La filière lavande candidate au patrimoine mondial de l’Unesco
Lundi 4 juillet, à Grignan, a eu lieu le lancement officiel de la candidature au patrimoine mondial de l’Unesco des « paysages olfactifs et poétiques de lavandes ». Cette candidature réunit trois territoires provençaux : la Drôme, les Alpes-de-Haute-Provence et le Vaucluse.

Alors que la filière lavandicole traverse une période tourmentée, la mise en lumière mais aussi la protection des zones traditionnelles de production sont plus que jamais essentielles. Les professionnels de la filière l’ont bien compris puisqu’ils souhaitent fédérer toutes les énergies derrière un objectif commun : faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco les « paysages olfactifs et poétiques de lavandes ». Le 4 juillet, ils ont lancé officiellement cette candidature d’abord à Grignan le matin, puis à Sault dans le Vaucluse et à Forcalquier dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Quatre structures portent cette démarche, initiée par les producteurs : l’Union des professionnels des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM de France), le Comité des plantes à parfum aromatiques et médicinales (CPPARM), la Commanderie de la lavande et l’Université européenne des saveurs et des senteurs (UESS). Elles sont notamment soutenues dans ce projet par le Département de la Drôme et la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
« Le poumon économique de la Provence »
À Grignan, devant un champ de lavandes, au pied du château, Alain Aubanel, lavandiculteur à Chamaloc et président de PPAM de France, a rappelé les fondamentaux de cette candidature. Pourquoi entamer cette démarche pour la lavande ? « Parce qu’elle le mérite et parce qu’on lui doit, affirme le lavandiculteur drômois. Cela fait 2 000 ans que l’on utilise la lavande. Elle a apporté la richesse à nos territoires. Jean Giono disait que la lavande est l’âme de la Provence. Elle est aussi son poumon économique. Ses paysages font se déplacer des millions de personnes chaque année. Elle a permis aux agriculteurs des zones de montagne sèche de sortir de la misère. » C’est pourquoi Alain Aubanel a enjoint élus et partenaires à soutenir cette démarche, « qui doit aboutir pour préserver ce patrimoine ».
Francis Vidal, grand maître de la Commanderie de la lavande, lavandiculteur à Mévouillon, a assuré que cette candidature, si elle aboutissait, serait « une assurance vie pour nos producteurs. En cas de difficulté économique, personne ne voudra voir disparaître ce patrimoine classé. »
De son côté, Laurent Depieds, président du CPPARM et de l’UESS, lavandiculteur dans les Alpes-de-Haute-Provence, a souligné la dimension culturelle liée à la lavande, qui a inspiré peintres, écrivains, photographes… avant d’affirmer : « Aujourd’hui, grâce à ces territoires historiques qui se sont servis d’une faiblesse pour développer cette production emblématique, la lavande est connue dans le monde entier. »
« Ce n’est pas un simple coup médiatique »
À Grignan, les trois initiateurs de la démarche ont pu compter sur le soutien des nombreux élus présents. Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental, a souligné son attachement à la lavande, « cet or bleu qui nous ravit tous les jours ». Elle a affirmé que « le Département de la Drôme répondra présent pour accompagner cette démarche tout au long de la procédure. Cette culture est primordiale pour le développement du département et de nos territoires de montagne sèche, mais également un atout pour notre rayonnement touristique. »
Pour Marie-Pierre Monier, sénatrice, « cette candidature n’a rien d’anecdotique et n’est pas un simple coup médiatique. Elle a une importance majeure pour l’avenir des territoires traditionnels de la lavande et du lavandin. C’est pourquoi nous devons adopter une démarche collective en oubliant nos clochers mais aussi faire preuve d’humilité car cette démarche peut être longue, très longue... »
Des soutiens affirmés également par la députée Marie Pochon et les conseillers régionaux Patricia Picard et Didier-Claude Blanc.
Reste à présent à franchir l’ensemble des étapes de ce long parcours vers l’inscription au patrimoine mondial (lire ci-dessous). Mais il ne fait aucun doute que l’opiniâtreté qui a permis aux agriculteurs des zones de montagne sèche de vivre de la production de lavande imprégnera l’ensemble de la démarche.
Sophie Sabot
8 686 hectares
C’est la surface de lavande et lavandin en Drôme en 2021 (source : FranceAgriMer d’après déclarations Pac). À la même date, la France en comptait 33 094, dont 13 572 dans les Alpes-de-Haute-Provence et 6 631 dans le Vaucluse. Les trois départements, qui viennent de déposer collectivement une candidature pour inscrire les paysages de lavandes au patrimoine mondial de l’Unesco, représentent ainsi 87% des surfaces françaises de lavande et lavandin.
En quoi consiste la candidature des paysages de lavandes à l’Unesco ?

Le 4 juillet, Nadia Bedar, directrice de la candidature « des paysages olfactifs et poétiques de lavandes » auprès de l’Unesco a donné un aperçu du travail à mener pour espérer rejoindre la liste des 49 patrimoines français déjà reconnus. « Le chemin vers une reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco est rude, difficile, surprenant mais ô combien passionnant », a affirmé Nadia Bedar. La directrice de candidature dispose d’une solide expérience en la matière puisqu’elle a accompagné la démarche d’inscription des savoir-faire grassois liés au parfum au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, qui a abouti en 2018. Elle porte également en ce moment le dossier d’inscription des savoir-faire liés à la ganterie en Pays de Millau.
Au minimum cinq ans de travail
Pour la candidature lancée par la filière lavandicole, il va s’agir notamment de réaliser « un inventaire précis de ce que l’Unesco nomme “pratiques sociales, rituels et évènements festifs”, liés aux lavandes », annonce Nadia Bedar. Parole sera aussi donnée aux artistes, aux maîtres parfumeurs, aux poètes, aux musiciens… « Nous valoriserons tous les travaux scientifiques qui ont pu être menés autour des lavandes », poursuit la directrice. Enfin, un maximum de témoignages de praticiens, c’est-à-dire ceux qui pratiquent le patrimoine, seront recueillis, « sous des formes originales et par les jeunes générations elles-mêmes », précise-t-elle encore.
« Nous partons au minimum pour cinq ans de travail, estime Aurélie Antonioli, directrice du CPPARM. Cette candidature est à l’initiative des producteurs mais tous ceux qui le souhaitent - élus, acteurs du tourisme, entreprises, apiculteurs…- peuvent les rejoindre dans cette démarche. » Autant de soutiens qui seront nécessaires pour emporter cette inscription au patrimoine mondial. « La candidature se gagne sur un vote international. Nous devrons démontrer la valeur universelle exceptionnelle de ce bien », précise Xavier Lemonde, directeur de l’UESS.
Sophie Sabot
49 biens inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco
La Conférence générale de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) a adopté le 16 novembre 1972 la convention de protection du patrimoine mondial, culturel (œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes...) et naturel (monuments naturels, formations géologiques et physiographiques ou sites naturels…). Chaque État adhérent de cette convention reconnaît que l'obligation d'assurer l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel situé sur son territoire, lui incombe en premier chef. Ainsi, il lui revient de soumettre au Comité du patrimoine mondial un inventaire des biens susceptibles d’être inscrits sur la liste de ce patrimoine.
La France compte actuellement 49 biens inscrits au patrimoine mondial dont 42 biens culturels, 6 biens naturels et un bien mixte. Parmi eux, on trouve les « Coteaux, maisons et caves de Champagne », la « Grotte ornée du Pont-d’Arc, dite Grotte Chauvet-Pont-d’Arc » (Ardèche), les « Causses et les Cévennes, paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen », les « Climats du vignoble de Bourgogne », le « Site historique de Lyon » ou encore le « Centre historique d’Avignon ».
