, qu’à pallier les heures de fermeture et à contenter les noctambules.
Les dirigeants de Vercors Lait constatent une légère hausse de la collecte en début d’année, à la faveur de l’arrivée de nouvelles exploitations. En production, le bleu conventionnel, produit phare, poursuit sa courbe ascendante (+ 1 %) à 376 580 kg produits durant l’exercice précédent. La coopérative ayant dû faire des arbitrages, le vercorais est en retrait. Le bleu bio se porte tout aussi bien à 72 700 kg, alors que saint-marcellin et saint-félicien bio sont en retrait.
30 euros / 1 000 l de plus
L’année a cependant été marquée par de nombreuses ruptures dans la production fromagère, du déstockage et donc de la frustration, explique encore le directeur. « Nous sommes victimes de notre succès », constate Paul Faure. Le problème de « sourcing » de Vercors Lait est de ne pas pouvoir étendre sa zone d’approvisionnement en raison du périmètre de l’AOP. Seule solution « être plus attractifs et inciter les producteurs à venir. Cela passe par le prix du lait », ajoute Emmanuel Gauchet.
Le lait conventionnel a été payé en moyenne 522,88 € les 1 000 litres (contre 494,55 € l’an passé), ce à quoi il convient d’ajouter la prise en charge de l’entretien de la machine à traire et du tank à lait par la coopérative. En bio, le prix moyen s’établit à 619,49 € les 1 000 litres contre 590,08 € l’an passé. Les prix payés par la coopérative aux producteurs ont augmenté en moyenne de 30 € sur le dernier exercice. Vercors Lait compte 32 exploitations et 125 adhérents. Elle emploie 36,8 équivalents temps plein et affiche une marge globale de + 1 %. Une situation financière saine, une croissance plus que significative1 inscrivent la coopérative dans une trajectoire économique des plus dynamiques. C’est ce qu’ont souligné l’ensemble des élus présents lors de l’assemblée générale, qui ont tous félicité Paul Faure pour cette réussite. « C’est un outil structurant pour l’agriculture du territoire et essentiel pour le maintien des fermes et le développement de la production laitière », a déclaré Jacques Adenot, le président du parc régional du Vercors.
Isabelle Doucet
1 En 2017, le chiffre d’affaires de Vercors Lait était de 7,6M d'euros.
« Nous faisons vivre 110 familles »
Après 18 ans à la présidence de Vercors Lait, Paul Faure cède la place à Loïc Duchêne. Le succès de la coopérative est arrivé après des années difficiles.

« 22 ans au bureau, 18 ans de présidence », Paul Faure est revenu sur le parcours semé d’embûches de la coopérative Vercors Lait. Lorsqu’il a « repris les clés de l’usine, en 2003 », l’outil était en effet moribond. S’en sont suivis la fusion des deux coopératives laitières du massif, l’achat du premier camion de collecte, puis le plan de relance en 2008 et le rachat du bâtiment par la communauté de communes du massif du Vercors (CCMV), avec l’aide exceptionnelle du Département de l’Isère et la confiance de la Banque populaire et du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes.
Depuis 2009, les investissements n’ont pas cessé pour moderniser l’outil. En 2019, Vercors Lait a signé un bail de 25 ans avec la CCMV et une option d’achat en 2044. « Les jeunes pourront ainsi se réapproprier les locaux », assure Paul Faure. « Nous avons toujours investi, tous les ans tout en augmentant le prix du lait. C’était une priorité, ne pas baisser les bras et faire que les exploitations soient reprises. Nous faisons vivre 110 familles », déclare le président sortant. Il ajoute : « Ce qui va me manquer le plus est de ne plus rencontrer les salariés. Ils ont pensé à leur entreprise et pas seulement à leur salaire, ont pallié le manque de directeur ». Nathalie Faure, vice-présidente du Département en charge de la montagne et cousine de Paul Faure, déclare : « 18 ans de présidence, ce n’est pas rien. Mais c’est encourageant de voir la relève. » Cyrille Madinier, vice-président du Département en charge de l’agriculture salue « l’engagement au long cours et la passion » de l’homme et de son équipe. Victor Schimmel, le président de Villarde d’Avenir, assure de son côté : « Nous allons vers de belles années, beaucoup de jeunes agriculteurs s’installent. Je remercie la coopérative, je suis content et confiant d’appartenir à Vercors Lait. »
Tenir les bons résultats
« La coopérative, c’est le bras droit des exploitations du Vercors », assure Loïc Duchêne, le successeur de Paul Faure. Éleveur à Méaudre en Gaec avec deux associés, il est coopérateur total. Il est entré au conseil d’administration de la coopérative en 2018 et reprend la présidence dans la continuité de son prédécesseur. « Nous devons tenir les bons résultats. Paul a repris la coopérative au plus bas et l’a remontée. Nous devons rester à ce niveau-là et faire perdurer les exploitations du Vercors. L’enjeu, c’est le renouvellement des exploitations en lait et aller chercher ceux qui ne sont pas coopérateurs », déclare-t-il.