La filière volailles de chair confrontée à de nouveaux défis
La crise aviaire a fortement affecté la filière volailles de chair selon un bilan économique et technique présenté par l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) fin novembre à Valence (Drôme).

Fin novembre à Valence, l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) a organisé une journée technique et économique consacrée aux nouveaux défis de la filière volailles de chair. En préambule, Hélène Bombard, la présidente de l’Afivol (interprofession avicole de la région Auvergne-Rhône-Alpes), a rappelé que la filière volailles de chair était bien organisée face à un contexte de multicrises. « Nous avons subi trois crises successives : sanitaire, énergétique et sociétale. De nouveaux défis, dont celui du changement climatique, sont devant nous. Il est important de rester unis pour y faire face. »
Un impact économique sans précédent
En 2022, la filière volailles a traversé une triple crise conjoncturelle avec l’épisode d’influenza aviaire particulièrement virulent en Europe et en France, les conséquences de la guerre en Ukraine (hausse des cours et pénurie des matières premières, coût de l’énergie) et une crise économique liée à la Covid -19 et l’inflation. Mohamed Bouzidi, économiste à l’Itavi, a abordé la question des cours des matières premières et de leur forte volatilité à un niveau haut que ce soit pour le blé fourrager, le maïs ou le tourteau de soja. « Nous avons assisté à une explosion des coûts de production du poulet en sortie d’élevage. Depuis 2019, une hausse de plus de 50 % des coûts de production a été enregistrée. Et depuis mai 2021, l’évolution des prix de l’énergie s’est accrue fortement, de plus de 25 % environ pour le gaz et l’électricité », a-t-il précisé. L’impact de la crise aviaire (IAHP) en France et en Europe est sans précédent. De novembre 2021 à juin 2022, 2 400 foyers de grippe aviaire ont été recensés en Europe, avec 46 millions de volailles abattues. Sur la même période, la France a totalisé 1 400 foyers (860 en Pays de la Loire), soit 37 % des volailles abattues en Europe (Italie 33 %). En 2022, la crise aviaire pèse toujours sur la production avec une présence estivale inquiétante (52 foyers en France d’août à novembre). Les abattages réalisés et en prévision pour 2022 sont en baisse de 3,7 % en poulets de chair, 18,7 % en dindes, 31 % en canards à rôtir et 13 % en pintades. Globalement sur 2022, les pertes en France sont estimées à plus de 800 millions d’euros en chiffre d’affaires (sortie élevage, génétique et export), 300 millions pour la filière canards gras, 154 millions pour le poulet, 108 millions pour les dindes et 100 millions pour les œufs. L’impact global, selon cette première estimation liée à la crise sanitaire, est de 1,2 milliard € (Md €) de pertes en chiffre d’affaires (export, abattage, gestion sanitaire). Les poulets élaborés tirent mieux leur épingle du jeu. Le poulet reste le produit préféré des Français avec une demande plus forte pour la découpe. « Signes encourageants, sur les neuf premiers mois de l’année 2022, les achats des ménages en volailles progressent de 11 % pour la découpe de poulets avec une consommation, contrastée selon les espèces, mais à la hausse et dynamique en restauration hors domicile », souligne Mohamed Bouzidi. La part du poulet importé dans la consommation sur l’année 2022 reste élevée à 51,2 %. La France a perdu certains marchés à l’exportation (Philippines, Hong Kong), a subi l’arrêt de l’exportation en 2021 de foies gras en Chine et a perdu, en 2022, le marché de la génétique en Afrique du Nord (Algérie, Maroc) pour les œufs à couver et les poussins reproducteurs.
Pierre-Louis Berger
De nouvelles méthodes de travail s’imposent
Depuis 1900, on observe une hausse des températures moyennes en France de 1,7 % (supérieure à la moyenne mondiale) avec une forte évolution dans les années 1980. Des réglementations nationales et internationales se sont progressivement mises en place : Accord de Paris de la COP 21 avec pour objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C, Green deal (réduction de 55 % des émissions nettes de GES en 2030 sur base de 1990), Farm to fork et stratégie nationale bas carbone (SNBC). La SNBC fixe une trajectoire de réduction des GES jusqu’à 2050 et reprend les objectifs européens. Elle promeut pour les produits agricoles le calcul et l’affichage de l’empreinte carbone. Il existe un instrument de financement de cette transition, le label bas carbone. Le secteur agricole a contribué à hauteur de 20,6 % des émissions de gaz à effet de serre en 2022 et l’aviculture à hauteur de 0,6 % des émissions liées à l’élevage (l’élevage représentant 10 % des émissions agricoles). À horizon 2050, le secteur agricole pourrait peser pour 60 % des émissions de GES. Vincent Blazy de l’Itavi, spécialiste en environnement a précisé ce phénomène : « Le secteur agricole va diviser par deux ses émissions de GES là où d’autres secteurs (parc automobile, bâtiment) vont baisser de 100 %. L’aviculture est une production qui a une contribution limitée à ces émissions. Pour autant, elle doit aussi apporter sa part aux objectifs de réduction (diminution de 8 à 9 % entre 2015 et 2020). L’objectif étant d’atteindre une baisse de 18 % entre 2015 et 2030. Dès lors, se pose un vrai défi : comment réduire une base d’émissions faibles avec un niveau d’investissements acceptable ? » Vincent Blazy propose une répartition des émissions directes par poste et par composé. Deux postes de répartition des émissions GES seraient ainsi créés : le bâtiment d’élevage avec un scénario de référence (1 500 m2, densité de 21,4 animaux au m2, 6,9 lots/an) et le stockage. Il propose une sobriété de consommation d’énergie fossile avec une diminution de 50 à 100 % de la consommation de propane et de rouler au bio GNV. Selon lui, le stockage peut-être un axe de travail plus accessible sur un plan technique. L’Itavi a créé un calculateur des gains pour le compostage et la méthanisation. « Au final, la gestion des effluents en filière solide offre un potentiel de réduction des GES limité mais qui pourra s’appuyer sur le label bas carbone », conclut l’expert.