L’eau et la Pac 2023 en session chambre d’agriculture
Le 26 novembre, la chambre d’agriculture de la Drôme a tenu sa dernière session de l’année à Bourg-lès-Valence. Gestion de l’eau pour l’irrigation et préparation de la Pac 2023 étaient au cœur des débats.

La session de la chambre d’agriculture, le 26 novembre, a été intense. A l’image de ce que sera l’année 2022 pour l’agriculture. Mise en route d’une nouvelle gestion collective des prélèvements d’irrigation et prochaine politique agricole commune (Pac) étaient notamment à l’ordre du jour.
Eau : affiner les besoins
Concernant l’eau, les élus ont approuvé (à la majorité moins deux abstentions) le nouveau règlement de l’organisme unique pour la gestion collective (OUGC). Chaque année, à l’automne, les irrigants devront fournir leurs relevés de consommation et estimer leurs besoins pour la campagne suivante. « 2022 sera une année de transition dans ce nouveau fonctionnement, a rappelé Jean-Pierre Royannez. Nous allons travailler sur des règles de répartition en fonction des systèmes d’exploitation. A partir de 2023, l’attribution des volumes ne se fera plus sur la base de l’historique mais bien par rapport aux besoins de l’exploitation.» Cette nouvelle organisation inquiète sur le terrain. Plusieurs élus de la chambre d’agriculture craignent que les règles établies figent la possibilité d’accéder à l’eau pour de nouveaux installés. D’autres, qu’il soit tout simplement impossible pour les irrigants de planifier leurs besoins dès l’automne alors même qu’ils ne connaîtront qu’en février ou mars les cultures qu’ils mettront en place (notamment chez les producteurs de semences).
Des piscines ou manger local ?
Selon Isabelle Nuti, directrice départementale des territoires, cette nouvelle gestion « ne fige pas mais au contraire permet d’affiner le besoin réel de chaque irrigant et donne des marges de manœuvres ». Elle a rappelé au passage que l’État avait fortement incité la chambre d’agriculture à reprendre les missions de l’OUGC [jusque là portées par le Sygred, ndlr], « pour une vision d’ensemble et une gestion plus équitable ». Elle estime que cette gestion globale par la chambre d’agriculture donnera du poids à la profession agricole lors des négociations autour de la ressource en eau par territoire. Jean-Pierre Royannez appelle d’ailleurs à mettre en place partout en Drôme des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) qui évaluent l’ensemble des usages. « Les prélèvements en eau potable ont explosé, souligne-t-il. Veut-on manger local ou veut-on des spas et des piscines », résume-t-il, estimant que des priorités devront être définies.
La préfète de la Drôme, Elodie Degiovanni, a assuré que la mobilisation de nouvelles ressources sera au cœur des réflexions en 2022. « Le projet HPR* [Hauts de Provence Rhodanienne, ndlr] est un objectif stratégique majeur. Ce dossier doit être rapidement structuré côté drômois pour monter dans le train au côté des Vauclusiens, a-t-elle affirmé, annonçant une réunion prochaine des acteurs concernés. Nous avons aussi besoin de nous attaquer d’urgence à la question des petites retenues collinaires, notamment dans le Nord-Drôme. Une étude récente conduite par le conseil départemental identifie une vingtaine de sites potentiels, il est important de mettre le turbo sur ce travail. »
Préparer les exploitations à la Pac 2023
Autre dossier majeur à l’ordre du jour de cette session : les premiers contours de la Pac 2023 et les changements à anticiper pour les exploitations drômoises. Si les textes définitifs ne seront disponibles que mi-2022, après validation par la Commission européenne du plan stratégique national (PSN) déposé par la France, la chambre d’agriculture est déjà en ordre de marche sur ce sujet. Plusieurs réunions, ouvertes à tous les agriculteurs, seront organisées durant le premier trimestre 2022. Lors de la session du 26 novembre, il a aussi été question de l’éco-régime. Cette nouvelle aide (un quart de l’enveloppe du premier pilier) pourrait se décliner sous forme d’un paiement forfaitaire à l’hectare à deux niveaux. Pour en bénéficier, trois voies d’accès sont prévues : celles des pratiques agricoles, celle de la certification et celle des infrastructures agroécologiques. Jean-Pierre Royannez a alerté sur les conditions d’accès à l’éco-régime notamment par la voie des pratiques agricoles. « Une première simulation effectuée par la chambre régionale d’agriculture [sur la base des données du registre parcellaire 2019, ndlr] révèle que, sans changement de pratiques, 13 % des exploitations drômoises n’auraient pas accès à l’éco-régime par cette voie », avertit le président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Il insiste sur la nécessité de travailler dès à présent sur ces questions : « il faut que chacun s’interroge sur comment il ira chercher les points nécessaires pour accéder au niveau d’éco-régime le plus élevé ». La chambre d’agriculture proposera des formations et diagnostics sur ce thème, notamment le « diagnostic éco-régime scoring terres arables » ou encore la calculette Pac pour évaluer les conséquences de la réforme à l’échelle de l’exploitation.
Alerte sur la détresse agricole
Autre sujet abordé lors de la session, le système de suivi des parcelles en temps réel, qui accompagnera cette nouvelle Pac 2023. Son principe : des images satellites prises tous les trois à cinq jours qui permettront la reconnaissance automatique des cultures, des couverts, de l’enfrichement… Ce « monitoring » devrait à terme remplacer une partie des contrôles traditionnels. Il ouvre aussi « le droit à l’erreur ». En effet, sur la base de ce suivi en remps réel, le déclarant recevra des alertes pour modifier, sans impact financier, sa déclaration Pac.
Plusieurs élus ont cependant exprimé de vives inquiétudes face à cette nouvelle réforme. « Je crains que l’on accentue encore la détresse agricole, d’autant plus en Drôme avec beaucoup de petites exploitations diversifiées qui vont se retrouver face à encore plus de complexité administrative », a souligné Christian Nagearaffe. Un sentiment partagé par Anne-Claire Vial. Sur certains points, « on est presque dans l’absurde », a-t-elle considéré en demandant à la préfète de faire remonter ces difficultés. Elodie Degiovanni a assuré que les services de l’État et la chambre d’agriculture travailleraient ensemble pour que chaque agriculteur s’approprie les nouveaux éléments et s’y retrouve, et que ces questions du suivi en temps réel seraient gérées « avec bienveillance ».
Sophie Sabot
* HPR : Il vise à mobiliser des ressources en eau de substitution pour un territoire couvrant 81 communes en Sud-Drôme et Nord-Vaucluse.

Le budget 2022 approuvé
8,3 millions d’euros. C’est le budget initial 2022 approuvé lors de la session, en recul par rapport à 2021 (9,6 M€) puisque le budget écoulé incluait l’organisation du salon Tech&Bio (un an sur deux). Pour 2022, le directeur Damien Colin a annoncé une progression de la masse salariale (82 ETP contre 78 en 2021). Quatre embauches seront réalisées : un conseiller élevage bovin viande, un conseiller d’entreprise et, avec le soutien financier du Département, seront créés un poste sur la résilience au changement climatique et un sur les politiques alimentaires.
Energies renouvelables et agriculture
Thierry Mommée, membre du bureau en charge du dossier énergie, a rappelé les objectifs visés par l’État en matière de développement du photovoltaïque. En Drôme cela conduirait à multiplier par dix d’ici 2050 les surfaces en panneaux déjà installées en 2019. L’élu a rappelé la position de la chambre d’agriculture affirmée lors des Assises du foncier : préserver les terres agricoles du photovoltaïque au sol. La priorité est donnée aux installations sur bâtiments, existants ou à construire (sous réserve de l’utilité agricole du projet), aux serres photovoltaïques si elles abritent un projet agricole réel et pérenne et à l’agrivoltaïsme, sous réserve d’ acquisition de références techniques et économiques solides. L’occasion aussi de dresser un rapide état des lieux de la production d’énergies renouvelables en Drôme. Selon les chiffres de l’ORCAE* présentés en session chambre, en 2019, les installations photovoltaïques représentaient une puissance de 207 Gigawatt-heure (GWh), le biogaz de 230 GWh, l’éolien de 313 GWh et le bois énergie de 821 GWh.