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Expérimentation

Viticulture : un concentré d’innovations à Piolenc

La chambre d’agriculture de Vaucluse et ses partenaires ont ouvert grand les portes du domaine expérimental de Piolenc, ce vendredi 6 septembre. Vignerons, pépiniéristes, conseillers techniques… Une centaine de visiteurs a suivi le parcours, en petits groupes, pour découvrir la grande variété d’essais en cours.
Viticulture : un concentré d’innovations à Piolenc

«Je n'ai pas commencé les vendanges, alors j'ai pu venir, heureusement. C'est une grande chance d'avoir ce domaine ici. On peut y faire des essais très intéressants, qu'il serait impossible à faire dans nos exploitations ! J'ai particulièrement apprécié les informations sur les thèmes du dépérissement et de l'agrivoltaïsme. » Jean-Pierre Serguier, vigneron au Château Simian à quelques kilomètres de là, est très satisfait de sa visite. Un confrère, venu d'Ardèche avec son fils, se dit « très content de cette matinée où il y a beaucoup de choses intéressantes », qu'il achève par la dégustation de vins expérimentaux, élaborés à partir de Vidoc et d'Artaban, les nouveaux cépages résistants au mildiou et à l'oïdium, inscrits au catalogue.
Après le parcours de visite, l'occasion est précieuse pour les vignerons d'échanger davantage avec les conseillers de la chambre d'agriculture. Le mistral n'a pas empêché l'afflux des visiteurs, qui ont formé de petits groupes de visite, suivant le parcours prévu de 9 h à midi sur le site de Piolenc. « Nous n'ouvrons pas les portes du domaine chaque année. Mais là, il y avait plusieurs nouveautés, démarrées en 2019, à présenter concernant l'adaptation de la vigne au changement climatique. Et nous sommes satisfaits de l'affluence. Il y a eu une centaine d'inscrits, pour moitié des vignerons et l'autre des techniciens, conseillers ou professeurs » constatait Olivier Jacquet, responsable du pôle "vigne et vin" de la chambre d'agriculture, à l'issue de la manifestation.

S'adapter au changement climatique

Parmi les nombreuses expérimentations conduites à Piolenc et présentées lors de cette matinée, certaines attiraient plus particulièrement l'attention des visiteurs, notamment les nouveaux programmes expérimentaux concernant une agriculture plus résiliente face au changement climatique : plantation de cépages résistants au mildiou, à l'oïdium et au black-rot, ou encore adaptés à la sécheresse ; conduite d'une parcelle en agroécologie ; essai de décalage de maturité à une période plus fraîche ; test d'ombrières photovoltaïques orientables ; nouveaux modes d'irrigation... L'objectif est d'obtenir de multiples références techniques pour les transférer aux agriculteurs. « Les réponses au changement climatique se feront production par production, car les situations sont variées », soulignait Georgia Lambertin, présidente de la chambre d'agriculture de Vaucluse, qui faisait visiter le domaine expérimental à la presse.
L'agrivoltaïsme est inspiré de l'agroforesterie, où la vigne bénéficie d'ombrage sans la concurrence racinaire.

La technique de curetage pour éliminer l’amadou des souches atteintes de maladies du bois, testée sur le domaine, montre des premiers résultats intéressants. Ici une coupe transversale de pied de vigne où l’amadou apparaît, jaunâtre. Il est éliminé au moyen d’une mini-tronçonneuse.
En partenariat avec l'Inra et l'IFV, une parcelle témoin non-abritée est comparée à deux parcelles dont l'ombrage, variable, est réglé par des panneaux orientables de la société Sun'R. « L'objectif est d'irriguer moins, ou d'obtenir un système plus résilient. Pour l'instant, on observe que le feuillage à l'ombre est plus dense, et les feuilles plus fines. Mais ces essais seront poursuivis jusqu'en 2021 et feront l'objet de micro-vinifications », précise un chercheur de l'Inra.
Un peu plus loin, un technicien de la chambre commente une autre expérimentation d'ombrage avec des filets paragrêle posés sur trois rangs de vigne, qui occultent plus ou moins la lumière. « Les premières données révèlent un décalage de la maturité : plus l'ombrage est fort, plus le degré est bas. Nous récolterons toutes les variantes de l'essai à même maturité, l'idée étant ensuite de calculer le décalage de maturité permis par l'ombrage. L'objectif est de récolter plus tard en saison, lorsque les températures sont moins élevées », explique Silvère Devèze, conseiller viti-œnologie à la chambre d'agriculture. Puis il accompagne les visiteurs à quelques rangs de là, pour voir des essais de microclimat humide sur vignes irriguées. Ici, une brumisation permet de décaler l'arrivée de la chaleur de 2 h 30. Les premiers résultats montrent également un retard de maturité et des baies plus grosses, comparativement aux vignes témoins en "microclimat sec" et à celles sous aspersion. « En 2020, cela sera reconduit avec des doses d'eau divisées par deux. »

Le domaine compte également un observatoire de 360 clones de grenache, pour conserver et étudier la diversité intravariétale. Ce clone 1212 par exemple, aux petites baies et peu sensible à la coulure, est intéressant pour élaborer des vins haut de gamme, explique Olivier Jacquet, responsable du pôle vigne et vin de la chambre de Vaucluse.

Maintenir le rendement

D'autres essais s'intéressent au dépérissement de la syrah, problématique en Vallée du Rhône. De nombreuses causes sont travaillées, comme l'impact de la technique de plantation sur le développement racinaire du plant. « Nous cherchons aussi l'argumentation scientifique sur l'intérêt de la taille selon le flux de sève constaté empiriquement. Pour cela, nous travaillons en lien avec des forestiers de Clermont-Ferrand », explique Marion Claverie, de l'IFV. « La technique de curetage pour éliminer l'amadou des souches atteintes de maladies du bois, testée sur le domaine, montre des premiers résultats intéressants », commente aussi Marine
Galanopoulo, conseillère viticulture à la CA 84, qui en explique le principe aux visiteurs. Le domaine compte également un observatoire de 360 clones de grenache, « pour conserver et étudier la diversité intravariétale. Ce clone 1212 par exemple, aux petites baies et peu sensible à la coulure, est intéressant pour élaborer des vins haut de gamme », explique pour sa part Olivier Jacquet aux visiteurs.
Ici, à Piolenc, les techniciens peuvent tester grandeur nature le principe de « reconception » des vignes. Comme l'explique Éric L'Helgouach, conseiller viti de la chambre, en charge du réseau Dephy écophyto, cela consiste à « inventer un nouveau système de culture, et à étudier les freins au changement, comme cela est fait sur le domaine avec une parcelle en agroécologie par exemple. Dans tous les cas, l'objectif est d'intervenir au minimum et de réduire le plus possible les "traitements d'assurance" ».
Enfin, la visite se poursuit par les vignes résistantes au mildiou, à l'oïdium et, pour les plus récentes en cours d'observation, tolérantes au black-rot. La chambre, partenaire d'Inter Rhône sur le programme des cépages résistants rhodaniens, a planté les premiers pieds en 2019 et leur étude devrait durer plus de 15 ans. D'ici là, d'autres portes ouvertes du domaine permettront de prendre des nouvelles de l'avancée de ces cépages de demain ! 

Après Vidoc et Artaban, voici le prochain cépage résistant au mildiou et à l’oïdium qui sera inscrit au catalogue dans les mois à venir. « Col 3 » est sa référence expérimentale, en attendant qu’on lui attribue un nom. D’autres recherches ont sélectionné des vignes également tolérantes au black-rot, encore en cours d’observation.

Cécile Poulain

© photos C. Poulain