A Mévouillon : l’expérimentation au service des Ppam
Mi-septembre a eu lieu l’assemblée générale de l’association de recherche et développement en économie de montagne agricole (Ardema) qui pilote la ferme expérimentale de Mévouillon. Le point sur les travaux qui y sont menés dans le domaine des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam).

Depuis les années 2000, un fil conducteur guide les expérimentations menées sur la ferme expérimentale de Mévouillon : le dépérissement à Stolbur, phytoplasme transmis par une cicadelle, Hyalthes obsoletus. Objectif : apporter des réponses techniques à ce dépérissement de la lavande et du lavandin en zone de montagne sèche et préserver le revenu des exploitations. C’est autour de cette priorité qu’ont été construits depuis une vingtaine d’années les programmes d’expérimentation de l’Ardema. Ceux-ci ont contribué à valider les méthodes prophylactiques aujourd’hui disponibles pour les producteurs, notamment planter des plants sains certifiés indemnes de phytoplasme, utiliser des couverts végétaux qui créent une barrière physique et réduisent de 50 % en moyenne les symptômes ou encore avoir recours à des pulvérisations d’argile.
En parallèle, se pose depuis plusieurs années la question des alternatives possibles à la culture de lavande ou lavandin en zone de montagne sèche.
Trois essais se terminent cette année
A l’occasion de l’assemblée générale de l’Ardema, Pierre Battail, conseiller Ppam à la chambre d’agriculture de la Drôme et responsable de la ferme expérimentale, a présenté le bilan d’activité 2020. Pour plusieurs expérimentations, il s’agissait d’une année intermédiaire sur un programme de trois ans qui se termine en 2021. C’est le cas notamment de trois essais réalisés avec le soutien financier* de la Région Aura. Le premier concerne la pulvérisation foliaire d’oligoéléments, autorisés en agriculture biologique, en plein champ sur lavande maillette. « Cette pratique est utilisée en cultures sous abris et montre une efficacité selon certains maraîchers et pépiniéristes. Nous souhaitions vérifier s’il existe un effet technique à l’utilisation d’oligoéléments en plein champ et si c’est économiquement justifiable pour nos cultures », décrit Pierre Battail.
Le second porte sur l’évaluation de différentes formes d’apport d’azote sur une parcelle où du compost est épandu annuellement. Au printemps, la décomposition de ce dernier peut créer une « faim d’azote » pour la culture. L’essai est mené sur lavandin grosso. Enfin un troisième essai (en bio) concerne les possibilités de diversification en montagne sèche au travers de l’achillée millefeuille. « L’objectif est d’établir une fiche technico-économique pour les producteurs de ce terroir. Il faudra encore valider quels volumes cette espèce, en sec, sont recherchés par les acheteurs avant de communiquer éventuellement sur des surfaces à planter », avertit le responsable de la ferme expérimentale. Pour ces trois essais, les résultats devraient être publiés d’ici la fin de l’année.
Implantation d’origan dans une prairie
Toujours financé par la région Aura, un autre essai a démarré en 2020. Il concerne l’implantation d’origan dans une prairie . « Aujourd’hui la pratique la plus commune pour les couverts végétaux inter-rangs est de planter une Ppam pérenne puis de semer après plantation. Avec cette expérimentation, nous souhaitons valider un itinéraire technique qui consiste à planter dans une prairie déjà existante », détaille Pierre Battail. Les mottes d’origan ont été implantées début mai 2020 dans un mélange Saint-Marcellin semé en 2018, tondu sur l’inter-rang puis travaillé à la fraise rotative sur le rang avant plantation.
Autre volet important des travaux menés à Mévouillon : la sélection, l’évaluation, la conservation et la diffusion de différentes espèces. Cette mission, financée par FranceAgriMer, a permis de sélectionner et d’évaluer des clones de lavandes, de conserver et diffuser des collections de lavandins mais également des pieds-mères de thyms chémotypés. « Nous avons douze clones différents de thym dont certains d’origine locale. Cette collection est au service de la filière auprès de qui nous diffusons ces plants, indique encore le responsable. Quant à la collection de lavandin, elle a un aspect patrimonial. Certains de ces clones ne sont présents que sur notre station expérimentale. Ce conservatoire de ressources génétiques pourra servir en amont de programmes de sélection variétale par exemple.»
Sophie Sabot
* Dans le cadre des pôles d'expérimentations agricoles partenariales pour l'innovation et le transfert aux agriculteurs (Pepit) qui remplacent les pôles d’expérimentation et de progrès (PEP).
Tilleul : projet de verger conservatoire
Pour 2022, le conseil d’administration de l’Ardema a validé de nouvelles expérimentations. Leur mise en œuvre est désormais soumise à l’obtention des financements régionaux et départementaux. Les essais programmés porteraient notamment sur la diversification des cultures en zone de montage sèche. Trois à quatre espèces nouvelles pourraient faire l’objet d’un suivi sur trois à quatre ans pour obtenir des références techniques et économiques indispensables pour les producteurs.
L’Ardema projette également d’installer un verger conservatoire de tilleuls. Des cultivars intéressants ont été repérés dans les Baronnies et le Vercors avec les cueilleurs locaux. L’idée est de pouvoir les comparer mais également de tester la possibilité de mener ce verger en agroforesterie. Une culture de romarin sera associée pour fournir un revenu le temps de l’entrée en production des tilleuls (6 à 7 ans).
S.S
L’Ardema en bref
L’Ardema est l’association support qui exploite la ferme expérimentale de Mévouillon située à 850 m d’altitude. Elle réunit le Département de la Drôme, propriétaire du foncier, et la chambre d’agriculture. 14 ha sont cultivés dont 3 pour des expérimentations. Elle emploie un chef de culture, Benoît Girard, qui entretient la ferme et les essais toute l’année. Le conseil d’administration, présidé par Nathalie Gravier, agricultrice à Sainte-Jalle, est composé de trois élus de la chambre d’agriculture et trois du Département. Il valide chaque année le programme d’expérimentations issus des besoins exprimés par les agriculteurs directement auprès des conseillers techniques ou lors de commissions interprofessionnelles. Ce programme est également soumis à l’avis technique des instituts de la filière, Iteipmai et Crieppam.