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Témoignage

Un vigneron « remis debout »

Le 3 juin à Barsac, Solidarité Paysans Drôme-Ardèche a accueilli des agriculteurs et partenaires pour échanger autour du témoignage de David Bautin, vigneron. Celui-ci a bénéficié d’un accompagnement de l’association pour traverser une passe difficile de la vie de son exploitation.

Un vigneron « remis debout »
David Bautin (à d.), vigneron à Barsac, a été accompagné par Sabrina Dupoux, salariée de Solidarité Paysans Drôme-Ardèche et Marc Tardy, bénévole de l’association.

« Quand j’ai appelé Solidarité Paysans, j’étais démuni, je n’avais plus la niaque, la santé s’en ressentait », confie David Bautin, vigneron à Barsac. C’était il y a quatre ans. L’exploitant traverse une période très difficile avec sa banque. « Je leur devais 100 000 euros, ils voulaient me foutre dehors », résume David Bautin. La relation avec le nouveau conseiller de la banque en question devient impossible. « J’avais affaire à des gens complètement inhumains, formatés, qui m’ont poussé à bout » déplore-t-il. Sa compagne lui conseille de faire appel à Solidarité Paysans. C’est ainsi qu’il rencontre Marc Tardy, bénévole, et Sabrina Dupoux, salariée de l’association. Le binôme prend le temps de venir écouter le vigneron, de comprendre ce qui le met sous pression et de l’accompagner pour redresser la barre.

Apaiser les tensions

Avec Marc Tardy, ancien formateur en comptabilité et gestion auprès d’un CFPPA*, David Bautin travaille sur des plans de trésorerie. Sabrina Dupoux l’accompagne pour rédiger les échanges écrits avec la banque et apaiser les tensions. « Vous avez contourné ma relation conflictuelle avec ce conseiller et là, ça a été génial », déclare David Bautin à ses deux accompagnateurs. Une fois les choses « mises à plat », il repart avec une nouvelle banque. « Aujourd’hui, je dois encore de l’argent mais ça va beaucoup mieux », affirme le vigneron.

L’occasion aussi pour lui de décrypter les étapes de son parcours qui l’ont poussé vers cette situation. « J’ai repris en 1997 l’exploitation de mon père avec qui je travaillais depuis 1989, raconte-t-il. Il exploitait et vinifiait 4 hectares de vignes. De toute sa vie, il a construit son outil de travail sans jamais faire appel au moindre emprunt ». Mais l’essor de la Clairette de Die dans les années 1990 et la modernisation de nombreuses caves donnent envie au jeune vigneron d’investir lui aussi. Il commence par planter 1,5 ha supplémentaire de vigne puis, en 2006, se lance dans la construction d’un nouveau bâtiment pour la vinification et le stockage de ses vins. « C’était un gros investissement, ça a été dur de faire face. Je ne voulais pas augmenter mes surfaces en vigne pour garder une certaine qualité de vie mais il fallait bien vendre des bouteilles pour rembourser. J’ai mangé de l’argent chaque année », décrit-il.

« Je retrouve ma place »

Depuis 25 ans, il n’a jamais ménagé ses efforts pour commercialiser ses produits en vente directe. « Je fais vingt-cinq salons par an. Dès l’automne, c’est tous les week-ends. Aujourd’hui, j’ai un fichier solide de près de 7 000 clients. J’aimerais diminuer un peu le nombre de salons mais le problème c’est qu’on ne vend pas assez cher notre produit. L’appellation Clairette de Die est valorisée à près de 80 % en grandes surfaces, avec des prix tirés vers le bas », estime-t-il. Dans ce contexte, il juge difficile d’augmenter ses propres prix. D’autant plus qu’il doit s’assurer de la fidélité de sa clientèle après une année « Covid » qui, avec l’annulation des évènements commerciaux, lui a fait perdre 35 % de ses ventes.

Malgré ces nouvelles difficultés, David Bautin semble serein quand il évoque son métier. « Durant dix ans, j’ai eu un salarié dans les vignes qui vient de partir pour s’installer. J’en ai profité pour embaucher une journée par semaine quelqu’un sur les questions administratives qui me prenaient la tête. En dégageant du temps pour retourner dans les vignes, je retrouve ma place et c’est beaucoup plus sain pour moi » , témoigne-t-il.

S’il sait que c’est en partie l’investissement réalisé en 2006 qui l’a conduit dans une situation délicate, il affirme : « J’ai un outil de travail extraordinaire, je me régale en vinification. Le bâtiment est désormais payé et je retrouve une qualité de vie très chouette ». Prochaine étape, trouver le meilleur équilibre possible entre son métier de vigneron et sa passion pour la musique. « J’organise des concerts, je veux faire vivre ce lieu culturellement. Ce bâtiment le permet et pour ça je ne regrette pas de l’avoir construit », conclut-il. Objectif atteint pour Solidarité Paysans, dont Marc Tardy résume la mission par ces mots empruntés au fondateur de l’association : « Remettre l’homme debout ».

Sophie Sabot

*CFPPA : centre de formation professionnelle et de promotion agricole.

Contacts Solidarité Paysans Drôme-Ardèche

04 75 25 88 64 ou 07 87 11 05 25

Mail : [email protected]

Site internet : www.solidaritepaysans.org/drome-ardeche

Des accompagnements confidentiels

Si David Bautin a accepté de témoigner devant la presse et d’autres agriculteurs de sa démarche auprès de Solidarité Paysans, Marc Tardy insiste : « Le reste du temps, nos accompagnements restent totalement confidentiels ». Il rappelle que l’association n’intervient que suite à une demande de l’agriculteur lui-même. Souvent, ce sont les assistantes sociales de la MSA ou le bouche-à-oreille qui renvoient la personne vers l’association. Un binôme bénévole-salarié se met alors en place. « Le salarié a le déclic de faire appel aux bons partenaires pour débloquer la situation, tandis que le bénévole, souvent un agriculteur à la retraite, établit une relation de professionnel à professionnel avec la personne accompagnée », décrit Daniel Badel, viticulteur retraité et bénévole. « L’accompagnement peut durer une heure comme un an voire plusieurs années », poursuit Marc Tardy. Parfois il suffit simplement d’un coup de fil pour résoudre un problème qui mine l’exploitant. Plus souvent, c’est un accompagnement dans la durée qui est nécessaire. « Notre objectif, c’est de maintenir l’exploitation mais dans certains cas, nous accompagnons jusqu’à l’arrêt de l’activité », précise Marc Tardy.

En 2020, Solidarité Paysans est intervenu auprès de 66 exploitations en Drôme et 26 en Ardèche. Ces accompagnements concernent le plus souvent des difficultés économiques et financières, par exemple auprès d’exploitations touchées par un sinistre climatique (grêle, gel…). Mais l’association peut aussi intervenir dans des situations liées à des problèmes de santé, une surcharge de travail, une séparation, une mésentente entre associés…

Pour mener ses missions, Solidarité Paysans Drôme-Ardèche reçoit le soutien financier du Département de la Drôme, de l’Ardèche, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de l’Agence régionale de santé (ARS) et de la MSA.

S.S.