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Filière bois

Vigne frères : trois générations dans les manches d'outils

La société Vigne frères fabrique des manches d'outils à Granges-les-Beaumont. Un savoir-faire familial transmis d'une génération à l'autre depuis plus d'un siècle.
Vigne frères : trois générations dans les manches d'outils

La société Vigne frères fabrique des manches d'outils depuis plus de cent ans. « Mon grand-père, Gratien, l'a créée avec son coussin dans le Sud-Drôme, raconte le dirigeant actuel de cette entreprise familiale, Edouard Vigne (âgé de trente ans). L'entreprise a été transférée il y a plus de soixante ans à Granges-les-Beaumont, sur un terrain appartenant à ma grand-mère. Mon grand-père y a fait toute sa carrière, de même que mon père, Claude, qui a pris la succession avec son frère, Bernard. » Edouard, lui, a racheté les parts de son oncle voici sept ans, avant de prendre la gérance de la société au bout de quatre ans. Et, depuis trois ans, il est seul à la tête de cette manufacture.

Tous types de manches

La SARL Vigne frères fabrique tous types de manches d'outils (balai, râteau, pioche, binette, bêche, serfouette, houe, pelle, fourche, masse, croc, échenilloir...). Certains sont standards, d'autres faits sur mesure (en termes de forme, diamètre, longueur) pour des commandes en quantités. S'ajoutent des manches cintrés « à l'ancienne » dans le fil du bois, ainsi que des tréteaux.

 

Du frêne premier choix

Les grumes proviennent d'Alsace et du Jura.

La manufacture utilise uniquement du bois de frêne de premier choix, une essence forestière réputée pour sa résistance aux chocs et sa grande souplesse à la flexion. Les grumes de bois sont 100 % françaises (elles proviennent d'Alsace et du Jura) et certifiées PEFC (issues de forêts gérées durablement). Elles sont coupées en longueurs de 80 à 150 centimètres, ensuite en plateaux, puis en carrelets (pièces de bois de section carrée). Ces derniers sont alors mis à sécher naturellement à l'extérieur. « Le séchage est une étape essentielle dans le travail du bois, qui lui donne sa solidité et garantit sa stabilité dans le temps », explique Edouard Vigne. Les carrelets sont ensuite tournés pour leur donner une forme de manche. Différentes finitions sont possibles : poncée ou vernie, avec un marquage standard ou personnalisé (réalisé par tampographie ou jet d'encre). Enfin, les manches sont palettisés et stockés.

 

Avant de devenir manches d'outils, les carrelets de bois sèchent naturellement dans la cour de la manufacture.  La manufacture utilise uniquement du bois de frêne de premier choix, 100 % français et certifié PEFC.

Des clients dans toute la France

 

« La qualité de nos manches est garantie par un contrôle permanent à chaque poste de travail, précise le dirigeant de la manufacture. La production est constante. Nous stockons tout au long de l'année pour être réactifs et expédions en 24 à 48 heures la marchandise à nos clients. » Des clients de toute la France. Les débouchés, ce sont des fabricants d'outillages, professionnels du BTP, revendeurs et grossistes en matériaux, jardineries, quincailleries, coopératives agricoles...

 

La SARL Vigne frères fabrique tous types de manches d'outils.

Les déchets de bois valorisés

Ses sous-produits, Vigne frères les valorise auprès de particuliers en direct (sur place et livraisons) et d'intermédiaires revendeurs. Depuis toujours, l'entreprise vend ses déchets de bois (avec nœuds, fentes) pour le chauffage. Jusqu'à peu de temps, les copeaux de tournage, eux, étaient jetés. Mais, en 2016 grâce à l'acquisition d'une machine à compacter, l'entreprise s'est lancée dans la production bûches compressées.

 

Une bûche compressée fabriquée avec des copeaux du tour à bois. Pour les livraisons, l'entreprise s'est même dotée d'un transpalette tous terrains très pratique.

« Nos bûches compressées ne contiennent aucun liant ni résidus chimique, précise Edouard Vigne. Il s'agit d'un processus de compression mécanique (récupération des copeaux, affinage, stockage, compactage). » Et de mettre en avant les qualités de ce combustible : « Son pouvoir calorifique est quatre fois supérieur à celui d'une bûche traditionnelle. La combustion est régulière. Nos bûches compressées occupent trois à quatre fois moins d'espace de stockage (à l'abri de l'humidité). Le taux de cendre est inférieur à 2 % et l'encrassement des conduits est minimal ». Pour les livraisons, l'entreprise s'est même dotée d'un transpalette tous terrains très pratique.
L'investissement est « conséquent », entre la machine à compacter et les modifications engendrées dans les locaux de la manufacture. Reste, donc, à rentabiliser cette nouvelle activité. Un débouché pour des copeaux de frêne auparavant « totalement perdus ».

Annie Laurie

Repères

La manufacture Vigne frères, c'est :
- 8 employés.
- Equipements : grue, poste de tronçonnage, scie à ruban, déligneuse, tour à bois et autres matériels spécifiques au métier de fabricant de manches d'outils, machine à compacter pour les bûches compressées...
- Une capacité de fabrication de 1 million de manches d'outils par an.
- Environ 2 000 stères de bois commercialisés annuellement pour le chauffage (il s'agit principalement de déchets de fabrication).
- Production de 360 tonnes de bûches de bois compressé par an.
- Un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 1,3 million d'euros.
- 4 gros concurrents, tous implantés dans le Nord de la France.

 

Point de vue / Le ressenti d'Edouard Vigne sur son métier de fabricant de manches d'outils.
« Un métier particulier »
« Fabricant de manches d'outils est un métier particulier, explique Edouard Vigne. Il nécessite des machines spéciales qui n'intéressent aucun fabricant de matériel. Tous nos matériels ont été adaptés à notre métier, leur débit correspond uniquement à nos besoins. Mon père a mis au point des machines, entre autres la cintreuse, moi aussi, notamment pour la valorisation des sous-produits. Il faut constamment réfléchir aux améliorations possibles, avancer avec son temps. Mais dans notre métier, s'il y a une part d'automatisation, on ne peut remplacer l'être humain à l'heure actuelle. Pour limiter les déchets, on est obligé d'avoir du personnel qualifié capable de faire le tri, d'écarter de la fabrication le bois présentant des défauts (nœuds, fentes). Grâce à la modernisation du matériel, l'entreprise emploie huit salariés actuellement, contre 40 du temps de mon grand-père.
Notre métier est intéressant mais compliqué. Le marché est complexe, trouver de nouveaux débouchés n'est pas facile. Les centrales d'achat de la grande distribution cherchent plus un prix qu'une qualité. Alors que nous, nous avons un prix pour une qualité. Nous rencontrons un peu les mêmes problèmes que les agriculteurs. Serait-il possible de se lancer aujourd'hui dans le métier ? J'ai un doute car il nécessite du matériel et du stock. »
Propos recueillis par A. L.