Viser l'œil de paon

Fusicladium oleagineum est un champignon pathogène pour les oliviers. Il pénètre dans les feuilles et s'y développe. La feuille paraît saine durant ce temps d'incubation. Après quelques semaines, une tache circulaire apparaît sur la face supérieure de la feuille. L'apparition de la tâche correspond à l'émission de nouveaux spores, la maladie de l'œil de paon est alors déclarée. Ces spores vont contaminer les feuilles voisines, et la feuille initialement attaquée tombe. La chute prématurée des feuilles entraîne une perte de productivité parfois importante. En cas de présence massive, la production d'olives peut devenir nulle.
La prophylaxie est importante, elle permet de garder des niveaux de contamination faibles. Les traitements reposent sur l'application préventive de produits à base de cuivre. Le cuivre agit par contact avec les spores qui meurent avant de pénétrer dans la feuille. Les feuilles du bas de la frondaison, et sur des rameaux moins vigoureux, sont les plus contaminées par le champignon.
Une évolution en trois étapes
Les trois étapes de l'évolution de la maladie de l'œil de paon sont la contamination, l'incubation et la déclaration de la maladie.
Quand les températures sont douces et qu'il y a de l'eau sur les feuilles (pluie ou rosée), les spores germent et pénètrent dans la feuille en quelques heures, c'est la contamination.
Suit une phase de développement du champignon dans la feuille. Quand la température est proche de 15 °C, l'incubation dure à peine deux semaines. Si les températures dépassent 25 °C ou descendent en dessous de 10 °C, le développement du champignon est ralenti, voire stoppé. L'incubation peut alors durer plus de trois mois. A noter, elle est indépendante de l'humidité de l'air.
Le champignon émet des conidiophores hors de la feuille, c'est l'apparition des taches. Dans les jours qui suivent, les spores peuvent être dispersées et contaminer les feuilles voisines.
Une prophylaxie déterminante
Aérer l'arbre en taillant chaque année. La taille améliore l'aération de l'arbre, ce qui réduit la durée d'humectation des feuilles. Les contaminations sont moins nombreuses sur les arbres taillés qui sèchent plus vite. Sur les arbres fortement touchés, il faut tailler sévèrement pour supprimer les parties les plus contaminées et stimuler la production de nouvelles feuilles, moins sensibles à la maladie.
Limiter l'irrigation en irriguant seulement quand c'est nécessaire, et couper régulièrement l'herbe. L'irrigation par aspersion du feuillage doit être évitée car elle favorise directement le champignon.
La lutte préventive avec le cuivre
La lutte consiste à appliquer du cuivre sur les arbres, avant que les conidies germent et entrent dans la feuille. Les ions de cuivre sont toxiques sur les champignons. Si la spore est au contact d'ions de cuivre, elle ne germe pas ou ne pénètre pas dans la feuille. La lutte contre la maladie de l'œil de paon avec des produits à base de cuivre est donc préventive.
Sur les variétés résistantes à l'oeil de paon, en général, deux ou trois passages à demi doses suffisent à protéger efficacement les oliviers. Sur les variétés sensibles, quatre à cinq passages sont parfois nécessaires. Il faut assurer une protection des feuilles pendant les périodes à risque, en particulier en mars, avril et septembre.
Observations : tous les 10 jours
si plus de 10-15 % des feuilles tachées ;
si le traitement précédent a été lessivé (20 à 50 mm de pluie) ;
si on est en période à risque ;
alors un traitement au cuivre est conseillé à la demi-dose.
Optipaon : outil d'aide à la décision
Optipaon est un outil d'aide à la décision créé par Serge Régis et Christophe Roubal, pour les services du ministère de l'Agriculture après de nombreuses années d'observations. Connectez-vous sur le site du Cirame (http://www.agrometeo.fr/op_oad.asp) et saisissez les données pour votre verger. Optipaon vous donne alors l'indication d'un nombre de traitements compris entre 0 et 5, il s'agit toujours de traitements à la demi-dose de cuivre.
Quelques produits
à base de cuivre
Un très large éventail de spécialités à base de cuivre est disponible pour lutter contre l'œil de paon. Elles sont toutes autorisées en agriculture biologique et la plupart sont également disponibles pour un usage amateur (cf tableau 1).
Dosage du cuivre
Les produits à base de cuivre sont homologués sur la base d'un apport maximal de 2,5 kg de cuivre métal par hectare pour chaque application. Par exemple, avec de la bouillie bordelaise la dose maximale autorisée sur l'étiquette est de 12,5 kg / ha (ou 1,25 kg/hl). Les bouillies bordelaises contiennent 20 % de cuivre métal. L'apport maximal autorisé est donc bien de 2,5 kg (= 12,5 X 20 %) par hectare par application. En oléiculture contre l'œil de paon, la moitié de la dose maximale est presque toujours suffisante. Nous vous conseillons donc d'appliquer systématiquement vos produits à base de cuivre à la demi-dose, soit l'équivalent de 1,25 kg/ha par application.
Demi-dose de cuivre = moitié de la dose maximale inscrite sur l'étiquette
Demi-dose de cuivre = la dose conseillée contre l'œil de paon
Demi-dose de cuivre = 1,25 kg cuivre métal/ha
Les nouveaux produits à base de cuivre ont été homologués sur la base d'une dose maximale par an de cuivre métal. Par exemple, le produit Bordo 20 micro est autorisé à la dose maximale de 20 kg de produit/ha/an (soit l'équivalent de 4 kg de cuivre métal/ha/an). Le producteur est libre de fractionner ces apports en deux, trois ou quatre applications. Nous vous conseillons dans ce cas de travailler à 6 kg/ha par application (soit l'équivalent de 1,2 kg de cuivre métal/ha). Ce type d'homologation qui laisse plus de souplesse au producteur devrait se développer à l'avenir.
Attention, le cuivre s'accumule dans nos sols. À terme, il peut entraîner une perte de fertilité irrémédiable. Limitez les apports au minimum.
Application du traitement à base de cuivre
Le cuivre doit couvrir le maximum de surface. La qualité de l'application est souvent plus importante que la dose de cuivre. Réglez votre appareil afin d'assurer une pulvérisation fine, régulière, sur toute la frondaison, y compris à l'intérieur de l'arbre et sur les rameaux bas.
En agriculture biologique, le nombre d'application de cuivre est limité à 6 kg de cuivre par hectare et par an, soit quatre applications à la demi-dose par an. Cette limite est susceptible d'évoluer, elle passerait à 4 kg par ha par an.
(quantité de produit X concentration en cuivre X nombre de traitements par an) / surface
= maxi 6 kg
Traitements de rattrapage
Krésoxim-méthyl (tableau 2)
Principe : les spécialités à base de krésoxim-méthyl diffusent un peu par voie translaminaire. Le traitement peut donc avoir une action à la fois préventive et curative. Une application quelques jours après la contamination permet de stopper le champignon.
Limites : le risque de résistance du champignon et le classement R 40, effet cancérogène suspecté, font de ces spécialités des solutions secondaires. Elles sont toutes réservées à un usage professionnels et non autorisée en agriculture biologique. Toutes les spécialités à base de krésoxim-méthyl sont à réserver aux situations critiques, pour les vergers sensibles, n'ayant pas eu de couverture cuprique et devant être protégés par exemple à l'approche de la floraison.
Mancozèbe (tableau 3)
Principe : les spécialités à base de mancozèbe ne pénètrent pas dans le végétal et restent des solutions préventives.
Limites : les spécialités à base de mancozèbe n'apportent pas d'intérêt particulier par rapport à celles à base de cuivre. Elles ne doivent être utilisées qu'en dernier recours pour une application préventive juste avant la floraison. Toutes les spécialités à base de mancozèbe sont réservées à un usage professionnel et non autorisées en agriculture biologique.