Xavier et Didier Goy : à la pointe de la génétique caprine
Eleveurs de chèvres à Loriol depuis vingt-cinq ans, Xavier et Didier Goy ont toujours misé sur la génétique. Un travail de longue haleine, sans relâche mais payant.

Les frères Xavier et Didier Goy élèvent des chèvres depuis le milieu des années 1990 sur une exploitation de 65 hectares, le Gaec des Isles, à Loriol. De 150 chèvres la première année, ils sont rapidement passés à 300, puis 400 en 2007. La production annuelle de lait en 2020 est de 482 000 litres, avec une moyenne de près de 1 200 litres par chèvre, autour de 36 g/kg de taux protéique et 39 de taux butyreux ; de belles performances. « C’est le résultat de la génétique, commente Xavier Goy. En 2021, on devrait dépasser les 500 000 litres. »
Un investissement pour l’avenir
« Nous avons toujours été conscients de l’importance de la génétique, note Xavier Goy. Nous faisons de la sélection depuis vingt-cinq ans et avons mis le curseur haut dès le départ. Il faut au moins une dizaine d’années pour commencer à voir la différence sur son troupeau. C’est un travail de longue haleine. Mais la sélection est un investissement pour l’avenir, qui permet de sécuriser la production. Les index sont les meilleurs révélateurs de la qualité d’un animal. Ils sont fiables. Cependant, on perd vite si on relâche. Pour rester à un haut niveau génétique, il faut être vigilants. »
Cet investissement a d’ailleurs été récompensé au Salon de l’agriculture à Paris cette année. Pour la deuxième fois, la sélection génétique caprine était au Concours général agricole (CGA) en races Saanen et Alpine. Et le Gaec des Isles a remporté le deuxième prix de la meilleure progression génétique en race Saanen. Pour Xavier Goy, passionné de génétique, « cela a été une agréable surprise et la reconnaissance de notre travail ». Quant au premier prix, il a été décroché par un autre Drômois, Eric Barnier (voir ci-dessous).
Elevage créateur
« La sélection est un investissement pour l’avenir, qui permet de sécuriser la production », souligne Xavier Goy (à gauche sur la photo), en compagnie de son frère, Didier.
Xavier et Didier Goy font inséminer des chèvres depuis 1996 et adhèrent à Capgènes (organisme et entreprise de sélection) depuis 2000. « Chaque année, on en met 120 à l’insémination artificielle (130 même, en 2019). Pour chaque chèvre, on choisit le bouc qui convient le mieux, avec l’inséminateur et à l’aide d’un logiciel d’XR Repro*. Nous faisons aussi partie des élevages créateurs, c’est-à-dire servant à faire des boucs pour l’insémination. Chaque année, Capgènes choisit 30 à 40 femelles et nous propose des accouplements. Par contrat, nous nous engageons à lui réserver les mâles qui naîtront. En 2020, nous avons eu 28 accouplements programmés, 20 mâles sont nés et, au final, Capgènes en a retenu 12. » Pour les chèvres non inséminées, Xavier et Didier Goy maîtrisent la monte naturelle. Chacune est accouplée avec un bouc précis, en le tenant à la corde « pour éviter toute consanguinité et surtout avoir une filiation fiable ».
La vente à d’autres élevages
Pendant les mises bas, en septembre, Xavier et Didier Goy se lèvent la nuit pour surveiller les naissances, éviter des mélanges de chevreaux et, là aussi, être sûrs de la filiation des animaux. 120 à 130 chevrettes sont élevées chaque année pour le renouvellement du troupeau. Le reste part dans d’autres élevages, sauf les malformées évidemment (boucherie). En outre, des jeunes boucs sont vendus comme reproducteurs à d’autres élevages : une cinquantaine cette année. Et douze iront à Capgènes. Les chevreaux destinés à la boucherie, eux, sont vendus à l’âge d’un mois.
Deuxièmes carrières
Ces éleveurs réforment leurs chèvres lorsqu’elles ont quatre ou cinq ans. Enfin, pas la majorité puisque les deux tiers d’entre elles vont faire une deuxième carrière chez d’autres éleveurs qui, ainsi, bénéficient de cette génétique. « On n’a pratiquement pas de mauvais animaux, fait remarquer Xavier Goy. On a vendu des chèvres qui produisaient encore plus de deux litres de lait par jour. » Quant aux boucs, ils sont renouvelés tous les trois ans. 80 % d’entre eux partent également dans d’autres élevages, comme reproducteurs. Habitués à être menés à la corde, ils sont très dociles et, en plus, sélectionnés parmi les meilleurs.
Des « Formules 1 »
A noter, le record de présence au Gaec des Isles, « c’est une chèvre restée quatorze ans dans l’élevage, raconte Xavier Goy. Dans toute sa carrière, elle a produit 16 000 litres de lait, soit plus de 1 000 en moyenne par an pendant treize ans ; sachant que les deux dernières années, elle n’avait guère de lait. Nous y étions attachés et l’avons gardée jusqu’à sa mort naturelle. » De manière imagée, cet éleveur compare les animaux sélectionnés avec la génétique à des « Formules 1 » : « Si on met ce qu’il faut, si on les alimente correctement, ils démarrent au quart de tour ».
Annie Laurie
* XR Repro : coopérative d’insémination.
Caprins : génétique et autonomie alimentaire, les priorités d’Eric Barnier
Eric Barnier, ses chèvres et, dans la main, le premier prix de la meilleure progression génétique en race Saanen décroché en février au Concours général agricole (CGA) à Paris.
Agriculteur depuis 1991 à Aouste-sur-Sye, Eric Barnier (EARL Ferme Saint Alban) élève 280 chèvres Saanen. Il est aidé d’une salariée à temps plein et son fils est employé 20 % de son temps. Pour la reproduction, Eric Barnier a une dizaine de boucs et 40 % des chèvres sont inséminées. Il a adhéré à Capgènes et au contrôle laitier peu de temps après s’être installé. Les mises bas ont lieu en septembre. A l’exception des malformées, toutes les femelles sont gardées : pour le renouvellement du troupeau mais aussi la vente à une pépinière d’Agrial(1) ainsi qu’à des éleveurs. Une partie des mâles issus de l’insémination artificielle est gardée. Les autres sont engraissés et vendus à l’âge d’un mois pour la boucherie.
Eric Barnier a été distingué cette année au Concours général agricole (CGA) à Paris pour son travail de sélection. Il a décroché la médaille d’or de la meilleure progression génétique en race Saanen. Un prix attribué au regard des index de production et de conformation de ses animaux. « L’évolution de ces critères depuis 2016 montre bien la progression génétique de mon troupeau, confie l’éleveur. Pour moi, ce prix est la reconnaissance de vingt ans de travail génétique. »
Le gabarit, critère de sélection aussi
Le troupeau d’Eric Barnier produit entre 230 000 et 250 000 litres de lait par an, collecté par Agrial-Eurial pour la fabrication de picodons AOP. Soit en moyenne 850 litres par chèvre. « Cela peut paraître peu, vu le niveau génétique du troupeau. Mais c’est parce que je privilégie l’autonomie alimentaire, ce qui a une incidence sur la production laitière », explique-t-il. 90 % des productions végétales de l’exploitation (55 hectares de céréales et surtout de fourrages) sont en effet consommées par les chèvres, précise-t-il.
« Mon objectif est d’aller au maximum vers l’autonomie alimentaire tout en améliorant la génétique du troupeau, reprend-il. Avec des animaux performants, on peut maintenir le volume de lait en les nourrissant avec les productions de l’exploitation. Personnellement, je travaille aussi le gabarit des chèvres. Plus elles sont grandes, plus elles ont une grosse capacité d’ingestion et n’ont pas besoin d’une alimentation hyper-concentrée pour produire du lait. On peut leur donner des aliments fibreux et moins riches. » Eric Barnier signale aussi que son troupeau est indemne de Caev(2), « peu le sont, actuellement ».
A. L.
(1) Agrial a deux pépinières sur le secteur, une à Crest, l’autre à Chatuzange-le-Goubet. Y sont élevées, pendant cinq mois, des chevrettes achetées à l’âge d’un mois à des éleveurs puis revendues à d’autres.
(2) Caev : arthrite encéphalite virale caprine.
Eurial toujours en quête de lait de chèvre
Eurial, la branche laitière du groupe coopératif Agrial, est toujours à la recherche de lait de chèvre dans la région. Xavier Goy, président du bassin lait de chèvre Rhône-Alpes d’Eurial, le rappelle. « Cette année, avec la crise sanitaire, les stocks sont un peu plus élevés (même niveau qu’en 2018), sans que ce soit catastrophique, explique-t-il. Les ventes se sont bien passées : elles se sont réduites à l’export, la RHD est sinistrée, les marchés ont changé mais le lait de chèvre s’en tire bien. Nous n’avons pas revu nos projets de croissance. En Rhône-Alpes, elle est de l’ordre de 10 %. Les objectifs fixés lors de la fusion de Valcrest avec Eurial, de 20 millions de litres sur ce bassin, ne sont pas encore atteints ; il y a donc de la place pour des installations, avec des perspectives de prix plutôt bonnes. »
Pour inciter les projets, Eurial finance toujours l’acquisition de chevrettes, de boucs et les frais d’élevage la première année. Elle garantit un prix de base pendant cinq ans (dans la limite d’un litrage). Et elle accorde une prime pour l’achat de reproducteurs qualifiés, ainsi qu’une aide à l’installation les trois premières années.
A. L.