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Semences

Les semenciers du Sud-Est aux aguets

Aléas climatiques, ravageurs et renouvellement de génération restent au cœur des préoccupations des adhérents du syndicat Sud-Est de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (Fnams). 

Les semenciers du Sud-Est aux aguets
Après leur assemblée générale, les adhérents de la Fnams Sud-Est ont visité le site de production de l’entreprise Bioline. ©ME-AD26

Difficile de voir le positif lorsque des producteurs rapportent avoir essuyé des pertes catastrophiques lors de la campagne 2024. Pourtant, lors de l’assemblée générale de la Fnams Sud-Est qui s’est déroulée vendredi 29 novembre, à Étoile-sur-Rhône, les adhérents ont dressé un état des lieux mitigé avec des résultats hétérogènes. Dix départements sont membres du syndicat : Drôme, Ardèche, Isère, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, Gard, Hérault, Bouches-du-Rhône et Var. Ainsi, tous ne rencontrent pas les mêmes difficultés de production. Si plusieurs professionnels ont parle d’une année « catastrophique », selon Anne Gayraud, directrice nationale de la Fnams « le Sud-Est ne s’en sort pas trop mal » en comparaison à d’autres territoires français comme la Vendée, par exemple, qui a subi un rendement en oléagineux « catastrophique ».

L’eau, nerf de la guerre

Pour dresser le bilan de campagne, le tour de table a débuté par la Drôme avec le Syndicat des producteurs de semences de maïs et sorgho de Rhône-Alpes, basé à Étoile-sur-Rhône. « Nous avons eu 1 500 millimètres d’eau en une année. C’est le double de la normale, rapporte un des représentants. Sous abris, la production s’est très bien passée. Les cultures d'automne ont été touchées par le mildiou et ont donné de moins bons résultats. C’est le cas pour la betterave et l’oignon ». Ce dernier rapporte toutefois de « bons résultats » pour les cucurbitacées, le maïs doux et les pois qui « se maintiennent ». Certaines espèces n’ont pas supporté l’excès d’eau comme le navet. Le producteur déplore des « hivers de moins en moins rigoureux » qui favorisent la « pression des pucerons ». Ainsi, la production de semences bio rencontre d’importantes difficultés. « Nous sommes dans une impasse même sous abri. Nous avons besoin de solutions techniques pour plusieurs espèces. Nous avons travaillé à perte toute la saison avec un rendement minable. Le climat est favorable aux maladies fongiques. Plusieurs producteurs sont repartis en conventionnel après plusieurs années de pertes », déclare le professionnel. 

 

Écho similaire pour la société Graines Girerd, basée dans le Vaucluse. La culture en plein champ a été fortement touchée par l’excès d’eau. « Une catastrophe pour les haricots qui ont été laissés sur les parcelles », rapporte le responsable des cultures semences. À Romans-sur-Isère, l’entreprise Semences de la Drôme a recensé la présence de mildiou sur 99 % des parcelles en 2023. Et l’année 2024 ? « Catastrophique. C’est une année comme celle-là tous les quinze ans », tente de relativiser l’un des représentants. Dans l’Hérault, constat inverse : c’est le manque d’eau qui pénalise une nouvelle fois les producteurs. « Notre sujet primordial, c’est de pouvoir continuer à irriguer », rapporte Jacques Duplan, vice-président du syndicat Semenciers du Sud. 

Des besoins techniques 

L’Isère n’a pas été épargnée par les précipitations. « Nous avons un problème avec la faculté germinative. Un tiers des lots de graminées est concerné, rapporte un producteur. Nous avons eu un rendement catastrophique en luzerne. Nous ne savons même pas si nos lots vont être acceptés. » Certains producteurs appellent à « imaginer des filières locaux pour aider les agriculteurs à mieux consolider l’activité potagère ». L’occasion de mettre en avant le nouveau plan filière 2024-2027 concernant les grandes cultures et leur production de semences en Auvergne-Rhône-Alpes. Il sera abondé de 645 000 €/an pour soutenir le développement des protéines végétales et accélérer la transition agroécologique. Un autre producteur de la Vallée du Rhône pointe du doigt la germination et l’humidité. Les techniciens de la Fnams rappellent toutefois que la production de luzerne approche les 25 % de déchets avec un rendement correct dans le Sud-Est, notamment dans le Vaucluse. Concernant les graminées, « nous sommes dans la moyenne malgré les aléas climatiques qui ont impacté la faculté germinative », constate la directrice. Enfin, la baisse des surfaces de semences a aussi occupé la matinée d’échanges. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, les producteurs constatent une baisse de surfaces en betterave sucrière et maïs au profit du développement des surfaces de sorgho. En Auvergne-Rhône-Alpes, une baisse de 26 % a été enregistrée pour le maïs semence. 


Dans l’Hérault, Jacques Duplan appelle à « remotiver » les troupes pour faire face à « la perte de surfaces agricoles ». Un objectif déjà identifié par la Fnams qui a d’ailleurs lancé une campagne vidéo pour promouvoir sur les réseaux sociaux le métier de multiplicateur de semences. Sur certains secteurs, le problème est inverse. Certains s’inquiètent de l’augmentation des surfaces (Puy-de-Dôme notamment) et de la nécessité de s’équiper d’outils mécaniques pour palier au manque de main-d’œuvre. « La zone sud observe un déplacement des semences potagères vers le nord de la région », commente Florence Descamps, salariée ingénieure régionale à la station d’Étoile*. D'autres points ont été abordés : les marchés mondiaux et les baisses dues aux conflits géopolitiques, notamment avec la Russie. Anne Gayraud se veut optimiste : « Cela devrait se stabiliser ». Cette assemblée générale a aussi permis de valoriser MargiS€M, un outil développé par la Fnams pour aider les producteurs à calculer leurs coûts de production. Pour l’année 2025/2026, la fédération cible principalement la protection des cultures avec un programme de lutte contre des ravageurs et maladies mais aussi les actions de désherbage et le rendement agricole.

Morgane Eymin

* En remplacement de Christian Étourneau à partir officiellement de fin janvier 2025.

Un nouveau bureau pour la Fnams Sud-Est

Géraud De Prémorel, Rémi Levast, Philibert Chomel, Jacques Duplan et Jérôme Perrin sont les nouveaux membres du bureau de la Fnams Sud-Est. ©ME-AD26

Les adhérents ont procédé à de nouvelles élections. Jacques Duplan, vice-président du syndicat Semenciers du Sud, prend ainsi la présidence en remplacement de Benoit Vignal. Cet ancien vigneron est aujourd’hui producteur de semences à Mèze (34). Il espère « redynamiser et redonner de l’élan à une région qui a un gros potentiel, surtout en termes de semences potagères » mais aussi « faire remonter les jeunes et ramener plus d’agriculteurs dans le réseau ». Géraud De Prémorel, président du Sams Drôme-Ardèche et producteur à Étoile-sur-Rhône, obtient quant à lui la place de vice-président du syndicat. Jérôme Perrin, agriculteur en Isère, a lui aussi été désigné vice-président. Rémi Levast, producteur dans les Bouches-du-Rhône, est désigné secrétaire et Philibert Chomel, agriculteur en Isère, membre du bureau. Enfin, Joël Mancini reste trésorier.

Les indemnités de solidarité nationale

Depuis novembre 2022, ce dispositif remplace les calamités agricoles dans le nouveau système de gestion des risques. Les agriculteurs non assurés climatiques ou sans interlocuteur agréé doivent déclarer leur sinistre à la DDT et via la plateforme de déclaration individuelle des sinistres Aleanat. Si les pertes de rendements sont supérieures à 50 %, la Fnams accompagne les agriculteurs dans la construction du dossier. À noter, l’Isère, la Somme et l’Eure-et-Loir ont déjà été reconnus sinistrées. Enfin, la Fnams rappelle que l’assurance climatique « couvre jusqu’à 80 % des pertes dues aux aléas climatiques ».