L’amélioration de l’autonomie fourragère et protéique des élevages passe par l’innovation
Dans le cadre du déploiement du plan Cap Protéines, le Centre d’élevage de Poisy (Haute-Savoie) a accueilli fin septembre une journée technique ouverte aux éleveurs et étudiants de l’ensemble de la région Auvergne Rhône-Alpes.

Le 22 septembre au Centre d’élevage de Poisy, près de deux-cents visiteurs ont suivi en plusieurs groupes quatre ateliers animés par des spécialistes des semences fourragères, des mélanges multi-espèces, de la conduite du pâturage, des calculs de coûts alimentaires, des cultures de soja et de leur incorporation dans les rations. Ces intervenants ont pu délivrer quelques conseils pratiques et ont présenté les expérimentations en cours pour rechercher l’amélioration de l’autonomie alimentaire et protéique des troupeaux laitiers et viande en système herbager.
Des semences fourragères
Jean-Michel Bellard de la société aveyronnaise RAGT a expliqué l’important travail de recherche et développement conduit par le semencier pour faire évoluer en permanence les trente-deux espèces fourragères de la marque. De la sélection d’une nouvelle variété à son inscription au catalogue France Prairies, il faut compter une dizaine d’années de tests, de multiplication, de triage et de certification. L’objectif de cette large gamme est de répondre aux besoins de tous les climats, de tous les sols et pour tous les modes d’exploitation. Des plantes qui poussent au bon moment, qui résistent aux maladies et aux aléas climatiques. « Mais sans eau et au-delà de 30 °C, je n’ai pas », a-t-il glissé en réponse à la question d’un visiteur. Contre la sécheresse, Jean-Michel Bellard conseille aux éleveurs de tester les mélanges RAGT sur deux ou trois ans jusqu’à trouver le bon compromis sur chaque parcelle entre rendement en matière sèche et longévité d’implantation. « Les mélanges ne représentent qu’un quart de nos ventes, nos clients préfèrent de loin des variétés pures de ray-grass, trèfle ou encore légumineuses pour composer eux-mêmes à la ferme. »
Les légumineuses à l’essai
Sur un second atelier ont été présentés les essais de cultures légumineuses fourragères lancés cette année autour du Centre d’élevage de Poisy pour mieux connaître leurs cycles, leurs comportements en association et les valeurs alimentaires attendues. Une vingtaine de bandes semées en septembre 2021 se composent de vesces, trèfles, pois, féveroles, lentilles, seigles, dactyles, luzernes et fétuques, en pur et en mélanges, à différentes densités de semis. Ces parcelles expérimentales sont fauchées en mai et en juin, la récolte étant ensuite pesée et analysée. Les valeurs sont comparées à une bande de ray-grass italien, espèce choisie comme témoin de précocité. Malheureusement, en cette année très aride, les parcelles ont beaucoup souffert et seulement cinq bandes ont pu être fauchées. Les pluies tombées depuis le 14 août ont fait reverdir les essais et une nouvelle fauche est prévue en octobre.
Le suivi se poursuit et « les premiers résultats ont déjà permis d’éliminer les légumineuses peu intéressantes et de définir une densité de semis optimale », a expliqué Élodie Morand, chargée de mission protéines chez Arvalis-Institut du végétal.
Des mélanges multi-espèces robustes
Pour ses qualités de robustesse face aux variations climatiques, « le raisonnement de mélanges multi-espèces revient en force », a constaté Patrice Pierre de l’Institut de l’élevage. Ces assemblages combinent les fonctions complémentaires de rendement en matière sèche (graminées) et de qualité nutritive (légumineuses) auxquels sont ajoutés du ray-grass, du trèfle blanc et du pâturin pour l’engazonnement. Dans le cadre de Cap Protéines, trente compositions types de prairies multi-espèces pour le pâturage et la fauche sont étudiées sur neuf plateformes différentes en France, réseau national dont fait partie le site de Poisy. La sociabilité des espèces entre elles est particulièrement regardée car elle induit la stabilité de la composition botanique de la prairie dans le temps. Sur cinq ans, par exemple, le dactyle a toujours tendance à s’imposer tandis que la fétuque, au contraire, se fait dominer. « Sur ce point, l’avantage va aux mélanges dits régionaux par rapport à ceux proposés par les grands groupes semenciers », a remarqué Patrice Pierre pour qui il n’existe pas de « mélange passe-partout. La réussite, c’est l’éleveur qui parvient à s’ajuster en observant la réponse de ses prairies ».
Des prairies type Saint-Marcellin
Le troisième atelier était animé par Romaric Puthod, formateur au Centre d’élevage de Poisy et spécialiste du pâturage et de la production herbagère. Il a montré au groupe les prairies semées en mélange type Saint-Marcellin, suivies de façon pluriannuelle avec le programme régional Pepit. Ces compositions ressemblent à des prairies naturelles. Comme ailleurs, l’été extrême vécu à Poisy (3 mm de pluie entre le 1er juillet et le 14 août ; 150 mm depuis) a permis de prouver leur résistance et surtout leur capacité à repartir et à produire à nouveau de la biomasse. « Au 15 août, c’était aussi jaune que les pâturages semés en mélange RGA-trèfle blanc, le préféré des vaches laitières pour la conduite au fil. » Aucune exploitation n’était alors possible. « Dès que l’humidité revient, on voit que les graines ne se perdent pas. »
Autoproduction de soja
Afin de réduire les coûteux achats de tourteaux importés, la culture de soja et son introduction dans les rations ont été le sujet du quatrième et dernier atelier. Dominique Dubonnet, chef de cultures à Poisy, a détaillé le délicat itinéraire technique pour atteindre un rendement de 30 q/ha, « équivalent économiquement à un maïs à 90 q/ha » pour un taux de protéines moyen de 43 %. La rotation s’effectue derrière un blé pour 30 t moissonnées en moyenne en septembre sur 10 ha. En charge du troupeau du Centre d’élevage, Jean-Christophe Michaud a expliqué que depuis dix ans, les atouts énergétiques et protéiniques de la graine crue de soja, en complément du foin, ont été adoptés.
Sa culture sur place améliore l’autonomie azotée de l’exploitation. La teneur élevée en matière grasse du soja impose toutefois des précautions de dosage
(2,5 kg/VL/jour en hiver, associé au tourteau de colza). En utilisant un aplatisseur de céréales, la graine de soja peut être concassée pour être plus facilement incorporée à la ration. Enfin, pour clôturer le dernier atelier, Denis Chappuis de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire a présenté les avantages du toastage du soja. Cuite quelques secondes à 280 °C, la graine perd ses facteurs anti-nutritionnels et son excès d’azote soluble. Elle est plus appétente et se conserve mieux. « C’est une opportunité à calculer. Un toasteur en Cuma existe dans la Nièvre et je sais qu’il peut se déplacer dans la région ».
Bertrand Coffy
Des betteraves en pâturage matinal au fil pendant l’été
Sur la ferme du Centre d’élevage de Poisy, à cause de l’été très sec, le pâturage est devenu impossible à partir du 15 juillet. Les vaches laitières ont été rentrées au bâtiment et affouragées avec les réserves de foin constituées pour l’hiver. Afin d’offrir un peu de matière verte et fraîche au troupeau, la pâture au fil d’une parcelle d’1 ha de betteraves semées en mars est testée depuis trois ans. Le temps était limité tous les matins de une heure à une heure et demi maximum. Ramenée à l’UFL, cette pratique est deux fois moins coûteuse que le maïs vert et sept fois moins onéreuse qu’un complément VL18. L’expérience sera renouvelée pour 2023.
