Viticulture biologique : le travail du sol avant tout

En viticulture biologique, le travail du sol est primordial puisque aucun recours aux herbicides n'est autorisé et qu'il est nécessaire de contrôler la flore adventice, concurrente des pieds de vigne. Les viticulteurs bio doivent donc trouver des outils en intercep efficaces, qui ne blessent pas le pied et qui désherbent suffisamment. Des journées de démonstration de matériels où les constructeurs présentent leurs outils et les font fonctionner dans une parcelle de vignoble ont été organisées par le réseau viti bio Rhône-Alpes, coordonné par Amandine Fauriat, référente technique régionale viticulture biologique de la chambre d'agriculture de l'Ardèche en partenariat avec l'ADABio et le syndicat des vins du Bugey. Début avril, Fabrice Gros, viticulteur à Pugieu dans le Bugey, a accueilli dans ses parcelles une démonstration de matériel du travail du sol et de tonte en intercep avec 8 constructeurs : Braun, Pellenc, Belhomme, Actisol, Vitiméca, Clemens, Boisselet et Egretier. En Auvergne-Rhône-Alpes, sept autres démonstrations ont eu lieu sur des parcelles de viticulteurs à Saillans, Saint-Maurice- sur-Eygues et Mercurol (Drôme), Lagorce et Talencieux (Ardèche), Pugieu (Ain) et dans le Roannais.
Selon les viticulteurs présents à Pugieu, plusieurs constructeurs ont présenté des outils de désherbage efficaces. C'est le cas de Braun, avec une paire de lame associée à un disque. La lame décolle bien la couche d'herbe et le disque permet de séparer l'inter-rang non travaillé et l'intercep. Ce premier outil permet un sarclage d'entretien. Chez Clemens, le même montage existe mais une herse rotative supplémentaire permet de retourner les mottes d'herbe décollées afin d'éviter une reprise de la flore adventice suite à une pluie rapprochée.
Egretier propose une lame « mini-sillon» montée sur un cadre qui procède à un recentrage automatique selon sa position dans l'inter-rang. D'après le constructeur, ce matériel est très précis et adapté aux nouvelles générations de vigne, plantées très droites. La lame se retire de l'intercep grâce à un mouvement de rotation qui permet d'aller au plus près du cep. En plus de la présence du palpeur qui prévient la présence des ceps, l'outil se retire en sécurité s'il rentre en contact avec un élément dur. Dans les vignobles à reliefs et micro-reliefs, la profondeur du travail du sol n'est parfois pas régulière, au risque que le sol ne soit pas du tout travaillé par endroits. Boisselet propose une paire de lames associée à un outil rotatif, montée sur un cadre non fixe par rapport au tracteur et possédant une roue centrale. Le relief du sol peut être suivi avec précision au cours d'un travail avec cet outil.
Passer dans des jeunes plantiers
Dans les jeunes plantiers, le désherbage doit être effectué pour que les ceps puissent bien se développer. Le risque encouru par ces jeunes plants est d'être arrachés ou coupés. Ce risque existe aussi dans les parcelles de vignes plus anciennes. Il est primordial, pour les viticulteurs de pouvoir régler la pression des outils intercep. Belhomme, tout comme Clemens et Braun, proposent ce réglage, permettant de passer dans des jeunes plantiers de l'année tuteurés.
Des outils peu sophistiqués et peu coûteux
Vitiméca était le seul constructeur sur cette journée de démonstration à présenter un outil exclusivement mécanique. Cet outil est composé de 2 lames : la première, de type déversoir, passe assez loin du pied, ce qui limite le risque de l'abîmer, alors que la seconde, moins coupante, passe au plus près. Il existe même un réglage de la pression du palpeur en 3 axes. D'après un viticulteur, « l'ensemble est simple (mécanique) et marche aussi bien que tous les systèmes montés en hydraulique ». Cet outil défie les outils des autres constructeurs niveau prix : 4000 € la paire de lame montée en mécanique contre 10 000 € une paire de lame de chez Clemens, montée en hydraulique.
Oubliez la pioche
Pellenc propose la bineuse sarcleuse électrique Cultivion. C'est un matériel complémentaire aux outils du travail du sol habituels, pour les personnes qui doivent utiliser la pioche pour enlever les grosses mottes d'herbe après un passage au tracteur. Il se caractérise par un mouvement oscillatoire de la binette avec environ 800 coups/min. Cet outil fonctionne sur batterie 250 V pour une durée de 2h30 environ. Il existe également des batteries à plus longue durée d'utilisation (400 V et plus). Globalement, les viticulteurs ont apprécié le travail réalisé par l'outil du constructeur Braun, puisqu'il passe avec précision entre les ceps, sans risque de les abîmer. Le constructeur Actisol a également fait une belle démonstration avec son ensemble rouleau à disques, dent centrale (qui peut être relevée), dents de fissuration et lames intercep de chez Braun (partenariat entre les deux constructeurs).
Louise Borgnet et Arnaud Furet, ADABio
Reconquête / « Nous sommes trop hauts pour avoir des vignes. Et cependant, nous en avons », disait Jean Giono. Le vin de Prébois - vin du Trièves - a failli disparaître mais, grâce à une poignée de passionnés, il renaît et en 100 % bio.
Le Trièves, un vignoble 100 % bio
L’association Vignes et vignerons du Trièves (VVT) s’est lancée dans la sauvegarde, voire la reconquête des coteaux viticoles du Trièves, il y a de maintenant 9 ans. Ces coteaux, voués à devenir des friches, n’étaient plus parsemés que de quelques vignes familiales. Certaines ont été reprises et entretenues par des jeunes d'ici ou venus d’ailleurs s’installer dans cet écrin de verdure, créant du lien social avec les anciens qui ne pouvaient plus s’en occuper. Pour améliorer la production des vins locaux, un petit local de vinification partagé a été mis en place par l’association à Prébois. L’association a également replanté des vignes et embauché un salarié. Ce salarié, Samuel Delus, après dix ans d’attente, s’est lui-même installé en 2012 avec une première production en 2014 sur son domaine de l'Obiou qui s’étend sur un peu plus de deux ha de vignes de montagne sur le coteau de Prébois, et qu’il a engagé en bio en 2016. Et ce n’est pas le seul à avoir fait le choix de l’AB, puisque d’autres ont suivi : le domaine des P’tits Ballons à Mens de Pascale et Gilles Barbe ; la reconquête du coteau de Brion sur la commune de Roissard par Jérémy Bricka ; les vignes de Maxime Poulat aux Bernardes à Vareilles et Jérémy Dubost qui a choisi la diversité dans le choix des coteaux.« Pour que la vigne soit bien »
Pour l’association Terre Vivante, il était naturel de s’engager dans une démarche qualitative, respectueuse de l’homme et de l’environnement. C’est ainsi que les vignerons ont fait le choix d’une certification en agriculture biologique voire Nature & Progrès. « Dès le début de l’association, nous voulions aller vers le bio, précise Gilles Barbe, président de VVT. Nous avons donc investi dans du matériel de travail du sol, avec de l’intercep rotatif, une herse rotative, une griffe actisol, un broyeur. Nous ne cherchons pas à faire du labour mais un travail superficiel sur 10 cm maxi, juste pour que la vigne soit bien. » À ce matériel de l’association, s’ajoute un peu de matériel acheté au fur et à mesure par les vignerons, lui aussi partagé afin d’avoir le meilleur outillage adapté aux coteaux, comme un treuil pour les vignes plus étroites (1,20 m) avec une charrue Plumett. Certains vont même jusqu'à fabriquer des outils, comme l’adaptation d'un cadre avec lames intercep humus associé à des griffes en patte d'oie. Sur Prébois, les pentes sont légères jusqu’à 20 % alors que sur Mens et Brion, c’est plus entre 35 et 40 %, et tout cela à une altitude de 800 mètres en moyenne. Le travail se réfléchit donc différemment. Un des grands travaux de l’association a aussi été la réinscription au Catalogue national du cépage onchette, cépage autochtone qui a manqué de disparaître lui aussi. Après une dizaine d’années de travaux en collaboration avec le Centre d’ampélographie alpine Pierre Galet et l'Inra, la réinscription est effective depuis le 19 avril 2017.
