Accès au contenu
Vin

Vignerons indépendants : « Les problèmes sont devant nous »

Afin d'évoquer leurs difficultés et inquiétudes, les vignerons indépendants de la Drôme ont convié le préfet sur un domaine. Un soutien spécifique sera étudié pour, éventuellement, venir compléter les dispositifs nationaux.
Vignerons indépendants : « Les problèmes sont devant nous »

« Depuis le confinement, nous avons eu zéro commande de la part des cafés, hôtels et restaurants, aucun touriste dans nos caveaux, aucun salon pour promouvoir nos vins. Les vignerons ont déjà perdu entre 40 et 80 % de chiffre d'affaires. » Le constat dressé par la présidente des Vignerons indépendants de la Drôme, Sylvie Chevrol Michelas, est alarmant. Aussi, a-t-elle souhaité en faire part au préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, lequel a répondu à son invitation en se rendant sur le domaine Michelas St Jemms (voir encadré), le 5 juin à Mercurol.
Le haut fonctionnaire a déroulé les mesures du plan d'aides gouvernemental à la viticulture (voir encadré). Un plan principalement axé sur un dispositif de distillation de crise. Mais, compte tenu des cours et des prix pour distiller, « il n'y aura pas de demandes de distillation en Vallée du Rhône, lui ont répondu les vignerons présents. La mesure s'adresse davantage aux vins du Bordelais, du Languedoc, voire d'Alsace. »

« Il faut des exonérations de charges »

Le président de la FDSEA de la Drôme, Grégory Chardon, a aussi demandé l'automaticité de l'exonération de taxe sur le foncier non bâti (comme l'an dernier après les orages de grêle dévastateurs) ainsi que le déblocage au 15 juin des contrats Ofii (350 pour la Drôme).
© journal L'Agriculture Drômoise

Ce que demandent les vignerons drômois, ce sont avant tout des exonérations de charges. « Nous n'avons pas pu mettre nos salariés au chômage partiel car il fallait bien poursuivre nos activités dans les vignes, les chais... Nous devons donc financer une saison et demi puisque nous n'avons pas eu de chiffre d'affaires, a expliqué Emmanuel Darnaud, producteur à La Roche-de-Glun. Les reports de charges, ce n'est pas suffisant. Il faut des exonérations sans quoi les problèmes seront sérieux dans sept mois. » Des propos partagés par d'autres vignerons indépendants ainsi que par le président de la Cave de Tain, Jacques Alloncle. La crainte d'impayés a été également soulevée. De même que celle qui consiste à aider en fonction d'une perte de chiffre d'affaires, un critère problématique en viticulture du fait des stocks qui se sont accumulés, des aides grêle 2019...
Le président de la FDSEA de la Drôme, Grégory Chardon, a aussi demandé l'automaticité de l'exonération de taxe sur le foncier non bâti (comme l'an dernier après les orages de grêle dévastateurs) ainsi que le déblocage au 15 juin des contrats Ofii (350 pour la Drôme).

Pouvoir organiser les salons à l'automne

Dans la cour du domaine Michelas St Jemms, en présence de représentants du monde viticole et agricole, la présidente des Vignerons indépendants de la Drôme a accueilli le préfet ainsi que des représentants de la DDT (dont la directrice).
© journal L'Agriculture Drômoise

« Le temps presse, a insisté Sylvie Chevrol Michelas. Il faut redonner aux Français la possibilité et l'envie de consommer. » Et pour cela, rien de tel que les opérations de communication, de promotion. « Il faut encourager la vente directe et nous avons besoin que tous les salons se tiennent à l'automne », a-t-elle souligné. Un assouplissement des règles, notamment de distanciation physique, est souhaité, y compris lors des vendanges. « Les premières démarrent en août. On a besoin de clarification au plus vite », a insisté la présidente des Vignerons indépendants de la Drôme.
« La filière vitivinicole française représente 600 000 emplois et elle est le deuxième contributeur à la balance commerciale, derrière l'aéronautique, a fait remarquer Sandrine Roussin, vice-présidente de la chambre d'agriculture. Elle devrait bénéficier au moins du même soutien que le secteur de l'automobile. » Léa Lauzier, pour les Jeunes Agriculteurs, a plaidé pour une exception agricole.
« Mon job, aujourd'hui, est de faciliter la reprise de la vie économique et je veux favoriser une complète réouverture des lieux de consommation, a assuré le préfet. Nous sommes là pour vous aider à passer ce cap difficile. » Hugues Moutouh a tenu à rappeler que la situation actuelle est « un décrochage économique sans précédent » depuis la fin de la seconde guerre mondiale. « La plupart des secteurs de l'économie sont impactés ». Convaincu par les arguments des vignerons de certaines spécificités du secteur vitivinicole local, il s'est engagé à étudier la situation afin de cibler au mieux certains dispositifs d'aide, comme l'exonération de TFNB. « Il y aura un suivi. Et on va se revoir pour préparer les vendanges », a-t-il promis.

Christophe Ledoux

Plan d'aides à la viticulture /

Deux millions d'hectolitres à la distillation

La distillation de crise est la principale mesure du plan d'aide à la viticulture mis en œuvre par le gouvernement. L'enveloppe globale dédiée à l'opération représente 145 millions d'euros (M€) pour un volume prévu à deux millions d'hectolitres sur des prix d'achat fixés à 78 €/hl pour les vins AOP/IGP et à 58€/hl pour les VSIG.
Outre la distillation, le plan prévoit aussi une aide au stockage privé à hauteur de 15 M€, dont les modalités seront précisées très prochainement.
Le gouvernement a également confirmé que les entreprises de la filière viticole seraient éligibles aux dispositifs d'exonération de cotisations sociales patronales qui devraient être adoptés dans la prochaine loi de finances rectificative attendue cette semaine. « Nous attendons des annonces claires et abouties au plus vite », ont commenté les fédérations nationales viticoles (Cnaoc, Vignerons coopérateurs, Vignerons indépendants, VinIGP) ainsi que la FNSEA et les JA dans un communiqué le 29 mai.
Le 3 juin, lors du conseil viticole de FranceAgriMer, les organisations viticoles ont cependant déploré que les fonds du plan national d'aide (PNA), destiné aux réformes structurelles, aient été mobilisés (à hauteur de 80 M€) pour gérer une crise conjoncturelle. La profession a également exprimé sa déception de l'absence de réponse européenne à la demande d'un fonds de compensation visant à combler les pertes occasionnées par les sanctions américaines (taxe Trump), qu'ils estiment à 300 M€. « C'est un sujet très compliqué, a indiqué le préfet de la Drôme. Mais le ministre de l'Agriculture m'a assuré qu'il défend bec et ongle ce projet de fonds de compensation au sein de l'UE. »
C. L.

 

Repères /

Le domaine Michelas St Jemms

- Gaec constitué de quatre associés frères et sœurs : Sylvie, Florence et Corine et Sébastien.
- 52 hectares de vignes sur 8 communes (Larnage, Tain-l'Hermitage, Mercurol, Pont-de-l'Isère, Beaumont-Monteux, Clérieux, Saint-Jean-de-Muzols et Cornas) dont 42 en AOC Crozes-Hermitage, 0,3 en Hermitage, 4 en Saint-Joseph, 1,8 en Cornas et 2 en vin de pays des Collines rhodanienne (à Clérieux).