Des haies durables et à valoriser
De multiples acteurs s’engagent pour encourager les agriculteurs à implanter des haies, à les entretenir et à les valoriser. La création d’une filière locale de valorisation du bois est envisagée.

D’imposantes branches menaçaient de tomber sur ce chemin communal fréquenté par des promeneurs à Montélier. Pas d’autres choix que d’intervenir pour Thierry Biousse, agriculteur et propriétaire de cette haie préoccupante. Depuis son installation en 1997, ce dernier a délaissé ces plantations agroforestières situées en bordure de sa parcelle. Résultat, c’est un véritable chantier de restauration auquel il a dû s’atteler. Il a sollicité l’agence Valence Romans Eau pour l’accompagner dans son projet.
Le chantier s’est déroulé lundi 16 décembre avec l’intervention de l’Adaf, de Mission haies, de la Cuma bois énergie 26 et d’un élagueur professionnel. « Je voulais tailler mais je ne savais pas comment m’y prendre avec la réglementation », raconte le propriétaire du terrain sur lequel était organisée la journée. Près de dix professionnels, dont une majorité d’agriculteurs, ont participé à cette visite technique avec au programme : démonstration de déchiqueteuse, de coupe et valorisation du bois et échanges autour des coûts et du matériel.
Une gestion durable
Située sur une zone de captage d’eau propriétaire, l’exploitation de Thierry Biousse se fait accompagner par l’agence Valence Romans Eau pour la gestion de sa haie. À l’échelle de l’agglomération, 20 000 hectares de surfaces agricoles utiles (SAU) sont ciblés. Parmi les accompagnements proposés, le dispositif de paiements pour services environnementaux (PSE) encourage le changement des pratiques agricoles, notamment à travers la plantation et la gestion durables des haies. Infiltration, épuration par les racines et effet coupe vent jouent sur la qualité et la régulation de l’eau. Ces pratiques sont rémunérées à travers le label Haie et son cahier des charges.
« En France, 11 500 kilomètres de haies disparaissent par manque d’entretien chaque année. C’est pourtant un outil de production économique, une partie intégrante des exploitations et des refuges précieux pour la biodiversité », rappellent les intervenants. ©ME-AD26
Lors de la visite technique organisée chez Thierry Biousse, un élagueur professionnel s’est attaqué aux trognes des peupliers noirs. La haie n’ayant pas été taillée durant plusieurs années, elle s’est transformée en arbres. Il faut compter en moyenne 450 euros par jour pour l’intervention d’un élagueur selon les contraintes de taille. « Même si les agriculteurs aiment faire les choses eux-mêmes, il faut penser à sa sécurité. Parfois, si c’est un gros chantier, il vaut mieux appeler un professionnel », prévient l’intervenant équipé de cordes pour atteindre avec précaution les branches en hauteur.
Les arbustes n’ont quant à eux pas assez de lumière pour pousser. Couper les branches en hauteur permet ainsi de retrouver l’intérêt de la mise en lumière. « L’avant et l’après peut paraître violent. Parfois, nous devons aussi sensibiliser les passants pour expliquer les bénéfices de ce type d’intervention », souffle un membre de l’équipe de l’Adaf. Une par une les branches des grands peupliers tombent au sol. Les arbres dégagés, le soleil s’étend sur la parcelle. Les arbustes aussi ont le droit à leur nouvelle coupe qui permet de les « rajeunir ». Selon les professionnels, « si nous coupons proprement, les arbres se régénèrent. Les arbustes développeront leur propre système racinaire. La haie sera plus dense et l’effet coupe vent sera restauré ». Encourager à une gestion durable des haies, c’est l’objectif du label Haie mais aussi des professionnels de l’Adaf et de la Mission haie. « En France, 11 500 kilomètres de haies disparaissent par manque d’entretien chaque année. C’est pourtant un outil de production économique, une partie intégrante des exploitations et des refuges précieux pour la biodiversité », rappellent les intervenants.
Les haies se valorisent
Curieux, plusieurs agriculteurs ont assisté à la visite technique. « Je me chauffe à la bûche et ça devient pénible », témoigne un éleveur venu de Saint-Marcel-lès-Valence et intéressé par la Cuma bois énergie 26. Deux employés municipaux, aux espaces verts de la mairie de Bourg-lès-Valence, sont venus se renseigner « voir si c’est applicable en ville, si nous pouvons valoriser les haies et peut-être mettre du broyat à disposition de la population ». Le bois coupé sur la parcelle de Thierry Biousse pourrait être utilisé pour produire des plaquettes. La cuma Bois énergie 26 a prêté sa broyeuse le temps de la visite technique. « Le peu de haies que j’aie, je chauffe avec et j’en ai même trop », témoigne un des membres du collectif qui se chauffe de cette manière depuis plus de quinze ans. Un mètre cube de plaquettes apparent équivaudrait ainsi à 90 litres de fioul.
« Même si les agriculteurs aiment faire les choses eux-mêmes, il faut penser à sa sécurité. Parfois, si c’est un gros chantier, il vaut mieux appeler un professionnel », prévient l’élagueur. ©ME-AD26
Un avantage économique considérable pour ceux qui valorisent leur bois de haie. « Je ne trouve pas normal qu’il n’y ait pas plus d’agriculteurs qui se chauffent comme ça, s’étonne Lilian Moulin, agriculteur à Montmeyran et adhérent à la cuma. Nous avons l’énergie sur place, elle ne sera jamais marchandée. Il faut comprendre qu’une haie, elle peut s’exploiter ». À ce jour, la prestation de la cuma bois énergie 26 coûte 5,20 euros le mètre cube. D’autres valorisations existent : l’amendement sur les parcelles, notamment en agriculture de conservation des sols, la litière pour les animaux en remplacement de la paille ou encore le paillage des haies qui viennent d’être plantées.
Morgane Eymin
Des contacts pour se faire conseiller
- Formation « Entretenir et former sa jeune haie », organisée par la chambre d’agriculture. Pour les agriculteurs possédant des haies plantées depuis 5 à 15 ans. Informations sur le Pacte en faveur de la haie. Contact : 06 68 43 94 86.
- Formation « Gérer et tailler ses haies et arbres forestiers » organisée par l’Adaf, les 10 et 11 février ou formation « implanter, concevoir ses haies et/ou son projet agroforestier » les 11 et 12 mars. Contact : 06 28 78 68 67.
- Mission haie Auvergne Rhône-Alpes : 07 81 38 32 61 ou 04 75 68 90 59.
Un accompagnement pour implanter sa haie
3 questions à... Myrtéa Chaumien, conseillère biodiversité et agroforesterie à la chambre d’agriculture de la Drôme
« Il faut que le matériel utilisé soit exclusivement dédié à la taille des haies sinon les lames s’usent et le bois éclate », prévient Myrtéa Chaumien. ©CA26
La chambre d’agriculture a organisé une journée technique le 9 décembre pour montrer comment agissent les haies sur l’érosion. Quels résultats ont pu être observés ?
Myrtéa Chaumien : « Cette journée a permis de rappeler l’importance des différents systèmes racinaires des arbres. Nous avons d’abord observé un modèle d’agroforesterie avec des rangées d’arbres dans une prairie de fauche et pentue. Sur place, l’exploitant nous a expliqué que cette agroforesterie intra-parcellaire retenait ses sols. Avant, lors de périodes de fortes pluies, il y avait une partie du terrain qui allait sur la route en dessous. L’agroforesterie et le recours aux couverts végétaux sur la prairie ont mis fin aux soucis d’érosion sur la parcelle. Comme il est en polyculture élevage, avoir de la prairie de fauche l’intéresse, mais ça peut aussi être un problème de fond avec des parcelles qui sont beaucoup travaillées et en pente. Sur ces parcelles-là, il y a peu de solutions, mis à part garder enherbé toute l’année.
Nous avons aussi observé une haie de trois ans, située en bas d’une parcelle un peu moins pentue et travaillée en grandes cultures. Il y a moins de problèmes d’érosion mais nous avons quand même constaté les bénéfices de la haie. Aux pieds des jeunes plants d’environ un mètre, il y avait une bâche installée à l’implantation. Avec les années, et les différentes coulées de boue, la bâche était recouverte de sédiments. Ça faisait comme un plateau au niveau de la haie, derrière laquelle se trouvait une autre parcelle. La terre a été retenue par la haie sans aller sur la parcelle du dessous. Conclusion, l’arbre infiltre l’eau et il permet de retenir les sédiments. En général, en l’espace de deux ou trois ans, nous avons les premiers résultats et c’est après, quand elle fait plus d’un mètre et qu’une bande enherbée s’est développée à ses pieds, que la haie peut être vraiment efficace. »
Une seconde journée technique a été organisée le 10 décembre afin de conseiller les agriculteurs sur l’entretien de leur haie. Quels conseils ont été donnés ?
M.C. : « Le premier problème concerne l’utilisation d’outils non adaptés à la haie comme le girobroyeur par exemple. C’est le matériel le plus utilisé par les agriculteurs car il est pratique et va vite. Le problème, c’est qu’il n’est pas fait pour tailler des haies. Tous les ans, il faudra repasser car il n’assure pas une taille de formation. Ça reste un entretien superficiel. Nous conseillons l’entretien pluriannuel avec des outils spécialisés comme des lamiers ou une barre sécateur. Ces outils permettent de couper de plus grosses branches et d’enlever un bon mètre. Pour un lamier, il faut compter 30 euros les 100 m de haies en prestation. Dans tous les cas, il faut que le matériel utilisé soit exclusivement dédié à la taille des haies sinon les lames s’usent et le bois éclate. »
Quelles aides pour implanter des haies ?
M.C. : « L’aide principale, c’est le Pacte en faveur de la haie. Elle permet la plantation de haies d’arbres intra-parcellaires via un forfait fixe selon le mètre linéaire que les agriculteurs vont planter. En général, le plan couvre tous les frais. Le projet n’est pas financé sur facture donc si un agriculteur a du paillage, il peut l’utiliser. Deux conditions : être exploitant agricole et avoir au minimum 1 500 euros d’aides à demander.
Le Marathon de la biodiversité est quant à lui porté par des communautés de communes (Val de Drôme, Arche agglo, Valence Romans agglo…) ou des syndicats d’irrigation. Il concerne la plantation de haies ou l’installation de marres. Lors du dépôt de dossier, l’agriculteur s’engage à réaliser le projet sur une durée déterminée. En général, les communautés de communes achètent les plans et parfois financent eux-mêmes la plantation. Pour aider les agriculteurs à choisir les essences, nous organisons des formations de deux jours avec la Fédération départementale des chasseurs et la Mission haies et nous donnons des conseils individuels. Les aides s’adressent toujours à la plantation d’arbres champêtres. Lors d’une première plantation, nous essayons de ne pas dépasser 800 mètres. »
Propos recueillis par Morgane Eymin