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Session chambre d’agriculture

« Notre modèle agricole va être chamboulé »

Bilan d’activité, focus sur le dernier recensement agricole et élargissement des MAEC à tous les territoires drômois, tels ont été les principaux points abordés en session de la chambre d’agriculture de la Drôme, le 10 mars. Le tout sur fond de guerre en Ukraine.

« Notre modèle agricole va être chamboulé »
Alors que la guerre fait rage aux portes de l’Union européenne, c’est dans un contexte géopolitique international tendu que s’est déroulée la session de printemps de la chambre d’agriculture de la Drôme, le 10 mars à Etoile-sur-Rhône. ©AD26_CL

Alors que la guerre fait rage aux portes de l’Union européenne, c’est dans un contexte géopolitique international tendu que s’est déroulée la session de printemps de la chambre d’agriculture de la Drôme, le 10 mars à Etoile-sur-Rhône. Pour son président, « l’invasion russe en Ukraine est dramatique pour les populations et laissera des traces irréversibles dans les équilibres mondiaux », a déclaré Jean-Pierre Royannez. Après la pandémie de la Covid-19, ce conflit impacte à nouveau durement les économies. « Notre modèle agricole va être chamboulé, a prévenu le président de la chambre d’agriculture. Le prix du GNR(1) a été multiplié par trois ces derniers jours. Pour les engrais azotés, il n’y a plus de garantie de livraison ni de prix. Quant à l’augmentation considérable du cours des céréales, elle fait peser un risque sur le maintien des élevages avicoles, et donc aussi sur la fourniture de fumure organique. » Autre motif d’inquiétude, l’arrêt des exportations ukrainiennes de blé qui constitue un risque alimentaire pour les populations de certains pays dépendants (Egypte, Liban…). « C’est pour cela qu’il faut sécuriser notre production et produire davantage, a estimé Jean-Pierre Royannez. Il faut aussi développer les projets de méthanisation et d’agrivoltaïsme (lire page 3) afin d’assurer une meilleure indépendance énergétique de notre pays. »

Des engagements tenus

A la tribune de la session chambre d’agriculture de la Drôme, de gauche à droite : Pierre Combat (premier vice-président), Damien Colin (directeur général), Elodie Degiovanni (préfète), Jean-Pierre Royannez (président), Isabelle Nuti (directrice de la DDT), Agnès Jaubert (conseillère départementale déléguée à l’agriculture).

Quittant cette actualité brûlante quelques instants, les membres de la chambre d’agriculture ont fait un retour sur 2021 avec la présentation du bilan d’activité par Damien Colin, directeur général. Il ressort que les six engagements de la mandature sont tenus : le renouvellement des générations « avec des installation nombreuses, robustes et variées », la transition énergétique et la préservation des ressources « avec notamment la sauvegarde du foncier agricole », la technologie et le numérique « avec en particulier le déploiement des OAD(2) », l’alimentation et les circuits courts « avec l’élaboration de projets alimentaires territoriaux ». En matière de transition agricole, le fait marquant a été l’organisation du salon Tech&Bio, qui a accueilli 18 000 visiteurs. Quant au conseil stratégique, sixième engagement, il recouvre l’ensemble des conseils, études et formations proposés tout au long de l’année. « Notre activité a été dense, a souligné Jean-Pierre Royannez. Certains de nos objectifs sont atteints voire dépassés. »

Des territoires drômois qui évoluent différemment

Autre point abordé lors de cette session, les chiffres du dernier recensement agricole (lire L’Agriculture Drômoise du 16 décembre). Manon Courias, responsable au service agriculture de la DDT, a présenté un focus sur l’évolution des petites régions agricoles drômoises entre 2010 et 2020. Tricastin et Baronnies se situent dans les moyennes départementales (- 18 % du nombre d’exploitations, - 15 % de chefs d’exploitations, - 5 % de surface agricole utile). Il en de même pour le Diois et le Pays de Bourdeaux avec cependant un bémol lié à une perte de SAU beaucoup plus forte (jusqu’à - 18 %). Les territoires des Plaines rhodaniennes, du Royans et du Vercors « se portent relativement bien ». En revanche, « la région agricole Galaure-Herbasse présente une situation particulièrement inquiétante avec une baisse importante du nombre d’exploitations (- 27 %) et d’actifs (- 24 %). » La perte des ICHN(3) après la révision en 2019 de la zone défavorisée simple, la baisse de 40 % des prélèvements d’eau (décision actuellement sous moratoire) ont considérablement fragilisé ce territoire. « On n’a aucun signal positif et dans vingt ans on n’aura plus aucun agriculteur », déplore Christian Nagearaffe, exploitant à Montmiral et membre de la chambre d’agriculture. « C’est le territoire qui m’inquiète le plus », avoue Jean-Pierre Royannez.

Christophe Ledoux

(1) GNR : gazole non routier.

(2) OAD : outil d’aide à la décision.

(3) ICHN : indemnité compensatoire de handicaps naturels.

PAEC - MAEC 2023-2027 : un souhait d’égalité de traitement sur tous les territoires

Alice Bouton (chargée d’étude économique et référente Pac à la chambre d’agriculture de la Drôme) et Manon Courias (responsable au service agriculture de la DDT) ont présenté le prochain dispositif des PAEC.

À l’occasion de sa session de printemps, la chambre d’agriculture a convié tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) que compte la Drôme : Porte de DromArdèche, Arche agglo, Valence Romans agglo, Royans-Vercors, Val de Drôme en Biovallée, Crestois-Pays de Saillans, Diois, Montélimar agglo, Dieulefit-Bourdeaux, Sud Provence, Enclave des Papes-Pays de Grignan, Baronnies en Drôme provençale. Objectif : les inciter à s’engager dans des projets agro-environnementaux et climatiques (PAEC) pour la période 2023-2027. Ceci afin de proposer des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) à un maximum d’agriculteurs drômois.

Sur la programmation en cours, environ 13 000 hectares ont été engagés en Drôme touchant 215 exploitations agricoles pour un budget de 5,4 millions d’euros. Pour la période 2023-2027, le dispositif évolue (lire L’Agriculture Drômoise du 3 mars).

« Je souhaite une égalité de traitement sur l’ensemble des territoires drômois », a souligné Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture. Comme l’ont indiqué les représentantes de la DDT, les dossiers sont à déposer d’ici fin mai. Très prochainement, DDT et chambre d’agriculture organiseront une réunion d’information pour les EPCI, avec le souhait que les élus y participent afin d’accélérer les prises de décisions. Le temps presse...

C. Ledoux

Elles ont dit

Avec la guerre en Ukraine et après la pandémie de la Covid-19, « nous entrons dans une troisième année de crise qui met l’agriculture plus en difficulté », a déclaré Elodie Degiovanni, préfète de la Drôme. Sur les PAEC, « la DDT aura un rôle de coordination et de facilitateur. » À propos du système de suivi des surfaces en temps réel (3STR), « je suis consciente que cela peut inquiéter les agriculteurs. L’objectif n’est pas de surveiller mais d’alerter en cas d’anomalie », a-t-elle voulu rassurer. Après les fortes gelées du 6 au 9 mars dernier qui ont touché les vergers en fleurs, « une évaluation des dégâts sera faite », a-t-elle annoncé. Sur l’eau et après les régularisations de puits auprès de l’OUGC, « je suis confiante dans la capacité à trouver les bons équilibres et les bons compromis », a-t-elle confié.

A propos des PAEC, « le Département était peu investi sur la précédente programmation et pour la prochaine aucune décision n’est encore prise à ce jour », a indiqué Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée à l’agriculture. Par ailleurs, elle s’est réjouie du succès de la Drôme au Salon international de l’agriculture, à Paris. Rappelant l’aide de 1,3 million d’euros du Département après le gel d’avril 2021, « l’instruction des dossiers se poursuit », a-t-elle ajouté. 

Réagissant à une intervention après la présentation des chiffres du recensement agricole, « on n’est pas dans une accélération de la baisse des élevages ovins du fait du loup, a considéré Isabelle Nuti, directrice de la DDT de la Drôme. D’autres facteurs doivent expliquer cette tendance car en Ardèche la baisse est plus forte qu’en Drôme alors que la présence du loup n’était pas avérée entre 2010 et 2020. Nous aurons des éléments plus factuels d’ici quelques temps. »