Bactériose de l’abricotier : des porte-greffes à l'essai
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En 2012, la Sefra a mis en place avec le concours de trois organisations de producteurs (GIE de l'Hermitage, Rhodacoop et Valsoleil) ainsi que de CEP Innovation, un essai de synthèse vis-à-vis de l'incidence des porte-greffes sur le développement de la bactériose en verger d'abricotiers. Quatorze combinaisons (porte-greffes, hauteurs de greffage, intermédiaires) ont été testées avec la variété Bergeval®, sur trois sites de la région propices au développement de la maladie.
Soulignant le caractère aléatoire et parfois imprévisible de la maladie, seul un site situé sur la commune de Beaumont-Monteux en sol de diluvium alpin, permet aujourd'hui de tirer des enseignements. Un site situé sur le plateau ardéchois n'a pas encore suffisamment de pression : le suivi continue en attendant une année plus favorable à la maladie.
Les résultats présentés ici concernent donc le comportement de porte-greffes en sols de type diluvium alpin : filtrants, sablo-limoneux, caillouteux à PH légèrement acide (6.5). Ce sont des sols que l'on rencontre couramment en Vallée du Rhône mais la bonne adaptation du porte-greffe au sol est tellement importante, y compris pour la bactériose, que cette précision est importante.
La parcelle utilisée a comme précédent cultural du kiwi et de l'abricotier, avec des problèmes de bactériose à pseudomonas sur les deux espèces. (Voir tableau ci-dessous).
Il y a donc des porte-greffes de type pêcher et pêcher croisé amandier (bien adaptés à ce type de sol), d'autres de type pruniers (à priori moins bien adaptés) et des interspécifiques.
Le montclar® fait office de référence régionale, le rubira de référence en matière de tolérance à la bactériose. Le
GF 677 avait également conféré une bonne tolérance à la bactériose dans les essais initiaux mais pose des problèmes de compatibilité qui nécessitent l'utilisation d'un intermédiaire. Un greffage haut peut permettre (par un effet mécanique) de limiter le problème.
Le myrobolan GF 1254 est la référence en porte-greffe de type prunier, alors que le mariana GF 8-1 semblait avoir un intérêt vis-à-vis de la bactériose dans quelques parcelles de producteurs. Ce porte-greffe vigoureux possède un très bon ancrage et une bonne tolérance au pourridié. Son incompatibilité avec l'abricotier (excepté bergeron) nécessite également le recours à des intermédiaires.
L'ishtara®, le toriplus® et le krymsk®86 sont trois porte-greffes plus récents dont le comportement vis-à-vis de la bactériose était mal connu.
Pour chaque combinaison, huit arbres sont suivis.
Incidence sur le développement de la bactériose
Situation en fin de cinquième année cf tableau et graphiques
Jusqu'en fin de deuxième année (2013), aucune attaque n'a été relevée (excepté quelques points de gomme). Après quelques attaques en 2014 (3e année), les dégâts ont été importants en 2015 et plus faibles en 2016.
On note plus de 60 % de mortalité sur toriplus®, ischtara® et krymsk® 86 et 50 % sur myrobolan P1254. Ce sont donc les porte-greffes de type pruniers ou hybrides de pruniers qui sont les plus touchés : ce qui est conforme à nos connaissances pour un type de sol filtrant. Le greffage à 60 cm n'apporte pas une solution suffisante dans ces conditions.
Le mariana GF 8-1 avec intermédiaires se comporte un peu mieux mais des attaques sont tout de même relevées. Outre les mortalités d'arbres ou charpentières, des points de gomme et dessèchements de brindilles ont été notés ; ce qui pourrait se traduire par des dégâts les années prochaines ou une diminution du potentiel de production.
Les porte-greffes de type pêcher et pêcher-amandier (GF 677) ont toujours en fin de cinquième année les meilleurs comportements, dans ce type de sol.
Avec le porte-greffe montclar®, on note un peu plus d'attaques pour le greffage à 20 cm (par rapport à 60 cm où n'a été détectée aucune attaque) mais les écarts ne sont pas significatifs.
Enfin, le porte-greffe rubira ne présente aucune mortalité d'arbre que ce soit avec un greffage à 20 ou à 60 cm.
Incidence sur la vigueur des arbres
Exprimée par mesure de la circonférence de troncs à 20 cm au dessus du point de greffe (en mm) (cf graphiques) :
Le verger présente un bon niveau de vigueur en fin de cinquième année. Les écarts de vigueur entre porte-greffes commencent à s'exprimer.
Le porte-greffe rubira à 20 ou 60 cm présente la plus faible pousse et un volume d'arbre qui paraît insuffisant dans ce type de sol pour permettre des résultats agronomiques intéressants (sauf avec une densification plus importante).
A l'opposé, les pruniers mariana GF 8-1 et myrobolan P1254 se comportent très bien (en vigueur) dans un sol pourtant filtrant, de même que le krymsk 86 (trois arbres encore vivants). Le mariana GF 8-1 commence à émettre des rejets à partir du système racinaire, alors que le myrobolan a quelques repousses à partir du collet.
Le GF 677 avec intermédiaire montclar® a également une bonne vigueur mais ne se démarque pas du montclar®. A noter, sur le GF 677 utilisé seul (ici en œil dormant) et greffé à 60 cm, il n'a pas été constaté de problème de compatibilité et de casse au point de greffe sur cet essai. Un pourcentage de casse important a toutefois été relevé dans l'essai situé en Ardèche (avec une vigueur supérieure). Le porte-greffe ishtara® a eu une bonne installation et confirme sa vigueur légèrement inférieure au montclar®.
En résumé...
Ce verger situé en sols de diluvium alpin et en situation de replantation présente une bonne vigueur générale en fin de cinquième année.
Vis-à-vis de la bactériose, les porte-greffes de type prunier ont manifesté une sensibilité plus élevée, avec des mortalités importantes en quatrième année. L'hiver 2015-2016 n'a pas entraîné de gros problèmes de bactériose mais l'inoculum reste présent. Dans ces conditions, le greffage à 60 cm n'apparaît pas suffisant.
Le porte-greffe mariana GF 8-1, utilisé avec des intermédiaires, se comporte un peu mieux mais les résultats sont assez décevants par rapport à ce qui était attendu. Il reste un porte-greffe intéressant en cas de présence de pourridié.
Le porte-greffe GF 677 a un bon comportement pour l'instant mais n'apporte rien par rapport au montclar®. Sa compatibilité étant insuffisante avec la plupart des variétés d'abricot, il nécessite l'utilisation d'un intermédiaire.
Cet essai confirme le bon comportement du porte-greffe rubira vis-à-vis de la bactériose mais il devra être réservé à des variétés suffisamment vigoureuses ou des sols suffisamment « poussants ». Dans ce verger, la vigueur des arbres n'est pas satisfaisante et il ne pourrait pas être conseillé, sauf à densifier de façon plus importante.
En fin de cinquième année, la combinaison la plus satisfaisante reste donc l'utilisation du porte-greffe montclar® greffé à 60 cm. Sachant que cette hauteur de greffage ne modifie en rien la conduite de l'arbre et qu'elle doit représenter une hauteur minimum. En cas de risque élevé et avec une variété sensible, des hauteurs de greffage de 1 à 1,20 mètre sont souhaitables.
Christophe Chamet, responsable du programme abricot Sefra