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Expérimentation

Domaine du Pradel : répondre aux défis de la profession caprine

À Mirabel en Ardèche, le Domaine du Pradel permet d’apporter des références aux éleveurs caprins et aux vignerons, dans le cadre de nombreux travaux de recherche. Au-delà de l’aspect expérimental, il répond aussi à des objectifs pédagogique et commercial.

Domaine du Pradel : répondre aux défis de la profession caprine
La production de chevreaux, le changement climatique, l’eau et l’énergie, ainsi que les conditions de travail et les conduites d’élevage figurent parmi les grandes tendances des travaux de recherche menés sur la ferme expérimentale caprine du Pradel. Crédit photo Station du Pradel

L’exploitation caprine et viticole du Pradel s’étend sur 52 hectares - 12 ha de vignes et 40 ha de surfaces fourragères - et se compose d’un troupeau de 228 chèvres, 11 boucs et une quarantaine de chevrettes. La production laitière est de 220 000 litres par an en moyenne. Elle est principalement transformée sur place en fromages AOP Picodon. Le reste (environ 55 000 litres de lait) est livré à la coopérative Agrial. La ferme caprine du Pradel est le fruit d’un partenariat entre l’EPLEFPA(1) Olivier de Serres et la profession via la Fnec(2), la chambre régionale d’agriculture et l’Idele (Institut de l’élevage), tous réunis au sein du réseau Cap’Pradel créé en 2018 ainsi que divers organismes professionnels agricoles qui participent activement à la conception et à la réalisation des essais et la diffusion des résultats. Son objectif est de répondre aux défis de la profession caprine. « Nous avons des soutiens financiers, un soutien de la filière, le personnel, l’héritage d’Olivier de Serres et l’envie ! Nous avons une obligation de résultats », ajoute la nouvelle directrice de l’exploitation caprine et viticole du Pradel, Clarisse Balagny.

Depuis 2019, la ferme caprine dispose d’installations modernes, lui permettant d’assumer pleinement les missions de recherche et d’innovation qui lui sont confiées. En moyenne, une quinzaine de travaux de recherche y sont menés en permanence par an, tous choisis par vote lors des conseils d’administration de Cap’Pradel. Ils portent sur diverses problématiques auxquelles les éleveurs sont confrontés actuellement. Ces expérimentations représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’atelier caprin, sans pénaliser l’activité de production.

Références sur l’engraissement des chevreaux 

Le projet Top’Cabri entend apporter des références pour faciliter la création d’une filière label rouge pour le chevreau. © Station du Pradel

À la demande de la profession, en quête de solutions pour mieux valoriser la viande de chevreaux, le projet Pepit Top’Cabri, porté par l’Idele, entend apporter des références aux opérateurs pour faciliter la création d’une filière label rouge pour le chevreau. Faut-il produire des chevreaux plus lourds ou légers, privilégier le lait maternel ou artificiel, sevrer plus tôt ?… Autant de questionnements auxquels ce projet entend répondre. « Ces travaux sont organisés de l’éleveur jusqu’au consommateur », ajoute Clarisse Balagny. Les effets de divers types d’engraissement sur la croissance des chevreaux, les coûts alimentaires et la qualité de la viande sont notamment étudiés. Des tests sensoriels ont été mis en place aussi pour goûter à l’aveugle différentes viandes de chevreau et évaluer leur niveau d’appréciation suivant les modalités d’engraissement.

Adaptation au changement climatique

D’autres travaux de recherche concernent l’adaptation au changement climatique, là aussi de la chèvre au produit fini, en passant par les sols et les bâtiments. Des essais techniques réalisés sur le suivi de la production laitière fermière en période de forte chaleur (Climlactic), sur l’autonomie protéique des fourrages (Pepit Aura Protéines) pour pallier le manque d’herbe et accompagner plus spécifiquement les AOP et IGP laitières (Adaopt)... Quant au projet Apache lancé en 2021, il vise à étudier l’impact de la consommation d’arbres fourragers, en particulier le mûrier blanc, en période estivale. La ferme du Pradel dispose de 2 ha de cet arbre robuste, plantés il y a une trentaine d’années pour la culture du ver à soie : « Leurs feuilles grasses, présentes quand l’herbe n’y est pas, pourraient permettre d’améliorer les taux protéiques et butyreux du lait », indique Clarisse Balagny. Un essai similaire mais réalisé avec le frêne (Rame) sera entamé en septembre prochain, uniquement à l’auge. Des tests sont menés également sur des espèces fourragères plus résilientes au sec (Cap Protéines et Adaopt) : chicorée, plantain, sorgho en dérobées…

Des travaux de recherche qui servent « à tous »

En matière de conditions de travail et conduites d’élevage, les études portent sur la gestion de la reproduction par tabliers électroniques pour marquer les chèvres en chaleur (protocole sans hormone), l’évolution des pratiques de distribution d’aliments (MaxForGoat), la conduite des primipares (Opti’primi), le travail à la fromagerie et le lavage de la salle de traite (APNEE). « L’eau est aussi au cœur des différentes demandes de recherche, avec actuellement divers projets de recherche sur les effluents d’élevage et la récupération de l’eau pluviale, ajoute Clarisse Balagny. Toutes ces expérimentations nous permettent d’améliorer notre production. Elles sont commandées par la filière et parfois par des entreprises privées (coopératives, marchands d’aliments, fabricants de matériel...), donc elles dépendent de la demande. Mais nous veillons à ce qu’elles ne soient pas contradictoires avec les besoins des travaux de recherche déjà mis en place et le cahier des charges de Cap’Pradel. Nous faisons un point tous les trois mois pour adapter ce que l’on recherche et souhaite mettre en place. Le but est qu’elles servent à tous. »

Anaïs Lévêque

(1) EPLEFPA : Établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole.

(2) Fnec : Fédération nationale des éleveurs de chèvres.

« Accompagner les professionnels mais aussi les élèves et futurs agriculteurs »

Clarisse Balagny est la directrice de l’exploitation caprine et viticole du Pradel. Elle a pris ses fonctions au printemps dernier.

Âgée de 32 ans et originaire de Vendôme en région Centre-Val de Loire, Clarisse Balagny a pris la direction de l’exploitation agricole caprine et viticole du Pradel au printemps dernier. Son CV et son parcours sont déjà riches. Titulaire d’un BTS productions animales et d’une licence professionnelle sur les métiers du conseil en élevage option porcine, la jeune femme a entamé sa carrière professionnelle comme technicienne d’élevage dans une entreprise porcine, répartie sur deux sites d’exploitation en Eure-et-Loir et à Rungis, pendant cinq ans. De l’élevage à l’engraissement puis l’abattage, « j’ai travaillé sur tous les paramètres de cette filière, et notamment le porcelet d’abattage qui rencontre les mêmes problématiques que la filière caprine avec les chevreaux ». Clarisse Balagny part ensuite travailler dans une exploitation porcine et bovin lait pendant un an et demi en Nouvelle-Zélande, qui utilise le pâturage tournant dynamique, puis neuf mois aux États-Unis au sein d’un élevage sélectionneur porcin. Elle continue son parcours au sein de l’EPLEFPA Chervé Noirétable (Roanne) comme salariée, puis au lycée professionnel agricole La Cazotte (Saint-Affrique) comme enseignante en productions porcine et bovine, avant de prendre la direction de l’exploitation du lycée des métiers de l’agriculture (LMA) du Haut-Anjou (Château-Gontier sur Mayenne) puis celle de l’EPLEFPA de Marmilhat (Clermont-Ferrand).

« J’ai souhaité quitter mon poste et appris qu’une place se libérait à Aubenas, raconte-t-elle. Le directeur de l’EPLEFPA Olivier de Serres est une personne pleine d’envie et de projets. Je me rends compte de la complexité du système, avec des procédures bien particulières et parfois longues, du lycée aux exploitations, mais c’est très stimulant de travailler dans un environnement qui pousse à être toujours en questionnement, dans le mouvement, travailler à la fois sur de la pédagogie, du management de la production, de la comptabilité, être aussi acteur et représentatif du territoire en partenariat avec les professionnels de la filière. Chaque exploitation agricole est différente selon les territoires, mais elles se rejoignent toutes autour d’un objectif commun : accompagner les professionnels mais aussi les élèves et futurs agriculteurs. »

A.L.