Vergers et vignes : des approches agroécologiques

Le 29 novembre au lycée agricole du Valentin à Bourg-lès-Valence, la diversification dans les vignes et vergers a été traitée sous différents aspects lors d'une rencontre organisée par cet établissement, celui d'Olivier de Serres, l'Inra de Gotheron et la chambre d'agriculture de la Drôme. Dans la matinée, se sont succédé des interventions sur des travaux d'expérimentation, de recherche, des témoignages d'agriculteurs... L'après-midi, deux possibilités étaient proposées au choix. Les participants pouvaient visiter une parcelle en agroforesterie sur la plateforme des techniques alternatives et bio à la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône. Ou bien deux vergers conduits en zéro produit phytosanitaire : la parcelle de plaqueminiers et figuiers de l'exploitation du Valentin et le projet « Z » de l'Inra de Gotheron.
L'agroforesterie viticole
L'exploitation du lycée agricole Olivier de Serres (Ardèche) a conçu un système de culture innovant en agroforesterie viticole. Son directeur, Jean-Marc Giacopelli, l'a décrit. En 2012, a été planté 1,43 hectare de vigne (deux cépages et plusieurs clones) en association avec des arbres fruitiers et forestiers (poiriers, pommiers, amandiers, mûriers). Une rangée d'arbres a été installée tous les 30 mètres (tous les 10 rangs de vigne) afin de ne pas gêner la mécanisation. Et, pour limiter la concurrence, les arbres sont éloignés de quatre mètres de la vigne. Vigne, arbres et engrais verts composent les différentes strates de cette parcelle, qui a été convertie à l'agriculture biologique en 2017.
Ce système de culture est destiné à accroître la biodiversité fonctionnelle, atténuer les chocs climatiques (vent, hautes températures...), améliorer le potentiel de fertilité du sol, assurer la continuité des infrastructures agroécologiques. Le protocole de cette expérimentation à long terme repose sur des analyses du sol, profils culturaux, comptages des lombrics, mesures de la croissance des arbres, de la production de la vigne et de sa vigueur, l'observation par photos aériennes tous les cinq ans... Et des leviers agronomiques ont été mis en œuvre (composts organiques, engrais verts, rotation, gestion des adventices, travail du sol...).
Les bandes fleuries
Les bandes fleuries comme outil de gestion des ravageurs dans les vergers est un autre sujet abordé, par François Warlop, ingénieur de recherche au Grab (groupe de recherche en agriculture biologique). Et ce, à travers les projets Muscari (mélanges utiles aux systèmes cultivés pour une réduction des intrants) et EcoOrchard. L'objectif du premier était d'améliorer l'offre commerciale de semences pour bandes fleuries avec des mélanges plus durables et fonctionnels mais aussi de créer un site internet regroupant l'information (https://wiki.itab-lab.fr/muscari/). Dans ce cadre, des mélanges fleuris ont été composés et testés en 2016 et 2017. Ils ont été comparés à un témoin à base de graminées et un mélange commercial. Des suivis botaniques et entomologiques ont été réalisés afin de caractériser leur comportement, d'identifier les plus intéressants pour les auxiliaires. Et l'effet agroécologique sur la culture a été évalué. Trois mélanges fleuris ont ensuite été élaborés en partenariat avec des semenciers. En outre, des fiches techniques (choix des mélanges, semis, entretien) ont été rédigées et a été établie une liste d'espèces conseillées pour composer des mélanges à la carte. Toutes ces informations sont disponibles sur le site internet cité précédemment.
Le projet européen EcoOrchard, lui, visait à inciter des pomiculteurs à mettre en place des aménagements parcellaires (bandes fleuries, haies, points d'eau, maintien de l'herbe...) et évaluer leurs effets sur la faune auxiliaire ainsi que la culture à l'aide d'un manuel de suivi simplifié. Ce guide a été considéré intéressant, par les utilisateurs, pour observer les auxiliaires et décider si un traitement insecticide se justifie.
Les bâches anti-pluie
A Saint-Marcel-lès-Valence, l'Inra UERI (unité expérimentale de recherche intégrée) de Gotheron teste l'efficacité des bâches anti-pluie (posées au-dessus de la frondaison des arbres) en verger d'abricotiers. Un premier essai analytique a été réalisé en 2014 et 2015 sans protection fongicide sur Bergarouge. Il a permis de montrer l'intérêt des bâches pour réduire le développement de monilia (de 25 à 60 %), une forte efficacité sur la rouille du feuillage », a indiqué Laurent Brun, chercheur au sein de cette UERI.
En 2016, elles ont été intégrées dans un essai système en association avec d'autres leviers destinés à diminuer l'usage des produits phytosanitaires. Grâce à ces systèmes de cultures, « les IFT (indices de fréquence de traitements) ont été réduits de 60 % ». Et le chercheur de conclure : « C'est sous les bâches de protection que nous avons obtenu les plus forts rendements, les plus beaux calibres, le moins de dégâts sur fruits. Mais les amortissements sont élevés. Donc, il faut des variétés régulières en production et pouvoir valoriser correctement les fruits sinon les investissements ne seront pas rentabilisés ». L'évaluation de ces systèmes se poursuit et, dès cette année, aucun fongicide ne sera appliqué dans celui avec bâches anti-pluie.
Les filets anti-drosophiles
En 2017 dans un verger de cerisiers (0,5 hectare) en conversion biologique, l'exploitation du lycée agricole du Valentin a commencé à tester des filets Alt'droso contre drosophila suzukii, posés en début véraison des fruits (au changement de couleur). De l'avis du directeur de cette exploitation, Guillaume Fichepoil, les résultats obtenus jusque-là sont encourageants : un IFT passé de 8 à 3 et une récolte commercialisée de 3 tonnes à l'hectare. Le prix de revient des cerises, lui, est passé de 3,66 à 4,86 euros hors taxes le kilo conditionné en bord de champ. Il aurait été de 6,12 euros sans subvention (aide de 70 %). Les cerises ont été valorisées « sans mal » entre 6 et 8 euros le kilo en vente directe. Depuis l'utilisation de ces filets, « la qualité des fruits est au rendez-vous, a encore annoncé Guillaume Fichepoil, même si un problème de pucerons noirs a été relevé en 2018 sur quelques arbres ».
La toile tissée
Arboriculteurs à Châteauneuf-sur-Isère, Régis et Pascal Aubenas ont choisi la toile tissée (paillage plastique) en 2017 pour maîtriser l'enherbement sur le rang en jeune verger car leurs sols sont caillouteux. « Avec cette technique, les adventices ne concurrencent pas les arbres les premières années », a remarqué Régis Aubenas. Mais, là aussi, le coût est élevé : « 1 900 euros par hectare plus 600 de pose (hors charges de mécanisation), soit 357 euros par an sur sept ans (durée de vie estimée de la toile). Et il n'existe pas, pour le moment, de filière de recyclage ». En outre, la toile tissée favorise les forficules et campagnols. « Nous allons faire du piégeage massif de forficules en plus de la glu, a précisé Régis Aubenas. Les campagnols, eux, se gèrent pas trop mal pour l'instant mais sont à surveiller car ils peuvent décimer un verger ».