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Aléa climatique

Neige dévastatrice de 2019, un an après

La neige lourde tombée mi-novembre 2019 sur une partie de la Drôme avait saccagé des vergers, détruit des infrastructures, des bâtiments d’élevage… Que s’est-il passé depuis ? Quelques témoignages.

Neige dévastatrice de 2019, un an après
La neige du 14 novembre 2019 a causé d'énormes dégâts en agriculture sur une partie de la Drôme : arbres cassés, arrachés, bâtiments d'élevage détruits... Photo : noyer fendu en deux.

Hervé Espeisse, retraité éleveur de poulets

A Valence, la neige lourde tombée le 14 novembre 2019 et la nuit suivante avait abattu, comme un château de cartes, le poulailler d’Hervé Espeisse (1 280 m²). La toiture amiantée et couverte de panneaux photovoltaïques s’était effondrée. « Comme si une bombe était tombée dessus, racontait juste après Hervé Espeisse. Ce poulailler construit en 1981, je l’ai rénové plusieurs fois dont récemment. J'ai 62 ans et l’avais gardé pour compléter sa retraite. » Il se demandait alors s’il allait arrêter l'élevage ou reconstruire. Finalement, il a choisi la deuxième solution et de remettre des panneaux photovoltaïques car, « si je ne reconstruis pas, rien ne complétera ma maigre retraite d’agriculteur. Depuis un an, pas un centime de plus ne rentre ». L’assurance l’a dédommagé, sauf pour le désamiantage (coût d’environ 20 000 €).

Le premier confinement a retardé la déconstruction. « L’entreprise, spécialisée dans le désamiantage, a attaqué le chantier le 10 août et terminé le 26, signale-t-il. J’ai déposé à la mairie une déclaration préalable de travaux (délai d’instruction d’un mois). Mais on m’a dit qu’il fallait un permis de construire. Je ne vois pas le bout du tunnel. J’ai les devis pour reconstruire mais dois attendre que le permis soit accordé (délai d’instruction de trois mois). »

Jean-Luc Gignard, éleveur de bovins

A Marches, le toit d'un bâtiment semi-tunnel de Jean-Luc Guignard avait cédé sous le poids de la neige. Cinq vaches et un veau étaient morts. Depuis, « j’ai reçu un petit acompte de l’assurance mais le reste est en stand-by. J’attends pour reconstruire, cette fois-ci en dur. Ce n’est pas réglé non plus pour le tunnel de sa sœur effondré lui aussi ». Les agneaux qu’abritait celui-ci avaient pu se réfugier dans un couloir, aucun n'avait péri.

Depuis, Jean-Luc Gignard a subi un autre sinistré : sa stabulation (1 800 m²), construite en 2017, a brûlé fin juillet ; le feu a été provoqué par les panneaux solaires installés sur la toiture. « Elle est à raser et reconstruire. » L’assurance lui indemnise fourrage, paille, matériel mais pas le béton, les bardages... « Si j’avais été propriétaire du bâtiment, il n’y aurait eu aucun souci mais je ne le suis pas. Il faut donc bien se renseigner auprès de son assureur, faire attention au contrat, lire entre les lignes, met-il en garde. On se croit bien assuré mais on ne l’est pas. Mon assurance et la société productrice d’électricité (propriétaire du bâtiment) se retournent contre l’entreprise qui a posé les panneaux. Mais le problème, c’est que celle-ci est étrangère et ça peut durer plusieurs années. S’il le faut, j’irai en justice. Dans ce bâtiment, je logeais 105 vaches et autant de veaux. En attendant sa reconstruction, c’est un peu la galère. J’ai réaménagé les anciennes écuries et mis chez un collègue une cinquantaine de génisses en pension, que l’assurance prend en charge ».

Christian Nagearaffe, nuciculteur

La neige avait aussi transformé des noyeraies en champs de bataille. A Montmiral, dans le cadre du régime des calamités agricoles, Christian Nagearaffe a déclaré 199 noyers arrachés par la neige. Mais il en a eu bien d’autres, non pris en compte car trop âgés. « Il y a un bon mois, j’ai reçu 75 % de l’indemnisation à laquelle j’ai droit, soit un peu plus de 6 000 €. Cela aide un peu », signale-t-il. La Région devrait aussi apporter un soutien concernant ces intempéries du 14 novembre 2019, entre autres pour les noyers, mais je n’ai pas plus de précisions pour l’instant. Un plan filière pour la noix est en cours d’instruction. Il devrait passer en commission plénière à la fin de l’année. » 

Christian Nagearaffe a mis à profit le premier confinement pour déblayer ses vergers, avec un prestataire de service et un télescopique loué. « Cela a pris beaucoup de temps, précise-t-il. Et ce n’est pas fini, des branches ont encore cassé depuis et d’autres sont fragilisées. » Un voisin a fait déchiqueter le bois enlevé pour alimenter sa chaudière : « sur quinze hectares, il a fait 250 m³ de plaquettes, un volume énorme ».

Katia Sabatier-Jeune, arboricultrice

A Grâne, des vergers de Katia Sabatier-Jeune ont gravement souffert en novembre 2019. Alors que la récolte commençait à peine, sous le poids de la neige lourde plus celui des fruits, une partie de ses pommiers s’était couchée et quasiment toutes les têtes avaient cassé. Ceux tombés ont été arrachés, les autres restructurés. « J’ai essayé de sauver les meubles mais j’ai perdu un tiers de mon potentiel de production, entre les arbres enlevés et les têtes cassées », déplore l’arboricultrice. Dans ses plantations de kiwis, les fils de faîtage et filets de protection avaient cédé. « Il a fallu tout refaire. » Trois hectares de jeunes abricotiers (de deux à six ans) avaient aussi été très endommagés. Les arbres complètement ouverts ont été arrachés. Sur l’autre partie, « on a essayé de les restructurer mais des problèmes sanitaires (plomb et bactériose) se sont ensuite greffés. Avec du recul, je pense qu’il aurait mieux valu arracher tous ces abricotiers et repartir à zéro. J’ai commandé des plants pour constituer un nouveau verger d’abricotiers ailleurs mais je perds un an, voire deux. Mon objectif est de replanter en 2021-2022. Je solliciterai l’aide de la Région pour la rénovation de verger et la protection avec des filets ».

Pour les arbres arrachés, Katia Sabatier-Jeune a déposé un dossier de demande d’indemnisation dans le cadre du régime des calamités agricoles cet été et a reçu le versement en octobre. Un accompagnement bienvenu, estime-t-elle, « car les dégâts sont lourds de conséquences économiques » sur les exploitations qui, comme la sienne, « ont été très impactées ».

Annie Laurie

145 dossiers déposés en calamité agricole

Les dégâts de la neige du 14 novembre 2019 ont été reconnus au titre des calamités agricoles par le CNGRA* du 13 mai avec un montant d'indemnisation de 2 192 348 euros. La reconnaissance porte sur :

- les pertes de fonds sur l'outil de production vivant : noyers, châtaigniers, abricotiers, pommiers, actinidias, pépinières ;

- les pertes de fonds sur l'outil de production inerte : sols, clôtures, palissages, volières.

Cette seconde partie, spécifique à ce sinistre, permet d'indemniser les coûts de dégagement des sols très conséquents en noyeraies et châtaigneraies, ainsi que les clôtures chez les éleveurs.

Au total, 145 dossiers ont été déposés. L'instruction par le service agriculture de la DDT de la Drôme se poursuit. 74 dossiers ont déjà reçu un paiement (total ou acompte) pour un montant global de 656 772 euros. « La diversité des mesures et l'intégration des travaux de dégagement desparcelles rendent l'instruction lourde et nécessite de nombreux échanges avec les agriculteurs », souligne la DDT.

* CNGRA : comité national de gestion des risques en agriculture.

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